Le 9 Chevat dernier fut un jour de deuil pour la yéchiva de Mir, pour l’ensemble des yéchivot et pour le monde de la Torah : le rav Réphaël Shmoulewitz zal, le roch yéchiva de Mir, nous a quittés et des milliers d'élèves l'accompagnèrent à sa dernière demeure.
Issu d’une illustre famille
Rav Réphaël naquit à Mir, en Lituanie, le 2 ‘Hechvan 5698 (1938). Son père, Rav ‘Haïm Shmoulewitz (auteur de l’ouvrage Si’hot Moussar) était lui-même roch yéchiva de Mir et descendant du Sabba de Novardok, le rav Yossef Yozel Horowitz. Quant à sa mère, elle était la fille du rav Éliézer Yéhouda Finkel et petite-fille du Sabba de Slobodka. C’est dans ce foyer imprégné de Torah et de Crainte d’Hachem que rav Réphaël a grandi en suivant le chemin tracé par ses ancêtres qui étaient des sommités rabbiniques. Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il avait à peine deux ans, il traversa avec sa famille plusieurs pays, accompagné des élèves de la yéchiva. Après de nombreuses péripéties, la Providence Divine les a conduits à Shanghai (en Chine), c’est là que la yéchiva de Mir s’ installa jusqu’à la fin de la guerre. Alors que son père portait sur ses épaules la lourde charge de la yéchiva et qu’il veillait à satisfaire les besoins matériels et spirituels de ses élèves, il se préoccupa également de trouver un bon maître pour enseigner la Torah à son jeune garçon. Après la guerre, la famille Shmoulewitz s’installa aux États-Unis pour une courte période puis monta en Israël lorsque Réphaël était âgé de 9 ans.
Un génie en Torah
Dès son jeune âge, il se fit remarquer pour sa vivacité d’esprit, son intelligence remarquable et son assiduité dans l’étude… ce que l’on désigne sous le terme de « ilouy ». Ainsi, alors qu’il n’était pas encore Bar-Mitsva, il étudiait déjà à la yéchiva de Mir en ‘havrouta (bînome) avec des ba’hourim bien plus âgés que lui. Lorsqu’il approcha la vingtaine, toutes les semaines, il préparait des exposés pour les présenter à son grand-père, ce qui le stimulait à s’investir davantage dans une étude minutieuse.
Lorsqu’à cette époque, le rav Avramsky eut l’occasion de lire certains de ses écrits, il s’exclama : « le monde de la Torah a de l’avenir ! »
Avant de se marier, il avait déjà étudié en profondeur la majeure partie des traités du Talmud. Son père était, à ses yeux, son maître par excellence. Il eut cette chance, dont beaucoup auraient rêvé, d’étudier tous les jours, en ‘havrouta avec son père, pendant de longues années et ce, jusqu’aux derniers jours de sa vie.
Son grand-père fut à l’origine de son Chidou’h et il se maria avec la fille du roch yéchiva de ‘Hévron, le rav Avraham Yéhouda Farbshtein.
Un enseignant hors-pair
Deux ans après son mariage, il fut désigné au poste de Maguid Chiour à la yéchiva de ‘Hévron, il dispensait le cours quotidien aux étudiants de première année. Ses cours qui conjuguaient profondeur, précision et clarté étaient transmis avec beaucoup de douceur. Les idées étaient exposées de façon bien ordonnée à l’image d’une table soigneusement dressée. Ses chiourim étaient fort appréciés et impressionnaient les ba’hourim d’autant plus que leur rav était très jeune.
Parallèlement, il enseignait également à la yéchiva Kol Yaacov.
