En proie à de graves difficultés financières et menacé de fermeture, l’hôpital mythique du centre de Jérusalem lutte pour survivre face aux appétits des spéculateurs immobiliers. Une solution pourrait être trouvée de concert avec l'hôpital Chaaré Tsédek.
Fondé en 1826, sous la puissance ottomane, l’hôpital Bikour ‘Holim a une histoire indissociable de celle de l’Etat hébreu. Grandissant au même rythme que les différentes vagues d’immigrants, c’est à Bikour ‘Holim que furent soignés les survivants du massacre de ‘Hébron en 1929, tout comme ceux des émeutes arabes de 1936. Entre 1945 et 1948, c’est à Bikour ‘Holim que les combattants juifs blessés par les occupants britanniques étaient transportés. Plus récemment, c’est encore vers Bikour ‘Holim que l’on conduisait les victimes des vagues d’attentats qui frappèrent Jérusalem, en particulier durant l'Intifada du début des années 2000. Sa position en centre-ville permettait une prise en charge très rapide des blessés, sauvant ainsi de nombreuses vies. Actuellement, en dépit d’une capacité d’accueil limitée (200 lits), Bikour ‘Holim soigne 60 000 patients par an. A la pointe du progrès en médecine cardiaque et en obstétrique, il est l’hôpital préféré de la très importante population religieuse de la ville.
Aucun hôpital n’est rentable
Depuis sa création, mécènes et institutions charitables se sont succédés pour assurer le fonctionnement de Bikour ‘Holim : après Sir Moché Montefiore, ce sont des philanthropes anglo-saxons qui ont pris le relais. Il n’empêche que, comme la plupart des structures hospitalières dans le monde, au fil des ans Bikour ‘Holim est constamment déficitaire. Lorsqu’ils découvrent des erreurs de gestion, les donateurs se font moins généreux, accroissant d’autant les difficultés financières de l’institution. A cela, s’ajoute l’obligation faite à l’hôpital de retourner à l’Etat un tiers de ses recettes pour contribuer au système de santé publique. Pressé de rembourser ses dettes, l'hôpital a plus d'une fois vu le spectre de la banqueroute se rapprocher. Une hypothèse que son dernier directeur, le Dr Raphael Pollack, refuse absolument : « Dans un pays civilisé, aucun gouvernement n’accepterait de fermer un hôpital affichant un déficit d’exploitation de 5 millions de dollars. » Et d’ajouter, pour conjurer la fermeture de l’institution : « Au centre de toutes les villes du monde, on trouve un hôpital. Pourquoi Jérusalem ferait-elle exception ? »
L’échec Gaydamak
En 2007, on semble tenir la solution : le magnat russe – et nouvel immigrant – Arkady Gaydamak achète l’hôpital pour 35 millions de dollars, et s’engage à couvrir pendant 5 ans le déficit d’exploitation. Pour sauver l’institution, il a même un plan : construire à son emplacement, au carrefour des rues Strauss et HaNéviim, deux tours de 17 étages où seront réinstallés l’hôpital Bikour ‘Holim et une nouvelle école d’infirmières, auxquels s’adjoindront plusieurs cliniques privées et d’autres structures médicales. Pour réaliser ce projet, Gaydamak demande à la municipalité de lui octroyer davantage que les 6 000 mètres carrés prévus. Devant le refus de la ville, Gaydamak cherche alors à se désengager. Mais il est lié par un contrat de 5 ans qui l’oblige à attendre jusqu'en 2012. Depuis Gaydamak est parti sous d'autres cieux et l'hôpital continue à connaître de sérieuses difficultés financières.
Ne pas laisser la main aux promoteurs
Au cours des dernières années, d’importants investisseurs ont proposé de racheter Bikour ‘Holim pour 25 millions de dollars. Deux des principales caisses de santé israéliennes se sont montrées également intéressées. La municipalité de Jérusalem, elle, est partagée : faut-il laisser la main aux promoteurs et autoriser une opération immobilière juteuse pour les finances de la ville, ou au contraire sauver l’institution envers et contre tout ? Le vice-ministre de la Santé, rav Yaacov Litzman a fait valoir que l’Etat ne peut se porter au secours de Bikour ‘Holim au motif que c’est une institution privée. Mais il propose l’option d'un partenariat avec d’autres hôpitaux. Et c’est vers cette solution que l’on s’oriente actuellement.
Nouveau pôle médical
Les ministres de la Santé et des Finances viennent en effet de proposer à l’hôpital Chaaré Tsédek de reprendre en main Bikour ‘Holim. La fusion des deux entités signifierait la naissance d’un nouveau pôle médical d’un millier de lits, capable de traiter annuellement 130 000 urgences. De plus, les spécialités des deux institutions – obstétrique et chirurgie – sont complémentaires, ce qui éviterait un plan social. Des négociations sont en cours pour obtenir des subsides gouvernementaux. En attendant, en dépit des incertitudes, le personnel soignant continue à travailler, acceptant parfois des réductions de salaire de 30 %. Si la solution Chaaré Tsédek l’emportait, ce serait une victoire sur la froide et cynique logique financière qui semble partout prévaloir.
Par David Jortner,en partenariat avec Hamodia.fr