Lorsque Jacob est mort et que Joseph a demandé à Pharaon l’autorisation de l’enterrer en terre de Canaan, celui-ci lui a répondu : « Monte, et enterre ton père ainsi qu’il t’a adjuré ! » ( Berèchith 50, 6).
Pourquoi cet ajout par Pharaon du membre de phrase, apparemment surabondant : « ainsi qu’il t’a adjuré » ?Explication de Rachi , au nom de la Guemara Sota (36b) : « Si tu n’avais pas prêté ce serment, je ne t’y aurais pas autorisé. Mais Pharaon n’osait pas lui dire : “Passe outre à ton serment !” Car Joseph lui aurait rétorqué : “Dans ce cas, je passerai également outre au serment que je t’ai prêté de ne pas révéler que je connais la langue sacrée en plus des soixante-dix langues, tandis que toi, tu ne la connais pas !” »
En fait, comme l’explique cette Guemara , lorsque Pharaon a élevé Joseph à la dignité de vice-roi d’Egypte, il s’est heurté aux réticences de ses conseillers, qui n’admettaient pas qu’il pût couronner un ancien esclave.
C’est alors que l’ange Gabriel enseigna à Joseph les soixante-dix langues utilisées dans le monde, et il ajouta à son nom la lettre à connotation divine hè , d’où le verset : « Il l’a établi comme un témoignage en Yehossef , lorsqu’il sortit à travers le pays d’Egypte, où j’entendis une langue que je ne connaissais pas » (Psaumes 81, 6).
Lorsque Pharaon entendit Joseph parler ces soixante-dix langues, il les comprit toutes sauf une seule : l’hébreu.
Situation insupportable pour le monarque égyptien, qui supplia Joseph de lui jurer de ne pas la révéler.
C’est ce serment que rappela Joseph à Pharaon lorsque celui-ci lui demanda de se parjurer de celui qu’il avait prêté à Jacob.
Haftarath Vaye‘hi– Les enfants de Barzilaï, le Guiladite
Parmi les recommandations faites sur son lit de mort par le roi David à son fils Salomon figure celle d’user de bonté envers les enfants de Barzilaï, le Guiladite (I Rois 2, 7).
Qui étaient ces gens, et par quels bienfaits s’étaient-ils rendus dignes de la faveur royale ?
Lorsque David a dû prendre la fuite devant son fils Absalon qui s’était révolté contre lui, il fut secouru par Barzilaï qui lui apporta, ainsi qu’à ses fidèles, de quoi se nourrir et se remettre de leur épuisement (II Samuel 17, 26 et suivants).
Après qu’il eut triomphé de la rébellion, le roi voulut récompenser son bienfaiteur en l’accueillant chez lui à Jérusalem.
Barzilaï déclina cependant la proposition royale, arguant de son grand âge – quatre-vingts ans – et de ce qu’il avait perdu le goût des plaisirs de la vie. Aussi David retourna-t-il sans lui dans sa capitale (II Samuel 19, 32 et suivants).
Malgré l’attitude exemplaire de Barzilaï envers son roi, la tradition talmudique porte sur lui un jugement sévère, et elle le considère comme un débauché. Elle en veut pour preuve qu’il a déclaré à David, pour n’avoir pas à le suivre, qu’il ne pouvait plus, étant donné son âge, « distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais » (Voir Rachi ad II Samuel 19, 36, d’après Chabbath 152a). En d’autres termes, comme le souligne le même commentateur ( ad Yevamoth 76a), il n’était même plus capable, vu la rapidité avec laquelle il avait perdu ses forces physiques, de goûter le contenu d’une marmite comme l’avait fait une servante de Rabbi , pourtant bien plus âgée que lui ( Chabbath 152a).
JACQUES KOHN Zal