44 victimes. 82 heures de feu dévorant. 2 600 hectares de forêt dévastés. 5 millions d'arbres consumés. Une année est passée depuis le terrible incendie du Carmel et le souvenir de ces dramatiques journées reste intact. Mais alors que pour les familles des victimes, la douleur ne s'estompe pas, la nature, elle, semble reprendre le dessus. Lentement mais sûrement. Reportage sur les lieux de l'incendie, un an après.
Le gris et le vert s'intercalent au sommet du Carmel : le gris des arbres calcinés et le vert de ceux qui n'ont miraculeusement pas été touchés durant le terrible incendie qui a ravagé cette région florissante entre le 2 et le 5 décembre 2010.
Rien ne sépare les arbres épargnés des arbres brûlés. Les uns s'entrecroisent avec les autres, comme si Hachem avait choisi chaque arbre avec une pincette et décidé de son sort bien avant l'incendie.
Sur la route qui parcourt le Carmel de haut en bas, à quelques mètres du terrible tournant où une quarantaine de gardiens de prison, de pompiers et de policiers ont perdu la vie dans ou près de « l'autobus de la mort », un monument est érigé. Durant l'année qui s'est écoulée, les cris des victimes et le bruit du brasier ont fait place à un silence assourdissant, avant que la nature ne reprenne le dessus. Aujourd'hui, le piaillement des oiseaux est troublé par le bruit des tracteurs qui préparent le terrain à l'approche de la première cérémonie en souvenir des victimes. Un arbre a déjà été planté près du monument en cours de construction : il s'agit d'un olivier, symbole de paix et de sérénité, cette sérénité que les victimes n'ont malheureusement pas connue dans les dernières minutes de leur vie.
Près du kibboutz de Beth Oren, une des localités les plus sérieusement touchées par l'incendie, on trouve une terrasse en bois qui offre une vue panoramique sue le Carmel. Derrière cette terrasse, les maisons de Beth Oren entièrement détruites par le feu. Dans quelques jours, elles devraient être rasées pour permettre la construction de nouveaux bâtiments destinés à ceux qui, depuis l'incendie, vivent dans des caravillas – constructions en préfabriqué – précédemment habitées par… les expulsés du Goush Katif.
Face à la terrasse, une vallée, immense, de laquelle on voit très clairement les ravages causés par le feu à la forêt : des centaines d'arbres consumés, certains donnant déjà l'impression que leurs racines ne les porteront bientôt plus et qu'ils vont s'effondrer, très prochainement. D'autres tendent encore leurs branches vers le ciel, mais ce sont des branches sur lesquelles il ne poussera plus jamais rien.
Mais il y a autre chose dans cette vallée, un phénomène qui est à l'image du miracle continu de la création et de la renaissance : des centaines d’arbustes hauts de quelques dizaines de centimètres poussent sur tout le Carmel. Il s'agit de pins de Jérusalem, les mêmes pins qui constituaient la majeure partie du paysage forestier de la montagne et dont 5 millions d'entre eux ont brûlé durant l'incendie. Ces arbustes, personne ne les a plantés. C'est paradoxalement l'incendie qui les a fait naitre. En effet, les pommes de pin ont tendance à exploser lorsqu'une source de chaleur très forte les approche, éparpillant ainsi un peu partout les pignons qui constituent les graines du futur arbre. C'est donc dans la '' maladie '' que se situe le '' remède ''.
Mais ce remède se révèle, dans le cas précis du Carmel, un peu trop fort : en effet, la présence de tant d'arbres au m² (selon une récente étude, on parle de 20 pousses par m² dans certaines zones !) est un facteur aggravant en cas d'incendie. En effet, les cimes des arbres si proches se touchent et le feu se propage ainsi beaucoup plus rapidement. C'est la raison pour laquelle le KKL, au lieu de planter des arbres sur le Carmel, est aujourd'hui occupé à en déterrer pour procéder à ce que les spécialistes appellent un dépressage qui consiste à sélectivement supprimer un certain nombre de jeunes sujets dans un peuplement très dense afin de favoriser le développement des arbres ainsi conservés.
La densité de la forêt était déjà trop importante l'année dernière et constituait un facteur aggravant durant l'incendie. Mais la compacité n'est pas seule en cause : le 2 décembre 2010, plusieurs facteurs se sont liés pour composer une conjoncture implacable. Durant les mois qui ont précédé l'incendie, le pays a connu une très longue période de sécheresse, la dernière pluie remontant au mois de mars. Ensuite, le taux d'humidité dans l'air frôlait les 20 %, ce qui est extrêmement sec pour cette région à cette époque de l'année. Enfin, le vent venu de l'est et qui atteignait les 40 km/h a également accentué l'effet dévastateur des flammes.
Ces circonstances aggravantes – sécheresse, vent, climat – ne sont pas entre les mains de l'homme. L'homme ne contrôle pas la Nature, mais il en est responsable. Ce cadeau d'Hachem mérite qu'on le préserve et malheureusement, 100 % des incendies qui sévissent en Israël sont causés par la main de l'homme, volontairement ou involontairement. L'incendie du Carmel nous a appris comment une simple étincelle pouvait provoquer un brasier dévastateur et meurtrier.
Un an après, le Carmel renaît lentement de ses cendres, mais il faudra encore de nombreuses années pour que le vert ne soit plus teinté de gris… Par Laly Derai,en prtenariat avec Hamodia.fr