Nous nous approchons à grands pas de la fête de ‘Hanoucca. Or dans notre
paracha, il est déjà fait allusion à ces petites « fioles » que Yaacov Avinou avait
oubliées et qui lui valurent de se mesurer à l’ange d’Essav, l’ange de la mort…

De petites fioles

C’est dans son ouvrage « Chné
Lou’hot haBrit » (Chla) que le rav
Ichaya Horowitz (Torah chébiKhtav
– Tson Yossef, 12) explique en effet
que le socle de la Ménora (le candélabre du Temple qui fut rendu
impur par les armées syrio-grecques) correspond dans son essence
à la hanche de Yaacov touchée par
l’ange d’Essav. En effet, comme
cela est indiqué dans le verset « Il
exécuta le candélabre en or pur.
Il le fit tout d’une pièce, avec son
socle [YéRéKHa] et son fût (…) »
(Chémot 37, 17), la racine étymologique du mot « socle » (YRKH) est
la même que celle du mot « hanche », ainsi qu’il est dit : « Voyant
qu’il ne pouvait le vaincre, il [l’ange d’Essav] le toucha à la hanche
(KaPh YéRéKHo) et la hanche de
Yaacov se luxa tandis qu’il luttait
avec lui » (Béréchit 32, 26).

Or, écrit l’auteur du Chla, « cette
blessure fut rendue possible par
le fait que Yaacov avait oublié des
petites fioles [Pakhim Ktanim] et
qu’il avait fait marche arrière pour
en reprendre possession », comme
cela est aussi expliqué dans le
Traité talmudique ‘Houline (page
91/a), en particulier sous la plume
de Rachi à propos du verset « Il fit
passer tout ce qui lui appartenait »
(Béréchit 32, 24).

« Et il ne fait aucun doute, ajoute
le rav Horowitz, que de grands
secrets sont enfouis dans ces ‘petites fioles’ ; ils nous permettront
de comprendre le sens caché de la
fiole d’huile de ‘Hanoucca, [au sujet de laquelle le Traité talmudique
Chabbat – pages 21/a et b – enseigne qu’une seule fiole d’huile fut
retrouvée intacte et fermée avec
le sceau du Grand prêtre ; n’ayant
pas été souillée par l’impureté des
nations, bien qu’elle ne contenait
la quantité suffisante d’huile que
pour l’allumage d’un seul jour, un
miracle se produisit et elle fournit de quoi allumer pendant huit
jours-Ndlr].

Pour ce faire, il convient que nous
rappelions d’abord ce que nos Sages
enseignent dans le Traité talmudique Méguila (page 14/a) au sujet
de la distinction fondamentale entre la corne et la fiole : « ’Hanna se
mit en prière et dit : – ‘Mon coeur
se délecte en l’Eternel, mon front
[Karni – littéralement, ma corne]
s’est relevé grâce à D.ieu, (Chmouel
I ; 2, 1)’. Ce que la Guémara précitée commente ainsi : « Ma corne
(Karni) s’est relevée, et non pas ‘ma
fiole’ (Pakhi). [Ceci afin de nous
enseigner que si] David et Chlommo,
qui furent oints à l’aide d’une
corne (Kéren) – comme il est dit :
‘Chmouel prit la corne d’huile et
oignit [David] au milieu de ses frères’
(Chmouel I 16, 13), c’est parce
que leur royauté subsista. Tandis
que Chaoul et Yéhou qui furent
oints à l’aide d’une fiole [Pakh]
– comme il est dit : ‘Chmouel prit
une fiole d’huile, en fit couler sur
la tête [de Chaoul] et l’embrassa’
(Chmouel 1 ; 10, 1), leur royauté
ne subsista pas ».

A telle enseigne que ces conclusions sont effectivement retenues
par le Rambam dans ses Lois sur
les Rois, 1, 9 : « Seul un roi descendant
de la tribu de David règne
éternellement, ainsi qu’il est
dit : ‘Ta maison et ta royauté sont
à jamais assurées devant toi ; ton
trône sera stable pour toujours’,
(Chmouel II ; 7, 16) ».

