Savoir éduquer l’enfant à l’aune de sa propre personnalité !

Dans le Midrach (Béréchit Rabba 1, 1), nos Sages assimilent le pédagogue à un artisan, laissant ainsi transparaître la haute
estime qu’ils ont du rôle de l’éducateur. Et de fait, en matière d’éducation, il convient de s’armer de beaucoup de sagesse et de
perspicacité pour mener à bien sa mission.

Qu’est-ce qui caractérise l’oeuvre
d’un artisan, et qui
la distingue d’un produit
de fabrication simple ? C’est que
contrairement à un fabricant, qui
ne fait que reproduire un modèle
préétabli, l’artisan considère chacun
de ses ouvrages comme une
production unique et inimitable.
Pour ce faire, il donne forme à
son oeuvre en y impliquant tout
son être, de sorte à en dégager les
meilleurs atouts. Par conséquent,
si le pédagogue veut, à l’image de
l’artisan, être à la hauteur de sa
vocation, il doit accorder à chaque
perle qui lui est confiée une
attention exclusive, et écarter
toute généralisation importune.

Une éducation spécifique
pour chaque être

C’est par une maxime devenue
notoire que le roi Salomon, de
mémoire bénie, exprima ce fondement
: « éduque l’enfant suivant
sa propre voie », (Proverbes
22, 6). Ce principe conduisit
rav Chimchon Raphaël Hirsch
à énoncer ces quelques règles
d’éducation élémentaires : « ce
verset nous invite à considérer
chaque enfant de manière spécifique,
et exige de notre part une
éducation conforme à “sa voie”,
c’est-à-dire à sa personnalité. Par
ces mots, le verset appelle à une
éducation exclusivement individuelle
! Car si le but auquel mène
le respect de la Torah et des mitsvot
est unique, les voies conduisant
à cette finalité varient selon
les prédispositions et les capacités
de l’élève, et en fonction de ses
inclinations et de ses qualités intellectuelles
et morales (…). Toute
méthode ne convient pas à chaque
élève (…). C’est pourquoi il nous
incombe de diversifier nos méthodes
éducatives, et d’apprendre à
éduquer chaque enfant selon ses
dispositions personnelles » (Avné
‘Hinoukh p. 46).


Les dangers
d’une éducation
« contre nature »…

Dans le prolongement de cette
idée, le Gaon de Vilna (dans son
commentaire sur les Proverbes)
apporte une lumière supplémentaire
à cette idée : « car nul homme
n’est en mesure de briser “sa
voie”, autrement dit son mazal
[lot déterminé par les astres] (…)
mais chacun a le choix d’orienter
son mazal à son souhait. Et c’est
à lui qu’il pourra devenir soit un
Juste, soit un mécréant ou encore
un homme moyen (….). C’est pourquoi
il est dit : “éduque l’enfant
suivant sa propre voie…”- c’est-àdire
oriente-le en fonction de son
mazal et de sa nature pour qu’il
accomplisse les mitsvot – grâce
à quoi : “… lorsqu’il vieillira, il
ne s’en écartera pas”. Mais si on
lui donne une éducation contre
nature, il t’écoutera aujourd’hui
parce qu’il te craint, mais dès
l’instant où il pourra se défaire de
ton joug, il s’en éloignera, parce
qu’il est impossible de briser un
mazal ».
Le Gaon de Vilna cite un exemple
représentatif de cette réalité incontournable
: le Talmud (Traité
Chabbat 156/a) affirme que celui
qui naît sous l’influence astrologique
de Maadim-Mars est destiné
à verser du sang. Néanmoins,
précisent nos Sages, le choix lui
est donné de devenir soit mohel
– et de verser donc du sang
pour la mitsva – soit cho’het ou
boucher en restant un homme
moyen- soit encore de verser du
sang innocent – en choisissant
la voie de la déchéance. Il s’avère
par conséquent qu’avec une
même prédisposition, l’homme
peut forger son identité à son gré,
et choisir de vouer chaque parcelle
de sa personnalité à des fins
transcendantes.

« Tu vivras à la pointe
de ton épée ! »

Essav constitue un personnage
représentatif de ce phénomène.
Déjà dans le sein de sa mère, on
pouvait distinguer chez lui une
propension au mal : dès que Rivka
passait devant une maison de
culte idolâtre, il se débattait pour
s’y précipiter, manifestant de la
sorte des dispositions innées et
spontanées.
Lorsqu’on s’aperçut, au jour de sa
naissance, qu’il était entièrement
roux, on sut aussitôt que cet enfant
était prédisposé à verser le
sang (d’après Rachi 25, 25). En
dépit de quoi Essav fut jugé avec
la plus grande sévérité pour tous
ses actes, parce qu’il était inconcevable
que des propensions
innées puissent légitimer d’une
quelconque manière les plus sordides
agissements. En outre, les
commentateurs affirment que de
par sa nature, Essav était prédisposé
à faire ployer le mauvais
penchant, et à ouvrir ainsi aux
nations du monde les « portes de
la sainteté », comme ce sera le cas
dans les Temps futurs (cf. Chem
miChmouel tome I p. 276 et 296).
Avec son libre arbitre, Essav opta
pour une tout autre voie dans
laquelle il se voua à développer
ses plus funestes pulsions et à se
dresser sciemment contre la Volonté
divine.
C’est à la lumière de cette perspective
que le Pné Ména’hem
explique une autre exégèse talmudique
(Avoda Zara 2/b), dans
laquelle on apprend qu’avant de
donner la Torah au peuple juif,
D.ieu l’avait proposée à toutes
les autres nations du monde. Selon
nos Sages, chacune d’elles,
avant de s’engager, s’était intéressée
aux règles énoncées dans
la Loi divine. Lorsque la nation
d’Essav entendit le verset : « tu
ne tueras point », elle refusa la
Torah, sous prétexte qu’Its’hak
avait déjà annoncé dans sa bénédiction
: « tu vivras à la pointe
de ton épée ». Selon le Pné Ména’hem,
cette réponse reflète la
perversité de cette nation : la bénédiction
d’Its’hak annonça que
c’est en se préservant d’un usage
abusif de son épée que Essav et sa
descendance mériteront de vivre
éternellement. Mais eux choisirent
d’interpréter ces paroles
selon leur volonté, à savoir que
le meurtre était pour eux un lot
dont ils ne pourraient jamais se
séparer…


Tout éducateur doit
pouvoir se mettre au
« juste niveau » !

La conclusion à laquelle nous invite
cette étude est donc claire :
tout éducateur doit apprendre à
s’adapter au besoin de l’enfant, et
non à l’inverse, attendre de son
disciple qu’il soit à la hauteur de
ses espérances.
Dans cet ordre d’idées, le Sfat
Emet (Béréchit 5658) renchérit
par une remarque édifiante. Le
verset : « j’étais à Ses côtés une
habile artisane » (Proverbes 8, 30)
constitue, selon le Midrach cité
en exergue, une allusion au rôle
du pédagogue. Dans le contexte
des Proverbes, cela suggère donc
que la Torah se constitue « l’éducatrice
» du peuple juif. Ce qui
amena le Sfat Emet à formuler
l’idée suivante : « en quelque sorte,
la Torah se rabaisse au niveau
du peuple juif, de la même manière
que l’éducateur se place au niveau
de l’enfant à qui il s’adresse
(…) et ce, afin de pouvoir extraire
l’homme de sa matérialité et le
rapprocher de son Créateur ».

Adapté par Y. Bendennoune
à partir d’un article
du rav M. Reiss paru dans
Hamodia en hébreu


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