Parle aux fils d’Israël ( benei Yisrael ) en disant: Quand une femme concevra et enfantera? (12, 2)

Pourquoi fallait-il parler aux «fils» et non aux «filles» d’Israël ( benoth Yisrael )? N’eût-il pas été logique de leur communiquer ces lois qui concernent directement les femmes? Selon de nombreux commentateurs, la Tora nous enseigne ainsi que la mitswa d’avoir des enfants incombe à l’homme, et non à la femme ( Yevamoth 65b).

Sous cet éclairage, nous comprenons mieux la suite (verset6): «Et au terme des jours de sa purification, pour un fils ou pour une fille, elle apportera un agneau dans son année comme holocauste et un petit de la colombe ou une tourterelle comme expiatoire?» Pour quelle raison la Tora enjoint-elle à la femme d’apporter un sacrifice après l’accouchement? Car lorsqu’elle était en travail, en proie aux douleurs, répondent nos Sages ( Nidda 31b), elle s’est juré de ne plus avoir de rapports intimes avec son mari. Elle doit donc apporter une offrande pour se libérer de son «v?u».

Cette loi, explique Rav Yehonathan Eybeschuetz, ne fait qu’attester le principe selon lequel la femme n’est pas soumise à la mitswa de procréation. En effet, si elle l’était, son v?u serait inopérant et n’en serait pas un, à l’instar du serment prêté par une personne de ne pas accomplir une mitswa qui lui incombe.

Voilà pourquoi « elle apportera un agneau?» Comme ce sont les «fils» ? et non les «filles» ? d’Israël qui ont l’obligation d’avoir des enfants, le v?u prononcé par la femme prend effet. C’est donc à elle de présenter un sacrifice pour s’en délier.

Quand une femme concevra et enfantera. (12, 2)

Citant le Talmud, Rachi explique: «De même que la formation ( yetsiratho ) de l’homme, dans l’?uvre de la Genèse, a eu lieu après celle des animaux ? domestiques et sauvages ? et des oiseaux, de même les lois qui le concernent sont-elles énoncées après celles relatives aux animaux ? domestiques et sauvages ? et aux volatiles.»

Pour quelle raison, s’interroge le ?Hatham Sofèr , est-ce précisément pour les lois liées à la pureté et à l’impureté que la Tora expose celles concernant l’homme après celles relatives aux bêtes (formulées dans la section de Chemini )? Et pourquoi est-il question, dans cet enseignement, de la «formation» ( yetsira ) de l’homme, et non de sa «création» ( beria )?

La yetsira souligne la nature physique et matérielle de l’homme, alors que le terme de beria exprime son essence spirituelle. Ainsi, la yetsira de l’homme ? sa formation physique ? s’est située après l’émergence des animaux, mais sa beria , elle, a précédé le reste de la Création.

C’est pourquoi, de même que «la yetsira de l’homme» a suivi l’apparition des animaux, lors de la Genèse, de même les lois le concernant succèdent-elles à celles s’appliquant aux bêtes. De quelles lois s’agit-il ici? Des lois relatives à l’impureté, laquelle dérive de la partie matérielle et physique de l’homme.

Quand une femme concevra et enfantera. (12, 2)

Selon l’enseignement du Midrach , la priorité accordée par la Tora aux lois concernant les animaux sur celles relatives aux hommes est suggérée par le verset des Tehilim (139, 5): «Tu m’as formé postérieurement et antérieurement.» Si l’homme est méritant, on lui dit: «Tu as eu la prééminence sur l’?uvre de la Création!» Et sinon, on lui dit: «Même le moustique t’a devancé! Le lombric t’a précédé!» ( Wayiqra Rabba 14, 1).

La parabole suivante nous permettra de mieux comprendre cet enseignement midrachique:

Ayant appris que le roi a décidé de venir visiter leur ville, les habitants s’empressent de nettoyer ses rues et de la rendre aussi plaisante que possible. Les responsables chargés de la visite arrivent, suivis du cortège des notables et d’une brillante escorte, derrière laquelle apparaît enfin le roi, dans toute sa splendeur. Il ne viendrait à l’idée de personne de dire que ceux qui ont précédé le souverain sont plus importants que lui. Chacun sait qu’ils sont tous à son service et soumis à son autorité. Bien au contraire, c’est en raison de sa suzeraineté que tous ceux-là l’ont précédé, afin de préparer sa venue et lui assurer les meilleures conditions possibles.