Or, il convient de rapprocher cet
enseignement d’un autre passage
de la Guémara (Traité talmudique
Chabbat, page 28/b) où il est dit :
« Le taureau qu’Adam haRichone
approcha en sacrifice n’avait qu’une
seule corne sur le front, ainsi qu’il
est dit : ‘Plus agréable à l’Eternel
qu’un taureau à [une] corne’ »,
(Téhilim 69, 32). Parce que le sens
profond de ce second enseignement
nous révèle qu’Adam haRichone
était appelé à exister sous la forme
d’une tunique de lumière (Kétonet
Or)… au point où même ses talons
atténuaient le grand éclat du soleil. Tant et si bien que s’il n’avait
pas fauté, il aurait mérité que son
visage soit illuminé de véritables
rayons lumineux (Kéren Or Pannav).
De cette dimension que l’on
nomme « Kéren » (rayon), comme
cela ressort du verset « Des rayons
jaillissent de Sa main » (Habakouk
3, 4) et qui se dévoile à nous quand
on examine le soleil et que celui-ci
nous apparaît alors sous la forme
de lignes (Kavim), celles-là mêmes que nous nommons ses rayons
(Karné ‘Hama).

Pourtant, parce qu’il fauta, Adam
haRichon fut obligé de revêtir
une tunique de peau (Kétonet Ôr) !
« Poussière de la terre » (Béréchit
2, 7), il devint cette matière qui se
trouve entre les mains du potier
(‘Homer béYad haYotser) et qu’il
utilise pour confectionner des récipients d’argile, comme il est dit :
« Les fils de Sion si prisés qui valaient
leur pesant d’or fin, hélas !
Les voilà estimés à l’égal de vase
d’argile », (Ekha – Lamentations de
Jérémie 4, 5). C’est donc en raison
de la faute d’Adam haRichone que
l’humanité fut déchue de ce niveau assimilable à la corne (Kéren)
pour s’incarner désormais dans
cette matière : l’argile qui à partir duquel on confectionne la fiole
(Pakh) (…) ».

Comme on le sait par ailleurs, il est
dit à propos des lois sur les dommages (Nézikin) que « la corne qui
blesse » doit payer le prix fort dans
le cas où le dommage aurait eu
lieu de manière répétitive (Moad),
et la moitié du prix dans le cas
où ce dommage a eu lieu de manière spontanée (Tam). Or il est dit
partout que l’homme est toujours
considéré comme agissant avec
récurrence (Adam Moad léOlam) :
voilà pourquoi il doit payer le prix
fort, comme ce fut le cas d’Adam
haRichone qui fut obligé de payer
le prix de sa faute par la sentence de mort qui s’abattit sur lui et
sur toute sa descendance. Tandis
que Yaacov est appelé « Ich Tam »
(Béréchit, 25, 27 – littéralement
« l’homme spontané ») ; et c’est la
raison pour laquelle il ne paya que
la moitié du dommage dans la mesure où, contrairement aux apparences, sa mort ne fut pas totale,
ainsi qu’il est dit dans le Traité
talmudique Taanit (page 5/b) :
« Yaacov Avinou Lo Met [il n’est
pas mort] ».

Binyamin, le petit…

A cet égard, si les conséquences de
la « morsure du serpent » – c’est-à-dire
de la faute d’Adam haRichon –
se perpétuèrent de génération en
génération jusqu’à la naissance des
deux frères Yaacov et Essav – jusqu’à ce que son venin pénètre les
entrailles d’Essav au point où un
serpent était gravé à même la chair
de sa cuisse -, Yaacov en revanche
était resté tout à fait pur.

