Depuis le jour du Don de la Torah, le peuple juif est doté d’une sainteté suprême, émanant des mondes supérieurs, comme l’a déclaré le Créateur : « Vous serez pour Moi une dynastie de prêtres et une nation sainte » (Chémot 19, 6).
S’il est vrai que l’ensemble de la nation juive est considérée comme sanctifié, la tribu des descendants d’Aharon revêt quant à elle une sainteté encore supérieure, comme on le voit ici : « Aharon et ses fils furent désignés pour toujours par une sainteté éminente, pour brûler l’encens devant l’Eternel, Le servir et bénir en Son Nom à tout jamais » (Chroniques I 23, 13).
Depuis que les fils d’Aharon furent ainsi consacrés, le service sacerdotal devint leur privilège exclusif, et nul d’entre eux ne saurait s’en dédire. Réciproquement, aucun membre d’une autre tribu ne saurait occuper les fonctions sacerdotales et exécuter un service réservé au Cohanim.
Parle aux Cohanim
Il n’est pas du rôle de l’homme de scruter les décisions divines, ni de s’efforcer de comprendre pourquoi la descendance d’Aharon fut-elle précisément choisie pour remplir ces fonctions. Au sujet de telles interrogations, il fut annoncé à Job : « Prétends-tu pénétrer le secret insondable de D.ieu, saisir la perfection du Tout-Puissant ? » (Job 11, 7).
Mais dans ce cas précis, nos Sages nous ont éclairés de leurs lumières en révélant dans un Midrach l’origine de ce choix. Voici en effet ce qu’ils établissent à ce sujet (dans le Midrach Cho’her Tov sur Psaumes 19, ainsi que partiellement dans Vayikra Rabba 26, 6) : « ‘La crainte de l’Eternel est pure, elle se maintient à jamais’ (Psaumes 19, 10) – Rabbi Levi dit : Parce qu’Aharon craignait D.ieu, comme le dit le verset : ‘Je lui donnai la crainte et il Me craignit’ (Mala’hie 2, 5), c’est pourquoi une section de la Torah fut offerte à lui et ses enfants, et celle-ci ne leur sera jamais retirée jusqu’à la fin des temps. Quelle section ? Celle relative à l’impureté des morts, afin qu’il n’entre pas en contact avec des cadavres comme il est dit : ‘Parle aux Cohanim, les enfants d’Aharon…’ (Vayikra 21, 1) ».
On apprend de ce Midrach que le Créateur sonda le cœur d’Aharon, et y découvrit une crainte du Ciel si pure et si entière, qu’Il choisit de poser la couronne du sacerdoce sur le front de sa descendance à jamais. En outre, on voit là que c’est la crainte du Ciel qui fut à l’origine de l’interdiction des Cohanim de se préserver de l’impureté des morts.
A la vue de ce Midrach, les grands commentateurs s’interrogèrent : quelle relation existe entre la crainte du Ciel et l’impureté des morts ?
L’Eternel fit en sorte qu’on Le craigne
L’auteur du Or’hot Tsadikim écrit (dans le Portique de l’humilité) : « L’humilité est l’échelle avec laquelle on grimpe jusqu’aux voies de l’Eternel (…) C’est par elle qu’on parvient à la crainte de D.ieu béni soit-Il, comme il est écrit : ‘Par l’humilité viendra la crainte de D.ieu’ (Proverbes 22, 4) ».
Dans les écrits du Ramban, il apparaît que l’humilité n’est pas seulement une voie conduisant à la crainte du Ciel, mais elle est le vecteur direct de celle-ci. C’est ce que ce maître suggère dans la célèbre lettre qu’il adressa à son fils, dans laquelle il s’étend sur l’importance des vertus morales. On peut notamment y lire : « Grâce à l’humilité, montera en ton cœur la vertu de la crainte, car elle te rappellera à tout moment d’où tu viens et où tu te rends (…) Et lorsque ces pensées t’habiteront, tu auras la crainte de ton Créateur et tu te préserveras de la faute ».
Il apparaît donc que la crainte du Ciel est une conséquence directe de l’humilité. La question se pose ici à nouveau : s’il est admis que l’humilité représente une valeur morale incontestable, comment peut-elle cependant nous conduire directement à craindre le Ciel ?
Il semblerait qu’en fait, une parcelle innée de crainte du Ciel soit inscrite dans la nature humaine. Cependant, celle-ci est souvent étouffée par les mauvaises qualités morales, surtout par l’orgueil qui l’empêche totalement de s’exprimer. Par conséquent, lorsqu’un homme fournit un important travail moral, qu’il s’efforce de réprimer ses élans de colère et d’acquérir l’humilité, sa crainte du Ciel innée viendra forcément à refaire surface et à se développer.
Ce principe, selon lequel la crainte du Ciel est innée dans la nature humaine, apparaît entre autres dans les écrits du Sfat Emet, concernant cet enseignement des Maximes des Pères : « Que la crainte du Ciel soit sur vous » – « car il est avéré que tout Juif naît avec la crainte du Ciel. Cependant, il est nécessaire d’opérer un travail sur sa personne pour rapprocher le cœur de la Vérité et pour l’éloigner de l’obscurité. Et lorsque le cœur de l’homme sera disposé à toujours accomplir la volonté du Créateur, la crainte du Ciel ressurgira naturellement ».
C’est à un tel niveau de crainte du Ciel – jusqu’à un attachement totalement à la Présence divine – qu’était parvenu Aharon. Et dans la mesure où ce sentiment était chez lui éternel, il hérita à jamais, pour lui et sa descendance, des fonctions sacerdotales.
Que Mon sanctuaire soit en eux
Nos Sages rapportent dans un autre Midrach (Tan’houma Emor) : « A quoi cette mitsva [de ne pas se rendre impur] est-elle semblable ? Au boucher attitré du roi, qui entrait et sortait au palais royal. Le roi lui dit : ‘Je décrète que tu ne voies jamais plus de bêtes mortes, parce que tu rentres et sors du palais et que tu voies mon visage ; c’est pourquoi je refuse que tu souilles mon palais. Ainsi, D.ieu ordonna aux Cohanim de ne pas se rendre impurs au contact des morts ».
Le Peri Tsadik s’interrogea à ce sujet : s’il en est ainsi, pour quelle raison cet interdit perdure-t-il même après la destruction du Temple, alors que les Cohanim n’entrent plus « dans le palais du Roi » ?
D’après ce que nous avons vu plus haut, ceci s’explique comme une évidence. La crainte du Ciel était en effet la vertu par laquelle Aharon se distinguait, celle qu’il offrit en héritage à ses descendants. Entre autres, cette qualité implique une proximité constante de la Présence divine, même lorsque les Cohanim se trouvent hors du Temple. Certes, tous les membres de cette tribu ne sont pas continuellement en situation de haute sainteté, mais cependant, la parcelle de crainte divine qui les habite les oblige à respecter à tout moment les règles de pureté propres à leur rang, comme s’ils siégeaient à tout moment à l’intérieur même du sanctuaire. Par