Par Rav Hayim Yaacov  Schlammé
Dans son « Séfer Chiouré Daat », le rav Yossef Yéhouda Leib Bloch zatsal, l’ancien roch yéchiva de Telz, rapporte un passage du Midrach Raba (93/b) qui raconte que les frères de Yossef et de Yéhouda étaient fort impressionnés par le fait d’assister à un duel verbal entre deux rois…
Il est étonnant que Yéhouda soit appelé roi dans ce midrach alors que ses frères l’avaient destitué lorsqu’ils virent la souffrance de leur père et qu’ils regrettèrent de l’avoir écouté. Quant à Yossef, il n’était pas roi non plus, mais simplement « vice-roi d’Égypte ».

Ceci nous amène à réfléchir de manière plus approfondie à ce qu’on appelle « roi » et « royauté ». Ainsi, avons-nous l’habitude de considérer comme roi celui qui se trouve à la tête d’un pays et qui gouverne sa population. Pour imposer son autorité royale, ce souverain a besoin d’être aidé par les fonctionnaires, l’armée et la police qui sont chargés de faire régner l’ordre dans le pays et d’assurer sa protection. C’est de là que le roi puise sa puissance et assure son autorité. En réalité, un tel roi qui ne détient son autorité que grâce aux fonctionnaires placés à son service mérite de voir s’appliquer à son égard le fameux adage « Pas de roi sans peuple »… car c’est bien le peuple qui assure en définitive son autorité et sa sécurité. Et pour peu que le peuple, au lieu de lui obéir, se rebelle, voilà qu’il perd toute sa qualité de roi. En fait, il est bel et bien entre les mains de ses sujets, esclave de son propre pays plutôt que son roi véritable !

Une génération au « visage de chien »…

La Michna – à la fin du Traité Sota (49/2) – dit qu’à l’approche de la venue du Machia’h, « pené hador kipné hakékèv », le visage de la génération ressemblera à celui d’un chien… Rav Israël Salanter (1810-1883) commente cette comparaison audacieuse à l’aide d’un exemple pertinent : lorsqu’une personne marche précédée d’un chien, il semblerait que c’est le chien qui indique la route à prendre. Cependant, en arrivant au prochain carrefour, le chien s’arrête et se retourne pour voir quelle direction sera prise par son maître. Il sera donc clair pour tous que c’est le chien qui adopte le chemin indiqué par celui qui le suit.

Or, à l’approche du Machia’h, le visage de la génération – les rois et autres présidents censés diriger cette génération – , se retourneront pour voir quelle direction leurs simples sujets souhaitent prendre, ces sujets dont ils ont justement tant besoin pour être élus…

La position des personnes au pouvoir ressemblera donc à celle du chien : eux aussi, regardent en arrière pour savoir quelle direction prendre afin de plaire à leur électorat et le séduire pour qu’il lui acccorde ses suffrages ! Il s’avère que ce phénomène est bien le mécanisme à la base de toute démocf cratie dans le monde – cette même démocratie qu’on veut généralement considérer comme « signe de progrès » !

Aussi longtemps que l’on vit une existence au seul plan matériel, il est difficile de s’affranchir des idées ancrées dans le peuple. Pourtant, celui qui dépasse les clichés véhiculés par les médias et ne se laisse pas influencer par les « idées à la mode », pourra s’élever au point de devenir une sorte de véritable roi : plus il s’affranchira des publicités commerciales et politiques en tous genres, et plus sa royauté s’élèvera véritablement… Mais pour cela, il est nécessaire qu’il domine d’abord son environnement le plus proche, c’est-à-dire sa propre personne. Lorsque la finesse de son intelligence lui permf mettra de maîtriser les myriades de forces et de sentiments souvent contradictoires qui se trouvent en lui, lorsqu’il ne se laissera pas gouverner pas ses envies et ses désirs immédiats, alors il sera déjà un roi respecté par ses sujets. C’est dans ce sens que les Sages disent (dans le Traité talmudique Guittin, page 62/a) que « les ‘Ha’hamim sont les véritables rois ».

L’extraordinaire noblesse de Yossef et Yéhouda !

Or, Yéhouda et Yossef se sont chacun beaucoup élevés et affinés si bien qu’ils sont parvenus à un niveau parfait de maîtrise de soi. Même Pharaon a vu dans l’attitude de Yossef des signes d’une noblesse extraordinaire qui lui ont fait rejeter catégoriquement l’opposition de ses propres ministres à la nomination de Yossef comme vice-roi. Et pourtant Yossef avait eu la modestie et la franchise de se définir lui-même comme « naar, éved ivri » alléguant par l’emploi de ces termes son état de novice, esclave et Hébreu. Or, Pharaon a perçu cette aura de noblesse en Yossef en tant que signe d’une royauté en potentiel comme il n’en existait pas de pareille ni chez lui ni chez ses plus hauts dignitaires…

Le conflit entre Yéhouda et Yossef ne se situait donc pas du tout dans le domaine des ambitions matérielles ni dans la recherche de leur gloire personnelle : ils luttaient chacun pour leur vérité. Et finalement, ils sont sortis gagnants l’un et l’autre… royalement ! Rav Bloch conclut donc son propos en demandant ainsi à ses élèves : « Maîtrisez vos instincts, ceux qui vous empêchent de devenir des grands de la Torah ! Élevez-vous avec force au-dessus du niveau des gens quelconques et gravissez les échelons de la Torah ! ».

Sachons pour notre part profiter de cette belle leçon !

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