On appelle tokhe‘hoth (« avertissements »), ou kelaloth (« malédictions » dans le langage de la Michna [Meguila 3, 6]), les passages dans lesquels Moïse a mis en garde les enfants d’Israël en leur annonçant les malheurs auxquels ils s’exposeront s’ils n’observent pas scrupuleusement la Tora.Ces passages, contenus tant dans la parachath Be‘houqothaï (Wayiqra 26, 14 à 46) que dans la parachath Ki thavo (Devarim 28, 15, 69), ont souvent créé chez les fidèles dans les synagogues un sentiment de frayeur et d’appréhension, tant et si bien que certains répugnent à être appelés pour en suivre la lecture devant le rouleau de la Tora. On en est réduit à appeler le bedeau, attitude blessante consistant à « sacrifier » l’un des membres les plus modestes de la communauté au profit supposé de celle-ci, ou bien à y appeler « quiconque en voudra », procédé moins inélégant mais que l’on pourrait qualifier d’irrévérencieux envers un texte inscrit dans la Tora.

Dans certaines communautés, ce sont les rabbins eux-mêmes qui se font alors appeler à la Tora.

Peut-être se souviennent-ils alors que ces « avertissements » sont considérés, dans beaucoup de milieux hassidiques, comme de véritables bénédictions. Ils s’appuyent sur un texte du Zohar dans lequel le prophète  Elie indique que ce que nous tenons pour des oracles de malheur est constitué en réalité de promesses et de consolations, comme lorsqu’un roi qui aime son fils le morigène, sans pourtant lui retirer son amour.-o-o-o-o-o-o-o-o-

Haftarath parachath Be‘houqothaï – Nos véritables racines

Dans cette haftara, le prophète Jérémie compare celui qui a foi en Hachem à celui qui ne met sa confiance que dans l’homme. Tandis que le premier est comme un arbre planté près des eaux, dont le feuillage est toujours vert, et qui continuera, même pendant les sécheresses, de porter ses fruits, le second sera comme arbrisseau dans le désert, voué à la stérilité (Jérémie 17, 5 à 8).

Une Michna des Pirqei avoth (3, 17) développe comme suit cette idée : « Rabbi El‘azar ben Azarya a enseigné : Celui dont la sagesse est plus grande que les actions, à quoi ressemble-t-il ? A un arbre dont les branches sont nombreuses et les racines clairsemées, et le vent vient et le déracine et le jette sur sa face. Car c’est ainsi qu’il est écrit : “Et il sera comme un arbrisseau dans le désert, qui ne jouit pas de ce qui est bon, qui se trouve sur un terrain aride dans le désert, sur un sol salé et inhabitable.” Mais celui dont les actions sont plus nombreuses que sa sagesse, à quoi ressemble-t-il ? A un arbre dont les branches sont peu nombreuses et ses racines touffues. Même si tous les ouragans du monde grondent sur lui, ils ne peuvent pas le faire bouger de sa place, comme il est écrit : “Et il sera comme un arbre planté auprès des eaux, dont le feuillage est toujours vert, et qui continuera, même pendant les sécheresses, de porter ses fruits ” »

Cette primauté que confère cette Michna à l’action sur la sagesse est comprise par Tossafoth yom tov dans le même sens que celle que donne une autre Michna (Avoth 1, 17) : « Ce n’est pas l’érudition qui est l’essentiel, mais l’action. »

En d’autres termes, les véritables racines de l’homme, celles qui lui procurent son épanouissement, ce sont ses actes et non l’accumulation d’un savoir.

Jacques KOHN zal.