« Ya’aqov fut fort effrayé, plein d’anxiété
» (Béréchit 32,8)
Dans son Da’at ‘Hokhma ouMoussar, rav Yérou’ham Leibovitz
note qu’à de nombreuses reprises, nous constatons une profonde appréhension
chez nos patriarches quant aux conséquences de leurs fautes. Rachi le
souligne distinctement dans notre paracha : « [Ya’aqov] craignit
que la faute ne l’ait souillé. » Bien plus ! Il s’avère
que seule la perspective d’avoir commis une faute – à l’exclusion
de tout autre danger – était capable de susciter chez eux un sentiment
de peur. De tout leur être, ces hommes étaient imprégnés
de la conscience qu’un tourment ne peut avoir d’origine autre que
la faute. Toute autre explication n’était à leurs yeux que
d’improbables faux-semblants.
Le jour où, chez rav Houna, quatre cents fûts de vin tournèrent
à l’aigre, les Sages eurent à cœur de chercher l’origine
véritable de cette perte et de concert avec lui, ils examinèrent
sa conduite jusqu’à y découvrir une certaine anomalie (Bérakhot
5b). Or, pourquoi ne chercha-t-on pas plutôt une cause « naturelle
» capable d’expliquer « rationnellement » les circonstances
de l’incident ? Simplement parce qu’une telle cause n’existe
pas ! Jamais le soleil ne ferait aigrir le vin si la faute de l’homme ne
le précédait pas. Nos maîtres nous enseignent en effet que
« ce n’est pas le serpent, mais ce sont les fautes qui tuent les
hommes » (Bérakhot 33a), car la faute est la source de tous les
maux, tel un poison qui s’infiltre insidieusement dans nos vies.
*
Lorsqu’il évoquait le congrès général de la
« Agoudat Israël », tenu à Marienbad en 1937, rav Eliyahou
Lopian zatsal ne manquait jamais de rappeler la vive impression qu’avaient
laissée les propos prononcés par le « Rav de Ponioviezh
», rav Yossef Chlomo Kahaneman zatsal, lors de la clôture du congrès.
Après plusieurs jours de longues discussions sur des questions communautaires
capitales, déterminantes pour l’avenir du peuple juif, arriva enfin
l’heure de la conclusion, supposée clore les débats. Pour
ce moment décisif s’il en est, la parole fut donnée au Rav
de Ponioviezh, qui développa la parabole suivante : « Essayons
de nous imaginer qu’un incendie éclate dans une maison dans laquelle
un homme dort paisiblement. Pendant que la maison part en fumée, les
voisins observent la scène et s’interrogent sur le meilleur moyen
de sauver des flammes l’homme endormi. Certains proposent de faire sortir
le lit, mais celui-ci, trop large, ne pourrait pas franchir la porte d’entrée.
On fait alors appel à des pompiers qui tentent, à l’aide
de haches et de masses, de pratiquer dans la maison incendiée une ouverture
plus large…
Vint à passer un homme avisé. Aussitôt qu’on lui eut
expliqué les détails de l’affaire, il explosa : “Sots
! Ne voyez-vous pas que vous perdez votre temps ! Si nous devons attendre que
la porte d’entrée soit élargie, il n’y aura peut-être
plus personne à sauver ! Allez donc immédiatement réveiller
cet homme pour qu’il échappe au danger qui le menace !“ »
« Nous-mêmes, poursuivit rav Kahaneman, sommes en tous points identiques
à ces hommes stupides. Nous sommes assis ici depuis plusieurs jours à
débattre des résolutions qui pourraient libérer le peuple
juif de ses tourments. Mais mes frères, la terre tremble déjà
sous nos pieds ! L’unique cause de toutes nos souffrances, ce sont nos
nombreuses fautes ! Si le peuple juif décidait de se repentir, tous ces
malheurs nous seraient épargnés et nous n’aurions plus à
en débattre. Tous en chœur, nous devons nous unir pour crier : “Peuple
juif, réveille-toi !“ »
Ce cri n’est rien moins qu’une autre manière
d’exprimer cette redoutable réalité : tous les maux du peuple
juif ne sont que les conséquences de ses écarts de conduite. Et
s’il existe une solution à ces tourments, celle-ci ne réside
que dans le repentir sincère et authentique.
Extrait du Lekah Tov, Béréchit Tome 2, disponible en librairie