Voilà pourquoi l’ange d’Essav
(Sama-kel) frappa précisément la
cuisse (KaPh Yérekh) de Yaacov.
La souillant par le simple fait de
l’avoir touchée (méTamé béMaga),
l’ange de la mort cherchait précisément à ce que cette impureté pénètre dans le socle (Yérekh – c’est-à-
dire la cuisse) sur lequel prend
appui la descendance de Yaacov :
les tribus d’Israël. A telle enseigne qu’ayant été touchés par cette
morsure, tous les enfants de Yaacov se prosternèrent devant Essav
(Béréchit 33, 6-7), bien que ce dernier incarne l’essence même de la
divinité étrangère.

Seul Binyamin pourtant ne se
courba pas devant Essav ! Et ce,
pour la simple raison qu’il n’était
pas encore né… C’est pourquoi la
tribu de Binyamin hérita de la
royauté, bien que son onction ne
puissse être effectuée avec l’aide
de la corne, dont l’essence est réservée à la descendance de David
seulement ! En effet, constituant
la réparation de la faute d’Adam
haRichone – comme cela ressort
du terme même « A-Da-M » dont
les premières lettres rappellent les
noms Adam – David – Machia’h – ,
ce n’est seulement qu’avec le Machia’h ben David que reviendront
les rayons de lumière censés illuminer le visage de l’humanité
et qui furent ceux d’Adam
haRichone !

C’est en ce sens qu’il faut nous
comprendre la raison pour laquelle
la royauté de Chaoul était temporaire (béChéhéla), car bien que cette royauté ne fut rendue possible
que dans la mesure où Binyamin
ne se prosterna pas face à Essav,
malgré tout Chaoul ne fut oint qu’à
l’aide d’une fiole : avec cette fiole
de terre cuite qui représente la dimension propre à Adam haRichon
après sa faute.

Voilà pourquoi Binyamin est
nommé le « petit » dans le verset
« Chmouel dit à Chaoul : ‘Si tu es
petit à tes propres yeux, n’es-tu
pas le chef des tribus d’Israël ?
L’Eternel ne t’a-t-Il pas sacré roi
d’Israël ?’ » (Chmouel I ; 15, 17).
Tel est le secret de ces « petites fioles » pour lesquelles Yaacov a fait
demi-tour : il s’agit de Binyamin
appelé « le petit » qui, parce qu’il
n’était pas encore né au moment de
la rencontre entre Essav et Yaacov,
incarnait cette dimension sur laquelle Essav n’a aucune prise.

La royauté des Cohanim

L’on comprendra pourquoi l’exil
inauguré par la Grèce et que rappelle la fête de ‘Hanoucca porte
aussi le nom de « corne » (Kéren) ;
mais cette fois-ci de cette corne
telle qu’elle apparaît du point de
vue de l’écorce (MiTsad haKlipa
– c’est-à-dire du point de vue des
puissances négatives présentes
dans le monde), comme le dit le Prophète Daniel : « Tandis que
j’observais davantage, je distinguai
un bouc venu de l’Occident [il s’agit
selon les commentateurs d’Alexandre
le Grand] qui franchissait la
surface du globe terrestre sans
même toucher le sol. Ce bouc possédait
une immense corne entre les
yeux » (Daniel, 8, 5). Puisqu’en effet,
après la conquête de la Judée
par les Séleucides, l’ordre nouveau
de l’empire d’Antiochus IV Epiphane
eut pour but de priver Israël
des moyens à sa disposition pour
sanctifier la matière. Interdisant la
circoncision mais aussi la célébration
du Chabbat et de la néoménie
(le Roch ‘Hodech), les décrets grecs
s’abattirent sur le peuple d’Israël
qui assista, fort désemparé, à la
profanation du Temple, en tant que
lieu même de ce lien – insupportable
pour la Grèce – entre la nature
et la dimension métaphysique du
monde.

