Pendant six jours sera fait le travail, et le septième jour sera pour vous sainteté? (35, 2)

Dans son commentaire sur le Adéreth Eliyahou, Rav Yits?haq Eiziq ?Havèr définit comme suit le rapport entre les trente-neuf travaux interdits le Chabbath et ceux qu’a nécessités la construction du Michkane.
Microcosme de l’univers, le Tabernacle a pris forme au moyen des diverses sortes de « travaux » qui avaient abouti à l’émergence du monde lui-même. C’est pourquoi, en nous abstenant de ces trente-neuf travaux pendant Chabbath, nous attestons de la création par Hachem de l’univers en six jours et de Sa cessation « de travail » de Création pendant le septième.

Pendant six jours sera fait le travail, et le septième jour sera pour vous sainteté? (35, 2)

En 1891, les Juifs ont été expulsés de Moscou. Quoique le décret d’expulsion ait été préparé plusieurs années auparavant par les éléments les plus antisémites du gouvernement russe, les populations visées avaient réussi jusque-là à en faire différer la mise en application. Le couperet est finalement tombé en 1891, à la suite de l’incident suivant :
En cette année-là, le Grand-Duc Serge, frère du Tsar Alexandre III et antisémite forcené, était gouverneur général de Moscou. Un jour qu’il circulait dans les rues de cette ville, il remarqua que son attelage était suivi par un autre, somptueux, dont les chevaux étaient manifestement impatients de le distancer. Quand le carrosse, sur le point de le dépasser, se trouva à la hauteur du sien, le Grand-Duc constata qu’il y avait une dame à l’intérieur. L’attelage finit par disparaître de sa vue?
Le gouverneur général demanda à son cocher s’il savait qui était cette femme. C’est ainsi qu’il apprit que c’était l’épouse d’un banquier juif de la ville. Vivement contrarié, le Grand-Duc retourna à son bureau, se fit remettre le projet de décret d’expulsion, et le signa aussitôt.
Trente mille Juifs ont ainsi été forcés de vendre leurs propriétés et de quitter les maisons dans lesquelles ils avaient vécu pendant des décennies ! Seuls ceux qui acceptaient le baptême avaient le droit de rester à Moscou. Précisons cependant à l’honneur des Juifs de Moscou, qu’ils ont montré, quel qu’ait été leur niveau d’observance, un courage extraordinaire en acceptant de subir les privations de l’exil plutôt que d’abandonner leur peuple et leur foi. Ce fut un grand qiddouch Hachem.

Le ?Hafets ?Hayim citait souvent cette catastrophe pour prendre la défense du peuple d’Israël. « Comment peut-on rejeter un Juif ? disait-il. Comment peut-on affirmer de celui qui n’observe pas le Chabbath qu’il n’est pas un vrai Juif ? Regardez ceux de Moscou ! Pendant des dizaines d’années, ils ont foulé aux pieds les prescriptions sur le respect du Chabbath, acharnés comme ils l’étaient à amonceler des fortunes, et persuadés que le travail effectué le samedi contribuerait à les rendre plus riches encore. Et pourtant, ces mêmes Juifs ont courageusement sanctifié le Nom divin lorsqu’on a voulu remettre en cause leur appartenance à notre peuple !

Quand le Talmud (?Houlin 5a) affirme que celui qui profane le Chabbath ressemble à un idolâtre, il ne désigne certainement pas les gens comme ceux-là, qui refusent de renier leur foi quand on les met à l’épreuve. Non, la valeur d’une âme juive est incommensurable ! Les enfants d’Israël sont tout saints ! C’est le fait de vivre parmi les non-Juifs qui les incite à de telles infractions ! »
Une autre fois, quand le gouvernement polonais nationalisa l’usine de tabac à priser appartenant à la famille Shershevski de Grodno, il fut décidé que tous les employés juifs qui y conserveraient leur emploi devraient travailler le Chabbath. Malgré de multiples protestations et pétitions, la nouvelle direction ne céda pas, et de nombreux salariés juifs commencèrent de venir à leur poste le samedi.
Une délégation de rabbins et de responsables communautaires fut reçue par le ?Hafets ?Hayim et lui demanda de prononcer une excommunication (?hérèm) contre les profanateurs du Chabbath. Mais le Maître s’y refusa.
« Mais ils violent nos lois ! s’exclamèrent plusieurs membres zélés du groupe.
? Les choses vous paraissent claires et simples, répondit le ?Hafets ?Hayim, mais pas à moi !
? Que voulez-vous dire ? Le Talmud n’enseigne-t-il pas que les profanateurs du Chabbath sont comparables à des idolâtres ? »
Un soupir douloureux s’échappa des lèvres du ?Hafets ?Hayim. « Comment pouvez-vous être sûrs, demanda-t-il, que parmi les centaines de familles concernées il n’y en a aucune dont un membre est frappé d’une maladie mortelle, et dont la culpabilité serait, de ce fait, atténuée ? » C’était là tout le ?Hafets ?Hayim. Il cherchait un moyen de défendre les Juifs toutes les fois qu’ils étaient calomniés. Il n’est donc nullement étonnant qu’il ait refusé de publier un ?hérèm contre ces ouvriers de Grodno.

Un proche du ?Hafets ?Hayim lui demanda un jour si une yechiva pouvait accepter des dons de Juifs qui profanent le Chabbath.
« Oui, répondit-il, dès lors qu’ils n’agissent pas ainsi pour se rebeller contre Hachem. »
En revanche, quand il parlait de l’importance de l’observance du Chabbath, il était très sévère et d’une grande intransigeance.