L’homme, créé le sixième jour de la Genèse après tous «les autres», est arrivé dans un monde soigneusement préparé et accommodé en son honneur. Toute la création n’avait émergé que pour lui, pour l’accueillir en son sein. S’il a compris le véritable but de sa venue au monde, il est «le premier» dans l’ordre de la Genèse. Il est alors véritablement celui «créé antérieurement». Mais s’il ne saisit pas son objectif spécifique, s’il néglige son statut de «diadème de la Création» et qu’il se conduit comme tout autre être vivant, il est celui «créé postérieurement», auquel on fait observer: «De quoi donc es-tu si fier? Même le moustique t’a devancé, lui qui a été créé avant toi! Et en réalité, tu es un être bien fragile, souffrant du froid et du chaud, à la différence du moustique et d’autres animaux qui ne pâtissent pas des intempéries. De quel avantage sur eux te targuerais-tu donc?!»

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Comme nous le savons, poursuit Rav Chakh, la Création inclut quatre niveaux ou domaines: l’inanimé ( domèm ), le végétal, l’être vivant et l’être parlant. On aurait pu penser à tort que tout comme les animaux sont intrinsèquement similaires mais se distinguent par des caractéristiques individuelles ? comme la «puissance» du lion, la «vaillance» de l’aigle, la «malice» du renard, etc. ? de même l’homme se distingue-t-il des bêtes par sa particularité: la «parole».

La Tora rejette cependant vigoureusement cette approche. Même si chaque animal détient un attribut spécifique, tous les animaux se valent par le fait qu’ils n’ont pas été créés pour se servir l’un de l’autre, mais pour être tous soumis à la créature située au-dessus d’eux: l’«être parlant».

Au sujet de la création de l’homme, la Tora rapporte ( Beréchith 2, 7): «Il [Hachem insuffla dans ses narines un souffle de vie». Nos Sages expliquent qu’Il lui a insufflé une parcelle de Lui-même Il lui a instillé la nechama («âme»), portion de Sa Divinité. En cela, l’homme est considéré comme le «diadème de la Création», laquelle lui est subordonnée. A l’opposé de la Tora, il existe une théorie prônant que l’homme a été créé pour le monde. Selon cette thèse, il se doit de développer la nature et d’améliorer toutes ses composantes. Or, cette vision des choses suscite un véritable cercle vicieux, dans lequel l’être humain doit contribuer à l’évolution du monde afin de pouvoir profiter de celui-ci et où, plus il en jouit, plus il le développe. Il ne peut tirer satisfaction du monde qu’en lui prenant et en lui redonnant, et ainsi de suite. Dans cette optique, l’homme ne diffère aucunement des animaux. Alors que celui-ci détient sa force dans ses pieds, et celui-là dans ses dents, l’homme, lui, possède la sienne dans l’intelligence. A chacun sa caractéristique, mais, fondamentalement, tous se valent?

Comme cette vision des choses est éloignée de celle de la Tora! Le juif est conscient de son haut statut ? comme le souligne le roi David ( Tehilim 8, 7): «Tu lui as donné l’empire sur les ?uvres de Tes mains, et Tu as tout mis à ses pieds!» ? et, de ce fait, observe le monde «de haut». Celui qui comprend et reconnaît le véritable objectif pour lequel il a été créé est le plus heureux sur terre, à toute époque et dans toute situation.

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Comme nous l’avons vu dans le Midrach précité, si la conduite de l’homme est méritoire, on lui dit: «Tu as la prééminence sur toute l’?uvre de la Création.» Mais dans le cas contraire, on lui dit «Même le moustique t’a devancé! Le ver de terre t’a précédé!»

Pourquoi nos Sages ont-ils choisi précisément ces deux animaux?

Parce qu’ils diffèrent des autres êtres vivants, explique Rav Baroukh Schneerson, le Roch Yechiva de Tchebin.

Le Talmud ( Guittin 56b) nous apprend au sujet du moustique qu’il ingère de la nourriture, mais ne rejette pas d’excrétions. Incapable d’évacuer les déchets de son corps, il est considéré comme une créature insignifiante en comparaison des autres animaux, aptes à garder leurs éléments vitaux et à expulser leurs excréments. Le lombric, quant à lui, est décrit par nos Maîtres ( Beréchith Rabba 51, 1) comme une créature avalée et détruite par ses matières fécales.

Ainsi, le moustique et le ver de terre se distinguent tous deux par leur incapacité à sélectionner le bon et à rejeter le mauvais. Alors que le premier ne peut rejeter ses déchets, le deuxième est détruit et absorbé par ce qui lui est indésirable.

Le but de l’homme en ce monde est précisément de sélectionner le bon du mauvais, de le développer et l’amender. Quand il n’est pas méritant ? autrement dit, quand il ne s’est pas épuré de ce qui le souille ? on lui rappelle que même le moustique et le ver de terre, auxquels il ressemble désormais, l’ont précédé?