Il faudra attendre les années 165-
163 d’avant l’ère commune pour
que la révolte des ‘Hachmonaïm
rende à Israël ses droits afin qu’il
puisse à nouveau fêter le retour de
la Torah et de ses Mitsvot. Avant
cela, les Grecs obscurcirent les
yeux d’Israël avec leurs décrets
au point où ils cherchèrent à faire
disparaître toute forme de sainteté
(Kedoucha), jusqu’à cette corne de
taureau dont nous avons parlé et
au sujet de laquelle ils ordonnèrent
même « Kitvou al Kéren haChor (…)
[Inscrivez sur la corne du taureau
que vous n’avez pas de part dans le
D.ieu d’Israël] » !

Pourtant, quand les ‘Hachmonaïm
l’emportèrent, ils découvrirent une
fiole d’huile conservée intacte. Et
c’est précisément parce que leur
royauté ne leur venait pas de la lignée
de David – à l’instar des rois
qui, ne descendant pas de la Maison
de David, sont oints à l’aide
d’une fiole d’huile – qu’ils trouvèrent
une fiole (Pakh). Or, cette
fiole était fermée avec le sceau du
Cohen Gadol (le Grand prêtre). Car
quand bien même les ‘Hachmonaïm
s’emparèrent illégitimement
de la royauté d’Israël [puisqu’ils
le firent sans y avoir été autorisés
en vertu d’une onction authentiquement
prophétique], ils crurent
toutefois la détenir de bon droit en
vertu du fait que Tamar, l’épouse
de Yéhouda (l’ancêtre de la Maison
de David) était la fille de Chem,
comme cela est enseigné dans le
Zohar (1, 117), lui-même dénommé « Malki Tséddek » : à la fois roi et
Cohen léKel Elione, comme l’indique
Rachi (Béréchit 14, 18) au nom
du Traité talmudique Nédarim
(page 32/b).

C’est en ce sens que nous devons
comprendre que les ‘Hachmonaïm
instituèrent qu’en souvenir de ce
miracle de ‘Hanoucca, nous chantions
et louions l’Eternel, car ces
deux qualités que sont le chant et
la louange appartiennent en propre
à la Maison de David dont ils
pensaient eux-mêmes être les dignes descendants.

Après donc que l’ange de la mort a
touché Yaacov à la hanche (Kaph
Yérekh) et qu’il ait provoqué chez
les générations futures d’Israël
– comme l’enseignent nos Sages –
la possibilité même qu’elles soient
frappées par les mauvais décrets
des nations, quand les ‘Hachmonaïm
l’emportèrent sur les Grecs,
la hanche (Ka-Ph) se retourna en
fiole (Pa-Kh)… grâce à cette fiole
d’huile qui fut celle du miracle de
‘Hanoucca… Ainsi, est-ce la cuisse
(Yérekh) de Yaacov qui devint pour
ainsi dire le socle même (Yérekh)
de la Ménora (le candélabre) comme
fondement sur lequel repose
l’ustensile par excellence diffusant
la lumière du Temple !

Mais dans l’avenir, c’est la fiole
elle-même qui se retournera en
corne (Kéren), c’est-à-dire qui
prendra cette forme hautement
métaphysique inscrite dans les
rayons lumineux irradiant jadis
le visage d’Adam haRichone. Le
corps de l’homme reviendra alors
à sa dimension première de « tunique
de lumière » (Kétonet Or), de
telle sorte que le rapport du corps à
l’âme relèvera de la pure translucidité,
le corps étant en son essence
cet outil grâce auquel l’âme peut
diffuser la lumière dont elle est
porteuse – et dont on trouve une
allusion dans l’huile des lumières
de ‘Hanoucca…

Y. Rück

A partir du texte du Chla haKaddoch,
Torah chébiKhtav, Tson Yossef, 12.

 

Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française

Il est interdit de reproduire les textes publiés dans Chiourim.com sans l’accord préalable par écrit de Hamodia.
Si vous souhaitez vous abonner au journal Hamodia Edition Francaise ou publier vos annonces publicitaires, écrivez nous au :
fr@hamodia.co.il