Los Angeles. Seuls les premiers arrivants ont trouvé de la place sur les chaises pliantes positionnées autour de la piscine. Les retardataires ont dû se contenter d’être debout à l’ombre des parasols. On attendait 300 personnes, ils sont plus de 400 à être venus rendre un dernier hommage à Lee Ivan Weinstein. Il fait beau et les discours s’enchainent sous une chaleur écrasante. Mais pas de problème, les shiva sisters ont les choses bien en main et tout est prêt dans la cuisine pour rafraichir et sustenter tous les amis de feu Lee.
Les shiva sisters sont deux femmes, amies d’enfance, Black et Allison Moldo. Assistant à l’enterrement d’un oncle, Black surprend la conversation d’un des cousins « Si seulement il y avait quelqu’un pour nous aider à faire tout cela » Et voilà l’idée entrée dans sa tête et la réflexion « Mais moi je peux faire cela ». C’est clair qu’il existe une demande dans ce domaine. Les gens n’aiment généralement pas parler de la mort et des choses qui vont avec. Certains sont tellement superstitieux qu’ils sont persuadés que de parler de la mort va effectivement les tuer.
S’en est suivis plusieurs mois de discussions avec des rabbins pour apprendre toutes les lois relatives à la mort et à la période des shiva, les 7 jours qui suivent l’enterrement. Les shiva sisters participent aussi à des séminaires sur la mort et sur les étapes qui y mènent. Elles lisent enfin tout ce qu’elles peuvent trouver sur le sujet. Et voilà qu’elles proposent leur programme : service de traiteur, location de matériel et assistance pour les heures et les jours qui suivent un enterrement. Mais pas n’importe lequel. Un enterrement juif. En effet, la loi juive veut que les personnes endeuillées fassent shiva chez elles pendant 7 jours durant lesquels la famille et les proches leur rendent visite, les consolent et leur apportent de quoi se nourrir.
Mais à Los Angeles, à quelques kilomètres de Hollywood Boulevard, les choses prennent parfois une tournure inhabituelle. En effet, les shiva sisters s’adressent principalement à ces juifs qui n’ont généralement pas beaucoup de connections avec une communauté ou une autre. A ceux qui ne connaissent pas toutes les lois relatives au deuil mais qui sont néanmoins attachés à faire ce qu’il faut pour leur cher défunt. Alors les shiva sisters entrent en scène. Elles organisent tout du repas qui suit l’enterrement, au service de voiturier qui s’occupera des autos de tous ceux qui viennent faire une visite aux endeuillés, afin de ne pas bloquer les rues vite encombrées même devant les belles villas de la ville. Mais elles proposent aussi un service de vidéo et même de faire les emplettes personnelles de la famille pendant cette période difficile.
En effet, les temps ont bien changé. Aujourd’hui dans certains milieux il est rare de voir arriver les amis et la famille avec un gâteau ou un plat chaud comme la tradition le veut. Alors pour ceux qui sont en peine, une épaule compatissante, voire même « une mère juive » d’emprunt pour quelques jours cela aide à passer le cap.
Depuis que les shiva sisters ont monté leur nouveau business, elles se sont associées avec Hillside Memorial Park qui les a inclues dans leur « service de conciergerie ». Mais ce genre de services d’accompagnement est en train de se répandre dans toutes les religions et les shiva sisters ne seront sans doute plus les seules sur le marché d’ici peu. Mais pour l’instant elles sont encore une référence. Elles n’interviennent pas du tout dans les funérailles à proprement parlées mais s’occupent plutôt de ce qui se passe après. Un de leur rôle est d’apprendre aux endeuillés les us et coutumes sans toutefois les obliger en rien. Par exemple, elles veillent à ce qu’il y ai des chaises plus basses pour les endeuillés, des bougies allumés, que les miroirs soient couverts et bien d’autres choses. Mais elles n’imposent rien, leur but étant d’informer et de laisser le client décider de ce qu’il veut ou ne veut pas faire. Toutefois, elles se fixent des limites car spécialement ici à Los Angeles les choses peuvent vite déraper. Comme la fois ou on leur a demandé d’organiser un open bar dans la synagogue, elles ont refusé.
Pendant la cérémonie pour Lee Ivan Weinstein aucune prière juive, même pas le kaddish n’a été récitée mais durant les éloges funéraires, Lee a été plusieurs fois appelé, un tsadik. Les shiva sisters étaient là tout au long de la journée avec leur personnel habillé de noir avec des petits tabliers blancs. Un quartet a joué de la musique. Pendant un des morceaux « Smile » deux faucons sont apparus dans le ciel sans nuage au dessus de la propriété de Lee. Mais pour une fois, les shiva sisters n’étaient pas responsables de cette belle coïncidence.