Moché rassembla toute la communauté des enfants d’Israël et il leur dit : « Voici les choses que Hachem a ordonné de faire. » (35, 1)

Alors que les enfants d’Israël étaient unis quand ils ont reçu la Tora au mont Sinaï « comme un seul homme, d’un seul c?ur » (voir Rachi sur 19, 2), fait remarquer Rav Ya?aqov Kaminetsky, leur unité s’est disloquée quand ils ont péché avec le veau d’or.

Le Talmud Yerouchalmi (Sanhédrin 10, 2) rapporte en effet que chaque tribu a réalisé son propre veau d’or. Le Talmud de Babylone (Sanhédrin 63b) y fait allusion en mentionnant qu’ils ont adoré de nombreux dieux. Or, nous ne trouvons pas un tel phénomène chez les autres nations ! Chacune d’elles sert les divinités communes à son ethnie, comme « les dieux de Moav » et « les dieux d’Edom ». Si les Hébreux en ont adoré beaucoup, c’est assurément à cause des divisions profondes qui régnaient entre leurs tribus.
Quand Moché s’est apprêté à communiquer aux enfants d’Israël les instructions pour la construction du Michkane, sa tâche la plus urgente a été d’apaiser leurs différends et de les réunir. Voilà pourquoi, pour commencer, « il fit assembler toute la communauté des enfants d’Israël », afin qu’ils soient de nouveau « comme un seul homme, d’un seul c?ur ».

Pendant six jours sera fait le travail, et le septième jour sera pour vous sainteté, un Chabbath de repos [consacré] à Hachem, quiconque y fait un travail sera mis à mort. (35, 2)

Nous chantons, dans les zemiroth du vendredi soir : « Quiconque (kol) sanctifie le Chabbath comme il convient, quiconque (kol) garde le Chabbath selon la loi afin de ne pas le profaner, sa récompense est très grande, selon son action. »
A propos de cette répétition du mot kol, le ?Hafets ?Hayim explique qu’il existe deux catégories de gens qui observent le Chabbath. Certains le sanctifient en s’y adonnant exclusivement à la Tora et aux activités saintes. Voilà la façon de le sanctifier « comme il convient », puisque c’est dans ce dessein que le Chabbath a été créé. D’autres ne le sanctifient par aucun acte particulier, mais ils s’astreignent juste à ne pas l’enfreindre. Un tel Juif « garde le Chabbath selon la loi afin de ne pas le profaner », en veillant à ne pas y accomplir de travail prohibé.
Certes, ces deux catégories de personnes observant le Chabbath sont promises l’une comme l’autre à « une grande récompense », mais chacune sera rétribuée « selon son action ».


Pendant six jours sera fait le travail? (35, 2)

Le Netsiv note l’emploi dans ce verset de la forme passive : « sera fait le travail », et non : « vous ferez le travail ». Cela signifie que l’ouvrage commencé un jour de semaine et qui s’est poursuivi le Chabbath était également disqualifié pour la construction du Tabernacle. Quoique, d’un point de vue strictement halakhique, le Chabbath n’ait pas été profané, une entreprise aussi sacrée que le Michkane devait être préservée de la moindre trace d’un travail effectué ce jour-là.

Nous trouvons une idée semblable dans les Tossefoth (Baba Qama 81a, s.v. omèr lenokhri), qui interdisent d’enterrer un mort le Chabbath même en faisant appel à des fossoyeurs non juifs. Quoiqu’on ne viole ainsi aucunement le Chabbath, y accomplir un travail pour le défunt serait contraire à sa dignité. De même, le Michkane ne pouvait pas être construit par un travail réalisé en ce jour sacré, même si cet ouvrage avait été commencé auparavant, puis continué comme sur sa lancée.

Dans son Apiryone, Rav Chelomo Ganzfried propose une autre raison de l’emploi de la forme passive. Celui qui ne croit pas que sa nourriture lui est fournie par Hachem a beaucoup de mal à observer le Chabbath. Persuadé que plus il travaille, plus il gagnera d’argent, il s’imagine qu’il essuiera des pertes financières en se reposant. Mais une personne convaincue que toutes ses ressources sont fixées par décision divine à Roch Hachana, et que ses bénéfices ne dépendent pas de l’effort qu’elle investit, n’aura aucune difficulté à observer le Chabbath. C’est pourquoi, la Tora commence par nous dire que « pendant six jours ?sera fait? le travail » ? par lui-même, comme ordonné par le Ciel.