La paracha « A’haré-mot Kédochim » présente dans sa première partie le déroulement du service de Yom Kippour à l’époque du Tabernacle et du Temple. C’est pourquoi ce texte est lu dans la Torah le jour même de Yom Kippour.
Ce qui apparaît de plus mystérieux dans le déroulement du service du Cohen Gadol – le grand prêtre – à Yom Kippour, c’est bien le fameux rite du « bouc expiatoire ». En effet, le jour de Kippour, le Cohen Gadol disposait de deux boucs semblables et affectait par tirage au sort l’un des boucs à être un « sacrifice expiatoire », dont le sang serait aspergé dans le Saint des Saints (kodech kodachim du Temple), alors que l’autre bouc était destiné par ce même tirage au sort à être déchiqueté après avoir été précipité du haut d’un rocher en plein désert. Évidemment, le Cohen Gadol confessait auparavant toutes les fautes les plus diverses du peuple d’Israël – les plus graves comme les moins graves – et plaçait en quelque sorte ces fautes sur la tête du bouc expiatoire, lequel emportait toutes les transgressions et manquements d’Israël vers le désert.
On sait que le prophète Isaïe (1, 18) promet que si Israël se repent réellement de ses fautes – même les plus graves, décrites allégoriquement par l’expression « rouges comme l’écarlate » – celles-ci deviendraient « blanches comme la neige » (la couleur rouge symbolisant le sang criminel, le blanc étant la couleur de l’innocence). En fait, cette image exprime bien l’infini du pardon accordé par Hachem à ceux qui se repentent sincèrement !
La Michna Yoma nous apprend quant à elle que le Cohen Gadol prenait un morceau de tissu de laine rouge, le déchirait en deux et attachait une moitié entre les cornes du bouc expiatoire et l’autre moitié était suspendue à l’entrée du Bet Hamikdach, visible par tous. Au moment précis où le bouc expiatoire était précipité du haut du rocher dans le désert, un grand miracle se produisait au Temple : le bandeau rouge devenait blanc comme neige ! Cet instant était le moment le plus attendu par le peuple et par le Cohen Gadol, lequel recevait ainsi l’approbation divine de son propre service.
Dans ses « Lois sur la Téchouva (1, 2) », le Rambam explique que grâce à la repentance des membres du peuple d’Israël, le bouc expiatoire procurait le pardon à la fois pour les fautes graves et moins graves, commises volontairement ou involontairement, consciemment ou inconsciemment.
D’ailleurs, le Midrach Yalkout Chimoni (A’haré-mot 578) rapporte que grâce à ce rituel si spécifique du bouc expiatoire, le pire accusateur de l’homme – le Satane lui-même – se transforme en avocat pour plaider amicalement en faveur d’Israël en disant à Hachem : « Maître du Monde, il y a un seul et unique peuple sur terre qui ressemble aux anges ! ». Et Hachem écoute ce plaidoyer apporté en faveur de Son peuple et pardonne alors aux fautes d’Israël. Comment le bouc expiatoire amène-t-il le pardon aux fautes d’Israël ?
Afin de comprendre comment le bouc expiatoire peut procurer le pardon à un niveau où même l’accusateur le plus invétéré d’Israël se transforme en un instant en son meilleur allié, le rav Pinkus, zatsal, nous propose l’explication suivante…
La plupart de nos erreurs sont commises par nous sous l’influence de causes qui nous sont parfaitement extérieures. Ainsi, avons-nous l’habitude d’entamer la lecture hebdomadaire actuelle des Pirké Avot avec ce verset de Isaïe (60, 21) : « Et tout Ton peuple n’est composé que de justes ». Car au fond de lui-même, chaque Juif désire sincèrement s’employer de toutes ses forces à se soumettre à la volonté d’Hachem : il n’est ensuite entravé que par des causes extérieures qui le distraient de sa tâche ou bien qui l’attirent vers le mal, vers ce qui est destructif pour sa propre âme et pour sa vie spirituelle.
Or, même lorsque l’on désire se repentir, tant que la racine du mal persiste encore en nous, nous devons assumer une lutte souvent difficile et une incontournable guerre contre le yétser hara, le penchant au mal.
De manière pratique et concrète, cette vérité éclatante n’échappe à personne, et surtout à notre époque ! Les moyens de communication les plus impurs, les gadgets et toute la littérature dépravés qui s’y rapportent nous envahissent et nous offrent, contre notre propre gré, le spectacle honteux du style de vie délétère des autres peuples. Et sans même que nous ne le voulions, tout ceci nous éloigne gravement d’Hachem !
Toutefois, quand un homme qui rentre du travail surmonte sa fatigue et se met à étudier la Torah, c’est là un bon pas vers le droit chemin ! Mais ce n’est évidemment pas suffisant… On sait ainsi que la maison juive a comme principale vocation de protéger ses habitants contre les séductions et les impuretés de l’extérieur. Or, ces portes donnant sur l’extérieur sont équipées de mézouzot, alors qu’à l’intérieur, on trouve des sifré kodech et des téfilin… Mais il importe que parallèllement, la maison juive ne contienne pas en son sein les « éléments de la rue », ceux-là même contre qui elle doit protéger ceux qui y habitent. Que vaudrait donc la maison qui cumule la rue et la protection contre la rue ?
Si donc, cet homme qui étudie la Torah le soir en rentrant du travail prenait son courage à deux mains et purifiait toute sa maison en expulsant tous les objets qui sont au service du yétser hara, s’il les expédiait au loin vers le désert, à Azazel, alors dans sa maison tout le rouge virerait complètement au blanc ! Et il est évident que toutes ses fautes lui seraient pardonnées. Même son pire accusateur, son propre yétser hara, deviendrait son ami et son avocat, et il plaiderait ainsi en sa faveur auprès de Hachem : « Regarde cette famille extraordinaire ! Elle te sert aussi bien que des anges, leur maison est devenue comme le Bet Hamikdach, pure, propre et sainte. Aussi, que s’ouvrent devant elle toutes les portes par lesquelles Tu diffuses toutes Tes bénédictions ! » C’est sous cet angle d’une éblouissante richesse symbolique que rav Pinkus, zatsal, nous permet d’accéder à une compréhension simple et profonde à la fois. Elle n’est certes pas facile à réaliser dans la pratique, mais elle nous est accessible à tous. Sachons donc vraiment en profiter! Par le Rav Hayim Yaacov Schlammé. Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française