Le projet de regroupement d’une partie des cimetières français d’Algérie fait du remous. Après la publication d’un article sur ce sujet dans Hamodia à la mi-juillet, nous avons été contactés par de nombreux lecteurs inquiets.

Même chose au Consistoire central où le dossier est suivi par Jack-Yves Bohbot qui dirige la commission « Cimetières d’Algérie ».

Face à la dégradation des sépultures chrétiennes ou juives, le Ministère français des Affaires étrangères français a, en effet décidé d’agir. Sur les 523 cimetières recensés en 1962 lors de l’indépendance algérienne, 80 % sont aujourd’hui en très mauvais état. Par un arrêté du 23 juin dernier, il a donc été décidé de regrouper 135 cimetières dans 22 grandes nécropoles. Le texte précise que les familles « disposent à partir de ce jour de quatre mois pour faire savoir au consul général de France territorialement compétent si elles souhaitent effectuer le transfert en France, à leurs frais, des restes mortels de leurs défunts ». Un délai déjà bien écoulé : il ne reste plus que deux mois !

Quels sont les cimetières concernés ?
Le regroupement des tombes concerne les cimetières très excentrés ou trop endommagés pour pouvoir être réhabilités. Il faut savoir que si certains grands cimetières d’Alger, d’Annaba ou d’Oran sont maintenus à flots grâce au travail des associations, le manque d’entretien, le vandalisme et les pillages entrainent, partout ailleurs, des dégâts considérables, indignes du respect des morts. Les cimetières concernés (voir la liste) seront donc regroupés dans 22 nécropoles, principalement dans les environs d’Alger, dont l’entretien et la surveillance sont plus faciles. Les ossements exhumés seront remis en terre ou plus probablement réunis dans des ossuaires.

Qu’en est-il des tombes juives ?
La Hala'ha prévoit des règles très strictes en cas d’exhumation ou de transfert de sépultures. Une spécificité prise en compte par les autorités françaises. À ce titre, le Consistoire central était la seule organisation religieuse conviée à la réunion organisée le 11 juillet au Ministère des Affaires étrangères avec les associations de rapatriés. Comme cela avait déjà été le cas lors de précédents regroupements, le Consistoire a rappelé l’absolue nécessité de réunir les sépultures juives dans des carrés juifs ou tout au moins dans des ossuaires réservés.
Cette procédure implique une part d’incertitude, car faute d’archives, il est parfois difficile de déterminer si une tombe abrite un défunt juif. Il est de même difficile d’imaginer que dans tous les cas, tous les ossements seront collectés pour être transférés dans la nouvelle sépulture.
Pour surveiller les excavations comme l’exige la Hala'ha et dire les prières appropriées, le Consistoire prévoit d’envoyer sur place des « observateurs » dont il prendra en charge les frais. « Nous attendons de connaître le calendrier des regroupements qui se déroulera par phases, à partir de 2012-2013 », explique Jack-Yves Bohbot. « S’il le faut, nous lancerons un appel aux dons pour financer cette surveillance juive ». Tous les regroupements ne pourront cependant pas être supervisés, notamment dans le cas des cimetières trop isolés ou dans les régions où la sécurité ne peut pas être garantie.

Comment procéder au transfert ?
L’arrêté ministériel laisse la possibilité aux familles des défunts de faire transférer les ossements en France. Vu les menaces permanentes sur les cimetières français d’Algérie, beaucoup seront peut-être tentés par cette option.
– Il faut d’abord s’assurer que la sépulture se trouve bien dans l’un des cimetières concernés par le regroupement.
– Il faut ensuite prouver son lien de parenté « par tout moyen » avec la personne enterrée.
– Dans le délai imparti, il faut ensuite prévenir les autorités de la demande de rapatriement de la sépulture. En fonction de la localisation du cimetière concerné, il faut contacter l’un des trois consulats français en Algérie ou le Ministère des Affaires étrangères (voir encadré).
– Il est également conseillé de se mettre en relation avec le Consistoire central.
Quels sont les délais ?
Pour faire part d’une demande de transfert, les familles disposent de quatre mois à compter de la publication de l’arrêté au Journal officiel. Celui-ci est daté du 23 juin dernier. Les familles qui souhaitent rapatrier les ossements d’un parent n’ont donc que jusqu’au 23 octobre pour se manifester ! Un délai extrêmement court, d’autant que le mois d’octobre sera ponctué par les fêtes de Tichri et qu’il sera très difficile de contacter les institutions juives. Mais le transfert lui-même n’aura lieu qu’à partir du moment où les opérations de regroupements débuteront, probablement début 2012.

Et pour Israël ?
L’arrêté ne prévoit qu’un transfert vers la France. Plusieurs familles se sont pourtant déjà manifestées pour demander que leur proche soit ré-enterré en Israël. Étant donné l’absence de relations diplomatiques avec l’Algérie, un transfert direct est impossible. L’étape française semble donc indispensable, avant un acheminement vers Israël. « Nous n’avons pas encore reçu de précisions du Quai d’Orsay pour ce cas de figure, explique Jack-Yves Bohbot, Les personnes concernées doivent nous contacter ».

Combien ça coûte ?
Le regroupement des cimetières dans les 22 grandes nécropoles est pris entièrement en charge par les autorités françaises. En cas de transfert, les frais incombent par contre entièrement aux familles. Aucune aide n’a pour l’instant été prévue. Le montant d’une telle opération n’a pas été chiffré. Mais le simple transfert de port à port, d’Oran à Marseille, s’élève déjà à 3 000 euros. Pour Israël, il faudra en plus ajouter les coûts du transfert aérien.

Le rôle du Consistoire central ?
« Nous accompagnerons les familles concernées au cas par cas, promet Jack-Yves Bohbot : Nous serons l’interface entre ceux qui le désirent et les autorités ». Avec Joël Mergui, il s’apprête ainsi à recevoir dans les jours qui viennent François Saint-Paul, le directeur des Français à l’étranger afin d’évoquer les regroupements et les transferts. L’institution s’est fixé trois objectifs prioritaires dans ce dossier : l’accompagnement des familles, les transferts vers Israël et la surveillance hala'hique des excavations.

Contacts utiles :
– Consistoire central de France : 19, rue St Georges 75 009 Paris. Tél. : 01 49 70 88 00
– Ministère des Affaires étrangères et européennes, direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (sous-direction de l’administration des Français : 27, rue de la Convention, CS 91533, 75 732 Paris Cedex 15)
– Consulat général de France à Alger, 25, chemin Abdelkader-Gadouche, 16 035 Hydra, Alger, internet : http://consulatalger.ambafrance.org
– Consulat général de France à Annaba, 1, rue Gouta-Sebti, 23 000 Annaba, internet: http://consulatannaba.ambafrance.org
– Consulat général de France à Oran, 1, rue Aïmeur-Brahim, BP 297, Oran, RP 31 000 Oran, internet : http://consulatoran.ambafrance.org.
Par Serge Golan,en partenariat avec Hamodia.fr