Et voici la bénédiction dont Moché, homme de Dieu, a béni les enfants d’Israël, avant sa mort. (33, 1)
Pourquoi ce verset commence-t-il par la conjonction waw (« et »), se demande le Or ha-‘Hayim, et quel rapport présente-t-il avec la paracha précédente ?
Et de répondre : Ce waw rattache cette paracha à la précédente, au terme de laquelle il avait été enjoint à Moché : « Monte vers cette montagne des ‘Avarim […] et vois le pays […] et meurs » (32, 49-50). Or, on aurait pu s’attendre à ce qu’il eût à cet instant un accès de colère contre les enfants d’Israël, dont l’indocilité permanente allait maintenant lui coûter la vie. En outre, il avait perdu à cause d’eux tout espoir d’entrer en Erets Yisrael ! Il est normal que l’on cherche à prendre des distances avec ceux qui nous ont fait du mal ou qui nous ont causé un préjudice. On aurait ainsi compris que Moché, au moment de mourir, exprimât de l’irritation et du ressentiment.
Cette lettre waw apparaît ici pour montrer qu’il a attribué cette bénédiction immédiatement avant de quitter ce monde, nous signifiant ainsi qu’il n’a éprouvé aucune rancune et que, comme à l’accoutumée, il est resté entièrement désintéressé. Son seul désir était de bénir les enfants d’Israël, et il leur a complètement pardonné les avanies qu’ils lui avaient fait subir.
Moché, homme de Dieu. (33, 1)
Qu’est-ce qu’un « homme de Dieu » ? se demandent les Sages du Midrach. Réponse de Rabbi Avine : « Par sa moitié inférieure, il était homme, mais par la moitié supérieure, il était comme un être divin » (Devarim Rabba). D’une manière générale, explique Rav Ya‘aqov Etlinger, les gens sont formés d’une combinaison d’éléments physiques et spirituels. L’âme exerce une influence sur le corps, et vice-versa. Elle a un tel besoin du corps que lorsque celui-ci meurt, elle doit s’en aller. Quand c’est l’âme qui domine, l’homme devient un tsaddiq, tandis que s’il laisse son corps prendre le dessus, il s’enfonce dans le péché et dégénère en racha’.
Il en était tout autrement chez Moché, dont l’âme (« sa moitié supérieure ») était entièrement indépendante du corps (« sa moitié inférieure ») et était libre de toutes influences de celui-ci. C’est ainsi que, lorsqu’il s’est trouvé dans le Ciel pendant quarante jours pour y recevoir la Tora, il a pu y subsister sans aucune nourriture terrestre, ce qui aurait été impossible à tout autre mortel.
Il dit : Hachem est venu du Sinaï, Il a brillé pour eux depuis le Sé‘ir, Il S’est révélé du mont Paran, et S’est approché depuis des myriades de sainteté. (33, 2)
Les références à Sé‘ir et à Paran, explique Rachi au nom du Midrach, indiquent que Hachem a commencé par S’adresser aux descendants de ‘Essaw et à ceux de Yichma‘el pour qu’ils acceptent la Tora. Ils l’ont refusée les uns comme les autres, et c’est seulement ensuite qu’Il l’a offerte à Israël.
Cet épisode, commente Rabbi ‘Aqiva Eiger, est ce qui a entraîné les conversions de non-Juifs au judaïsme. Lorsque Hachem a proposé la Tora aux autres peuples, même si presque tous leurs membres ont rejeté Son offre, il y en a eu certainement qui étaient prêts à l’accepter. Ceux qui se sont convertis depuis lors sont leurs descendants.
A l’inverse, ce sont les descendants des Hébreux qui, au Sinaï, n’ont pas voulu recevoir la Tora, qui renient notre foi et abandonnent notre peuple.
Voilà pourquoi, ajoute le Choèl ou-Mèchiv, Hachem a jugé nécessaire de proposer la Tora à ‘Essaw et à Yichma‘el, tout en prévoyant qu’ils ne l’accepteraient pas. Il savait qu’il y aurait toujours parmi leurs descendants des hommes et des femmes qui reconnaîtraient la vérité éternelle de son message, et qu’ils voudraient l’accueillir et abandonner leurs fausses croyances. C’est pour leur « ouvrir la voie » à la conversion qu’Il l’a offerte à ces peuples, en « brillant pour eux depuis le Sé‘ir, et en Se révélant du mont Paran ».
De Sa droite [est sorti] un feu-loi pour eux. (33, 2)
La Tora est appelée ici un « feu-loi » parce qu’elle a été écrite à l’origine comme un feu noir sur un feu blanc. Elle est comme une potion, nous enseignent nos Sages (Yoma 72b), qui peut être bénéfique ou dangereuse selon l’état des mérites de celui qui l’étudie.
C’est pour cette raison qu’elle est comparée au feu, explique le ‘Hovoth ha-Levavoth. Lui aussi est « à double tranchant » : employé d’une bonne manière, il produit de la lumière et de la chaleur, et rend possible la production des métaux. Mais il détient également, s’il est utilisé à mauvais escient, un pouvoir destructeur.