Après plus de deux décennies de tractations, l’inestimable collection Schneersohn, a été transférée, il y a quelques jours, au musée juif et centre de la tolérance de Moscou (le plus grand musée juif du monde), en présence de président russe Vladimir Poutine, du grand rabbin de Russie, Berel Lazar et des émissaires du monde ‘habad. L’occasion de revenir sur l’histoire de ce véritable trésor du Mouvement Loubavitch.
C’est dans le plus grand secret, et dans le cadre d’un impressionnant dispositif de sécurité qu’a été organisée, le 13 juin dernier, la cérémonie de transfert de la collection Schneersohn au musée juif de Moscou. Et pour cause : l’invité d’honneur de ce rassemblement émouvant n’était autre que le président de Russie, Vladimir Poutine en personne ! S’adressant aux responsables de la communauté, Poutine s’est dit satisfait de voir la querelle diplomatique avec les États-Unis, autour de cette collection, prendre fin. Il en a profité pour réaffirmer l’appartenance des ouvrages au patrimoine culturel de la Russie ! Parmi les émissaires ‘habad, on notait la présence notamment du rav Its’hak HaCohen Cogan, connu sous le nom de « tsaddik de Leningrad », qui fut mandaté par le Rabbi, auprès des autorités russes pour tenter de récupérer la bibliothèque. La collection Schneersohn qui compte 20 000 livres et 50 000 documents dont 380 manuscrits rares a été réunie au début du 20e siècle par rabbi Yossef Yits’hak Schneersohn, (le Rayats), sixième chef spirituel du mouvement ‘Habad Loubavitch. Certains manuscrits sont annotés de la main même des dirigeants ‘habad.
Histoire d’une pérégrination
Durant la Première Guerre mondiale, une partie de la bibliothèque est nationalisée par le pouvoir bolchévique et entreposée dans la Bibliothèque d’État russe. Elle le restera jusqu’à aujourd’hui. En 1927, après avoir été libéré des geôles soviétiques (voir encadré), rabbi Yossef Yits’hak Schneersohn reçoit l’autorisation de quitter la Russie et demande à emporter avec lui le reste de la précieuse bibliothèque. Mais pour cela, il doit se munir d’une autorisation du bureau soviétique des publications. Celui qui doit signer le document est un bibliographe éminent qui se rend compte de l’immense valeur des ouvrages et refuse de signer, arguant que les livres font partie du patrimoine national. Mais au final, le rabbi Rayats réussit à emporter sa précieuse cargaison de livres en Pologne. Malheureusement, il est contraint de l’abandonner, après l’invasion du pays par les troupes nazies. La collection est transportée en Allemagne pour finalement être saisie par l’Armée rouge et remise aux archives militaires de l’État russe. Rabbi Yossef Yits’hak Schneersohn, qui réussit à rejoindre les États-Unis, quitte ce monde en 1950, sans laisser de directives concernant sa bibliothèque. Il faut attendre les années 1980 pour voir le mouvement ‘Habad entamer des procédures de demandes de restitution des livres. En vain ! Selon certains rapports, Boris Eltsine, alors président russe avait promis à James Baker, secrétaire d’État à la Maison Blanche sous l’Administration de George Bush, que les documents seraient restitués à leurs propriétaires. Mais le gouvernement russe, pour qui ces écrits ne présentent a priori aucun intérêt, s’est étrangement toujours refusé à remettre la collection, prétextant que les dirigeants ‘Habad étaient russes et que la bibliothèque constituait une part inaliénable de l’héritage culturel russe ! Le 6 août 2010, un juge fédéral de Washington tranchait en faveur du mouvement Loubavitch et affirmait qu’il avait prouvé la légitimé de ses revendications sur les livres conservés à la Bibliothèque d’État russe. Le 17 janvier dernier, au risque de provoquer un incident diplomatique, un tribunal américain condamnait le gouvernement russe à payer 50 000 dollars par jour d’amende jusqu’à la restitution complète de la collection Schneersohn. Le ministère des Affaires étrangères russe a aussitôt publié un communiqué qui affirmait que « le gouvernement russe était indigné par cette démarche sans précédent du tribunal américain. Il espérait que les autorités américaines sont conscientes du fait que si des propriétés russes non protégées par l’immunité diplomatique sont saisies aux États-Unis, comme le demande ‘Habad, il sera contraint d’y opposer une riposte ferme ». Il y a quelques mois, le président Poutine a émis l’idée de transférer les ouvrages au musée juif de Moscou, mettant un terme débat.
Par Sandra Hanna Elgrabli, en partenariat avec Hamodia.fr