Suite au décès de son père, il prit la direction de la yéchivat Mir. Il y enseignait à des milliers d’élèves et continuait également à donner cours dans plusieurs autres institutions, notamment, à Ramat Chlomo, Bétar, Brakhfeld… Il s’investissait tellement pour diffuser la Torah qu’aucun effort ou déplacement n’était économisé. Il y eut une période où il dispensait 14 cours par semaine portant sur des sujets variés. De jour comme de nuit, il était totalement plongé dans l’étude…plongé dans cette étude de la Torah qui donnait sens à son existence. Il ne serait pas possible de décrire l’amour qu’il vouait à la Torah. Chaque minute lui était précieuse et il était particulièrement vigilant à ne pas perdre un seul instant. À titre d’exemple, lorsqu’il dut voyager aux États-Unis pour assister au mariage de l’un de ses élèves, il fit de son mieux pour s’absenter le moins de temps possible. Il fit l’aller-retour quasiment le même jour en ne restant que quelques heures à l’étranger. Avant son voyage, il se soucia de photocopier les pages des différents livres dont il aurait besoin pour préparer ses cours.
Doté de middot en or :sensibilité et humilité
Mis à part le fait que rav Réphaël était un génie en Torah, il possédait des qualités humaines exceptionnelles. Son attitude exemplaire remplaçait n’importe quel cours d’éthique ou de morale. L’on ne pourrait pas envisager de décrire sa grandeur d’âme, mais l’on pourrait tenter de relever quelques unes de ses qualités qui firent de lui un grand homme.
De nombreux élèves se sentaient très proches de lui et allaient le consulter régulièrement pour lui demander conseil afin qu’il les guide pour leurs chidou’him, mais aussi pour n’importe quel autre tracas. Le sourire aux lèvres, il était toujours prêt à leur tendre une oreille attentive, à les encourager et à les éclairer. Lorsque l’un de ses élèves rompit ses fiançailles et qu’il n’osait pas en faire part au rav Réphaël, ce dernier vint le voir pour lui adresser des paroles réconfortantes : « tu sais, ce n’est pas grave… tel grand rav a également rompu ses fiançailles et cela ne l’a pas empêché à devenir un être d’exception ! » Lorsqu’on lui faisait part des difficultés ou des épreuves que d’autres Juifs enduraient, il en était si peiné qu’il se mettait à pleurer même s’il ne connaissait pas les personnes concernées.
Il était sensible aux besoins des ses élèves, mais aussi de son entourage en commençant par son épouse qu’il respectait beaucoup. L’un de ses fils a raconté qu’une fois, alors qu’il voyageait en autobus et qu’il traversait des champs fleuris, il aperçut, par la fenêtre, des jolies fleurs que la rabbanite appréciait particulièrement. Sans hésiter, il descendit du bus pour aller lui en cueillir et dut attendre le prochain bus !
Il fuyait les honneurs et refusait de s’asseoir du côté du Mizra’h comme cela sied aux rabbanim. De plus, lorsqu’on chantait « yamim al yémé mélekh » pour l’accueillir à son arrivée, selon la coutume des yéchivot, il n’acceptait d’entrer que lorsqu’on arrêtait de chanter. Il se comportait comme un homme simple et lorsqu’il devait se rendre dans une autre ville, il tenait à emprunter les transports en commun et refusait qu’on lui organise un transport privé. De manière générale, il avait pour principe de veiller à déranger le moins possible et d’éviter au maximum de demander des services. Tant qu’il pouvait être autonome et indépendant, il refusait de se faire aider.
Au cours des dernières années de sa vie, il était gravement malade mais, en dépit de ses douleurs et de sa faiblesse, il s’armait de force et de courage pour continuer à prier et à enseigner à la yéchiva en ne modifiant pas ses habitudes et en faisant preuve d’une Messirout Néfech (un sacrifice de soi) extraordinaire.
Rav Réphaël Shmoulewitz eut le mérite de laisser derrière lui une merveilleuse famille composée de Talmidé ‘ha’hamim, de petits-enfants et d’arrières petits-enfants qui continuent à suivre sa voie et à propager la lumière de la Torah dans le monde.
Que son âme repose en paix!
Yokhéved Levy pour Hamodia