Nos Sages disent que c’est par le mérite de la bénédiction des Cohanim que le monde se maintient : « Rabbi Yo’hanan dit : que signifie le verset : ‘Tant que Moché gardait les bras levés, Israël avait le dessus’ ? Ceci nous apprend que le monde ne se maintient que par le mérite de la bénédiction des Cohanim ! » Ceci est encore plus vrai en période d’exil, lorsque les dangers menaçant l’existence se multiplient à chaque génération.
De tout temps, les grands maîtres du peuple juif attachaient la plus grande considération à la bénédiction des Cohanim. Ils s’efforçaient à ce titre de ne jamais perdre une seule occasion de profiter de cette bénédiction.
Un jour, lors d’une prière organisée dans la maison du rav de Brisk, rav Its’hak Zéev Soloveitchik, il s’avéra qu’il n’y avait pas de Cohen parmi l’assistance. Le rav fit signe à l’officiant de s’arrêter au beau milieu de la répétition de la Amida, avant le début de Rétsé, et demanda à ce qu’on aille appeler quelques Cohanim dans une synagogue toute proche. Pendant ce temps, l’assistance dut patienter. Le rav entendit alors l’un des fidèles chuchoter à son ami : « Comment peut-on retarder ainsi la prière ? De plus, ceci représente une ‘tir’ha détsiboura’ – une contrainte imposée à l’assemblée, que l’on doit généralement éviter… » Le rav de Brisk lui répondit en ces termes : « Pour aller recevoir la bénédiction d’un Rav et d’un Juste, les hommes sont prêts à parcourir de très longues distances et à patienter pendant plusieurs heures dans une file d’attente. Or ceci, tout le monde l’accepte et le comprend… Et vous, vous rechignez à solliciter la bénédiction de ceux dont la Torah témoigne explicitement : ‘Ils imposeront Mon Nom sur les enfants d’Israël et Moi, Je les bénirai’ sous prétexte de ‘tir’ha détsiboura’ ?! »
Nous courrions pour cette bénédiction !
L’un des fils de Rabbi Moché Aharon Stern, le Machguia’h de Kaménitz, raconta qu’à chaque fête de Chavouot, après avoir veillé pendant toute la nuit, lui et ses frères étaient toujours impatients de pouvoir enfin aller dormir, après la prière du matin. Mais leur illustre père leur disait à ce moment : « Au Bet Hamidrach de Gour, on célèbre aujourd’hui le Yartzeit de l’Admour, le Imré Emet. À cette occasion, des centaines de Cohanim s’y rendent pour prononcer leur bénédiction. Allons-y également pour entendre cette bénédiction, car parmi tous les Cohanim qui s’y trouvent, il est certain qu’au moins quelques-uns d’entre eux sont d’authentiques descendants d’Aharon ! »
J’essayai alors de le raisonner, témoigne encore son fils, en lui expliquant que nous étions très fatigués. Mais il me répondit en ces termes : « Imagine qu’il te soit donné aujourd’hui l’occasion de recevoir la bénédiction du Gaon de Vilna. Me dirais-tu que tu es fatigué ? Certainement pas ! Au contraire, toi et moi serions prêts à courir pour recevoir cette bénédiction. Or à présent, il s’agit ni plus ni moins de la bénédiction du Saint béni soit-Il, comme il est dit : ‘Et Moi, Je les bénirai.’ Et tu me parles de ton état de fatigue ?! »
Rabbi Israël Zéev Gustman, le Roch Yéchiva de Nétsa’h Israël, accordait une importance toute particulière à la bénédiction des Cohanim, et il avait toujours à cœur qu’il y ait toujours au moins deux Cohanim à son minyane. Quand il arrivait qu’il n’y eût pas de Cohanim, il s’excusait auprès de l’assistance, demander à l’officiant de patienter avant d’entamer la répétition de la Amida et allait faire appeler des Cohanim par téléphone depuis les bureaux de la Yéchiva, jusqu’à ce qu’au moins deux les rejoignent. Lorsque ceux-ci arrivaient enfin, il leur manifestait de grands hommages. D’ailleurs, même en temps normal, il témoignait toujours un grand respect et une affection particulière aux Cohanim, en affirmant que cette attitude est « exigée par la Hala'ha ». En effet, remarquait-il, « il est dit dans la bénédiction que les Cohanim doivent bénir le peuple ‘avec amour’. Il faut donc s’efforcer de susciter cet amour, car dans le cas contraire, comment un Cohen pourrait-il éprouver de l’amour pour Israël Zéev Gustman, sans que rien ne le justifie ? »
Le désir de bénir
Réciproquement, les grands maîtres issus de l’illustre lignée des Cohanim aspiraient ardemment à prononcer cette bénédiction. Rav David Zéev Taitch vécut dans le giron du ‘Hafets ‘Haïm – qui était lui-même Cohen – pendant la dernière année de sa vie. Il raconta qu’à Chavouot, pendant la prière du matin, la bénédiction des Cohanim fut prononcée, mais il s’aperçut que même après qu’elle fut achevée, le maître gardait ses mains tendues en haut. Intrigué, rav David Zéev se renseigna sur cette attitude auprès des proches du ‘Hafets ‘Haïm, qui lui expliquèrent que selon le maître, « il est impossible d’arrêter de bénir le peuple juif ! » C’est pourquoi il ne daignait rabaisser ses mains qu’après qu’on le lui demande expressément.
Vestige du Temple
On comprend mieux la place essentielle qu’occupe cette bénédiction dans notre tradition, lorsqu’on remarque qu’elle est l’unique vestige du service sacerdotal pratiqué dans le Temple. Comme l’écrit le Mikhtav MéÉliyahou : « Parmi tous les services exercés dans le Temple de Jérusalem, il ne nous reste plus, dans nos ‘sanctuaires miniatures’ [les synagogues], que la bénédiction des Cohanim. »
Adapté par Y. Bendennoune à partir d’un article du rav Moché Reiss, pour Hamodia en hébreu