Commençons par introduire une notion annexe : Kol Israël Arevim Zé laZé – tous les Bnei Israël sont garants l’un de l’autre. Au sens simple, cela signifie que chacun a la responsabilité de s’assurer que chaque membre du peuple accomplisse ses devoirs de juif. Cela implique à la fois d’hériter d'un grand mérite lorsque l’autre évolue par notre intermédiaire, mais aussi, d’avoir à rendre des comptes lorsque l’on ne le rapproche pas de la douceur de la Torah et de la vie juive authentique.


Rapportons au passage que cette règle a une application concrète: lorsque mon prochain me demande de l’acquitter d’une Mitsva dont je ne suis pas moi-même imposé, la Halakha me permet de prononcer la Berakha moi-même, en disant ‘Asher Kideshanou… Vetsivanou…’ – qui nous a sanctifiés par ses Mitsvot et nous a ordonné…’ car je suis moi-même concerné et impliqué par les Mitsvot imposées à mon frère juif. Par ex. si j’ai déjà dit le Birkat haMazon ou le Kidoush, et que mon voisin qui ne sait pas dire lui-même ses Berakhot me demande de redire ces textes pour l’en acquitter, j’ai le droit de répéter ces Berakhot parce que son devoir est aussi le mien ! [Cf. Chou-Ar ch.197 §4, ch.273 §4]

Plusieurs Midrashim mettent en évidence que cette responsabilité mutuelle n’est pas qu’un engagement technique, mais a une raison très profonde : tout le peuple d’Israël forme une seule entité. Rabbi Moshé Kordovero zatsal rapporte [Tomer Devora ch.1 §4] que la Neshama –l’âme– de chaque juif contient une parcelle de toutes les Neshamot du peuple d’Israël.

Or, nous rapportions dans la Parasha de la semaine dernière que Hashem Tsilekha – Hashem est ton ombre, c.-à-d. qu’Hashem se rapproche et veille sur nous en fonction de nos efforts à nous rapprocher de Lui. L’interaction de ce principe et de la règle du Kol Israël Arevim Zé laZé nous amène donc à déduire que lorsque même un seul juif s’efforce de se rapprocher d’Hashem, c’est le peuple tout entier qui jouit de cette éclaircie spirituelle ! Ainsi, le grand maître du Moussar, Rabbi Israël Salanter zatsal [1810-1883] disait souvent : ‘un brin de lumière repousse beaucoup d’obscurité ! Lorsqu’un juif à Vilna s’efforce de mieux comprendre sa Guemara et son Tossefot, il y a sans aucun doute un juif à Paris qui parvient à s’échapper des griffes de la Hashkala – l’émancipation, le terrible fléau qui ravagea le judaïsme en Europe il y a 2 siècles’.

C’est sur ce principe que les rois d’Israël ne sortaient en guerre qu’après avoir assuré une permanence d’étude de Torah, comme le commente la Guemara [Makot 10A] : עֹמְדוֹת הָיוּ רַגְלֵינוּ בִּשְׁעָרַיִךְ יְרוּשָׁלִָם – Nos pieds se tenaient à tes portes, Jérusalem – par quel mérite nos pieds remportaient nos guerres ? Par le mérite de ceux qui étudiaient la Torah aux portes de Jérusalem ! Selon la Guemara dans Shevouot [35B], ce sont de 1/6 à 5/6 des réservistes qui restaient étudier la Torah avec assiduité, pendant que le reste allait combattre.

Et c’est encore sur ce principe que le Cohen Gadol parvient à expier les fautes de tout le peuple d’Israël en portant ces vêtements…
 
Rav Harry Dahan pour 5 Minutes eternelles