Aussi bien du temps où le peuple juif vivait sur sa Terre, que pendant les siècles d’exil, Erets Israël a toujours occupé une place importante dans le cœur des Juifs. Toujours les communautés de Diaspora aspirèrent à entreprendre le long et périlleux voyage jusqu’en Terre sainte, pour venir fouler son sol sacré.

Dans un poème qui lui est consacré, Rabbi Yéhouda Halévi exprima de manière très éloquente sa nostalgie de la terre de ses ancêtres : « Qui me dotera d’ailes, que je puisse m’envoler vers elle (…) Ma face s’enfouira dans ta terre, je chérirai chacune de tes pierres, je rendrai grâce à ta poussière (…) L’air de ta terre ravive les âmes, mon cœur va au Temple admirable (…) Là-bas règne le Divin protecteur, Tes entrées sont ouvertes par Ton Créateur, Tes portes sont celles des Hauteurs… »
Une portion du Monde futur
Les maîtres de notre peuple ne tarissaient pas d’éloges sur les qualités de cette terre. Selon le ‘Hatam Sofer, la prière que prononça Moché rabbénou pendant qu’il se tenait aux frontières d’Erets Israël était infiniment supérieure aux quarante jours qu’il vécut dans les Cieux, pour y recevoir le Don de la Torah. Voici ses mots : « En approchant des frontières d’Israël (…) il perçut une formidable lumière et une sainteté considérable, chose qu’il n’avait pas expérimentée même pendant les quarante jours qu’il passa dans les Cieux. Car la terre d’Israël possède une sainteté éminente, supérieure à celle des Cieux surplombant les autres terres du monde… » (Drachot du 7 av).
D’après lui, c’est pour cette raison que, lors de cette prière spécifique, Moché dut introduire ses requêtes par la formule : « D.ieu, ouvre mes lèvres, pour que ma bouche proclame Tes louanges. » En effet, « bien que Moché fût toujours disposé à recevoir une prophétie, même sans préparation (…) toutefois pour cette prière, qui fut la 515ème qu’il formula mais la première qu’il prononça en Erets-Israël, il lui fallut l’introduire par : ‘D.ieu, ouvre mes lèvres…’ »
D’ailleurs, lorsqu’un homme vivant en Diaspora se détermine à partir s’installer en terre d’Israël, cette décision est si importante qu’on considère comme s’il y vivait déjà. Ceci apparaît dans le sidour de rav Yaacov Emdin : « Quiconque prend la décision formelle de monter en Erets Israël (…) mais qu’il ne puisse concrétiser son projet à cause des contingences, son intention est opérante (…) et ses prières seront accueillies comme si elles avaient été prononcées en Erets Israël, face aux portes du Ciel… »
Une âme nouvelle
De retour de voyage en terre d’Israël, un riche homme alla raconter son périple au saint Admour de Ruzhin. Le maître lui demanda comment il avait trouvé la terre de nos ancêtres, mais l’homme répondit avec une certaine froideur. L’Admour de Ruzhin lui fit alors le récit suivant : « Un homme richissime avait marié toutes ses filles à des érudits. En l’honneur de leurs mariages, il avait donné à chacune d’elles des bijoux et une dot conséquente. Mais pour sa fille cadette, il ne parvint pas à lui trouver un époux érudit. Par la force des choses, il dut la marier à un tailleur ordinaire. Avant la cérémonie du mariage, le père demanda à sa fille de se parer de ses beaux bijoux, en l’honneur du marié. Mais celle-ci lui répondit : ‘Si mes sœurs revêtirent leur bijoux pendant leur mariage, c’est parce qu’elles se sont mariées avec des hommes érudits. Mais pour un simple tailleur, je suis suffisamment belle telle que je suis ! »
Le maître de Ruzhin conclut son récit sur ces mots : « La terre d’Israël est semblable à cette mariée. Pour ceux qui en connaissent la véritable valeur, elle se pare de ses plus beaux atours, et leur apparaît dans toute sa beauté. Mais aux hommes qui lui accordent peu d’importance, elle ne se montre pas sous son véritable visage car ils ne méritent pas de la voir ainsi… »
Lorsqu’un homme de valeur arrive en Erets-Israël, il peut ressentir la sainteté unique à cette terre. Non seulement il mérite de ressentir son aura mais qui plus est, il se dote d’une âme supérieure. En foulant la poussière du pays de ses ancêtres, il reçoit une âme qui le change en un autre homme.
L’accès à de hauts niveaux spirituels
Le Sfat Emet (Massé 5650) nous renseigne davantage sur cette « âme supplémentaire », que reçoit quiconque s’installe dans le pays de nos ancêtres : « Les enfants d’Israël et la terre d’Israël sont liés au point de ne former qu’un. Lorsque les enfants d’Israël y entrèrent, chacun d’eux reçut une nouvelle âme, et la terre bénéficia d’un supplément de sainteté, comme il est dit : ‘Un peuple unique sur la terre.’ De même que certaines périodes de l’année – les Chabbatot et les jours de fête – sont plus propices à accueillir une âme et une lumière supplémentaires, ainsi certains points du globe sont plus propices à la révélation de cette âme. Voilà pourquoi, en entrant en Terre sainte, les Hébreux bénéficièrent d’une âme supplémentaire. »
L’air de la Terre rend sage
Une autre spécificité propre à la terre de nos ancêtres réside dans son atmosphère. Nos Sages affirment en effet que « l’air d’Erets Israël rend sage ». D’où lui vient cette faculté unique ? D’après le Gaon de Rogotcheve (Tsafnat Panéa’h, Téroumot chap. 3), c’est à Moché lui-même qu’on le doit. Il explique que peu avant son décès, Moché fut invité à « monter sur la hauteur des Avarim pour contempler le pays » (Bamidbar 27, 12). En contemplant la Terre d’Israël, Moché y insuffla un apport de sainteté. Et comme toutes les œuvres du prophète perdurèrent à jamais (comme le disent nos Sages, Sota 9), son regard persista en cela que l’air de la terre octroie à jamais une sagesse supplémentaires à ses habitants.   Par Yonathan Bendennnoune,adapté à partir d’un article du rav Moché Reiss, pour Hamodia en hébreu.