Le premier a lieu quand Yossef se révèle à ses frères et que ceux-ci, complètement hébétés, n’arrivent pas à croire à la nouvelle… En effet, ils ont été littéralement sidérés par cette révélation au moment précis où Yossef, ne leur faisant d'ailleurs aucun reproche, prononce tout simplement deux mots qui vont suffire pour les remettre totalement en question : « Ani Yossef [Je suis Yossef] ! ».
Car ces deux mots constituent en fait pour eux une remise en question des plus totales… plutôt que de leur raconter dans le détail tout ce que ses frères avaient pensé de lui, les stratagèmes qu’ils avaient conçus pour en finir avec lui, la claire volonté de le tuer, puis la vente aux Madianites, etc.…
Dans notre tradition, cette « révélation » est carrément comparée à ce qui va se passer pour chacun d’entre nous après 120 ans : en entrant dans « l’autre monde », on entendra en effet comme seul « reproche » l'expression divine : « Ani Hachem [Je suis Hachem] ! »… Et cette prise de conscience en entendant que c’est bien Lui, et Lui seul, qui est le maître du monde, va nous remettre totalement en question !
Ainsi, en une petite fraction de seconde, réaliserons-nous que dans notre vie, nous n’avons pas réellement pris conscience qu’Il existait et qu’Il était bel et bien là présent avec nous dans chacun de nos moments, dans notre intimité, dans nos doutes et dans nos périodes de crises comme de peurs, d’espérance… Nous n’avions pas vraiment tenu compte de cette Présence pourtant si proche qui pouvait à chaque instant nous faire tout remettre en question ! Car c’est bien cela la véritable téchouva : réaliser que Hachem est là, qu’Il existe, qu’Il est incontournable et que tout doit s’opérer dans nos vies en fonction de Sa présence.
Souvent, quand il arrive à quelqu’un des ennuis, il se dit : « Voilà la raison de cette maladie (de cette agression ou de tel ou tel échec) ! ». Or qui se dit vraiment : « C’est Hachem qui me l’envoie » ! Qui pense instantanément que ces moments difficiles qu'il est en train de traverser émanent de la Volonté du Tout-Puissant… ?
Cette petite phrase « Ani Yossef » est peut-être même la plus grande de la Torah ! Celle qui nous fait reconsidérer complètement toute notre conception de la vie et tous nos choix. À tel point que nos « retours sur image » concernant chacune des phases de notre vie doivent souvent être assez terribles en entendant l'interpellation si sobre et authentique de D.ieu : « Je suis Hachem ! »…
Les retrouvailles de Yossef avec Yaacov
Le deuxième passage émouvant de notre paracha, c’est quand Yossef retrouve son père. Le texte de la Torah dit alors que Yossef embrassa Yaacov, mais que ce dernier n’était pas trop pressé, pour sa part, de l’embrasser… Mais que fait donc Yaacov à ce moment-là ? se demandent nos maîtres. Cette rencontre à laquelle il ne croyait même plus et qu’il avait, sans le dire, espérée depuis vingt-deux ans se déroule maintenant et il n'embrasse pas son fils tant aimé !
Or nous savons pertinemment que Yaacov n’est pas un être insensible, loin de là. La Torah l’a déjà démontré à de nombreuses reprises. Voilà pourquoi nos sages expliqueront qu'en fait, à ce moment précis de leur rencontre, Yaacov était en train de dire le « Chéma Israël » !
Car dire le Chéma procède de la même idée que précédemment : c’est ramener directement à Hachem les plus grands moments de notre vie ! N'y a-t-il pas des moments très spéciaux dans nos vies où l’on a envie de pleurer, et où nous pleurons bel et bien ? L’émotion est alors plus forte que tout : elle gagne tout notre être et l'on ne peut l’exprimer qu'ainsi.
En fait, Yaacov nous donne ici une grande leçon : lorsqu’on éprouve une immense joie ou un sentiment très fort, il faut immédiatement le ramener à Hachem. Et c'est ce qu’a fait Yaacov en récitant le « Chéma Israël » alors que Yossef l'embrassait ! Il ne s’est pas étalé en profusions d’affection, ou en disant tout ce que son cœur contenait et qu’il avait forcément très envie de dire à son fils ; il a tout simplement récité le Chéma en pensant : « Je te remercie Hachem – surtout après tout ce que j’ai pu imaginer, penser et endurer – de me faire vivre ce si grand moment ! ».
Voilà pourquoi le Chéma Israël est toujours ce qui sertit nos vies, de notre premier à notre dernier instant. C’est cette conviction profondément ressentie que Hachem est présent partout : Il est celui Qui non seulement dirige nos vies, mais nous fait également vibrer, espérer et vivre !
Par le rav Sitruk, en partenariat avec Hamodia.fr