La Torah enseigne que le coeur de Pharaon
« s’endurcit » malgré les plaies miraculeuses
dont l’Egypte fut victime… Or le Maharal de
Prague nous explique que cet entêtement fut la
conséquence directe de la nature même du roi
d’Egypte !

Un mètre cube…

On trouve écrit dans le Traité talmudique Moëd Katan (page 18/a) :
« Rav Avitol a enseigné au nom
de Rav : le Pharaon qui régnait à
l’époque de Moché mesurait une
Ama [longueur qui correspond à
celle qui sépare le bout du majeur
du coude [voir Traité Ketouvot,
page 5/b, Rachi-Ndlr.]. Sa barbe
aussi était d’une Ama, ainsi que ses
organes génitaux, d’une Ama et un
Zérèt [le Zérèt équivaut à la moitié
d’une Ama, il correspond à la longueur qui sépare le petit doigt du
pouce quand la main est ouverte,
idem-Ndrl] ; afin d’accomplir le
verset : ‘[D.ieu] élève le plus bas
des mortels’, (Daniel 4, 14) ».

C’est dans son ouvrage « Béer haGola » (page 99) que le Maharal
de Prague commente cette Guémara dans ces termes : « Certains
s’étonnent de ce passage, dit-il.
Mais il ne fera aucun doute qu’il
apparaîtra dans toute sa clarté à
celui qui est versé dans la science
authentique ; car tout ce qui fut dit
ici, ne le fut qu’en contrepartie de
la forme personnelle et essentielle
(Tsoura haAtsmite chélo haPratite)
incarnée par Pharaon. Tout homme
en effet est caractérisé selon deux
niveaux d’existence : le premier repose sur sa détermination naturelle,
conformément à l’espèce à laquelle
il appartient. A cet égard, tout être
humain possède des mains et des
pieds en vertu précisément de son
appartenance à l’espèce humaine.
A un second niveau toutefois – et
en tant qu’il est un individu particulier au sein même de son espèce-, chaque homme possède des
caractéristiques qui lui sont propres. Au point où sous ce rapport,
aucun homme ne ressemble à un
autre. C’est donc à la lueur de cette
distinction fondamentale que nous
devons comprendre pour quelle
raison le texte dit explicitement :
‘Le Pharaon qui régnait à l’époque
de Moché’. Car c’est précisément
en contrepoint de cette dimension
individuelle et personnelle qui fut
propre à ce personnage que le texte
peut dire de Pharaon qu’il possédait de telles caractéristiques (…).
Ainsi, même si du seul point de vue
de l’espèce, il semble difficile d’affirmer qu’un homme puisse posséder des mensurations si petites,
les Sages se sont intéressés ici à la
forme individuelle et personnelle
de Pharaon. Puisque, quand bien
même il serait impossible de trouver [au coeur de l’espèce humaine]
de telles dimensions, c’est relativement à cette réduction extrême des mesures à laquelle oblige la réalité
de Pharaon que les Sages nous
ont offert cette description, nous
révélant ainsi la petitesse absolue
de Pharaon. (…) Ainsi, le fait qu’il
soit dit de lui et de sa barbe qu’ils
ne mesuraient chacun qu’une seule
Ama, constitue l’expression exacte
de l’insuffisance caractéristique de
Pharaon. En effet, s’il avait été dit
de lui qu’il ne mesurait qu’une seule
Ama seulement et qu’il avait une
barbe sans préciser les dimensions
de celle-ci, nous n’aurions pas été
saisis par le grotesque de ses dimensions.
Au contraire, nous en serions
même arrivés à penser qu’il s’agit là
d’une taille exprimant plutôt la robustesse.
En revanche quand il est
dit que sa barbe avait les mêmes proportions
que son corps – et pire que
ses organes génitaux mesuraient une
Ama et un Zérèt -, le ridicule de son
être nous saute aux yeux ! A telle
enseigne qu’en nous apprenant que
ces derniers dépassaient de quelques
centimètres les autres proportions
de son corps, les Sages nous font
comprendre que l’indécence (Gnai)
profonde de cet homme constituait
le trait caractéristique de son essence
individuelle. Ainsi, si cette
dimension personnelle de Pharaon
contredisait l’ordre du monde [c’est-à-
dire ici les proportions physiques
qui caractérisent l’espèce humaine
du point de vue de la nature-Ndlr],
c’était justement dans la mesure où
celle-ci était déterminée par l’indécence
profonde qui la caractérisait.

La loi des extrêmes

Et le Maharal de poursuivre : « A
travers cette description, les Sages
nous enseignent que notre peuple
n’accéda à cette haute dimension qui
fut désormais la sienne lors de la sortie
d’Egypte dans la mesure où précisément
il s’extirpa de la plus basse
des réalités. Telle est en effet l’attitude
(Midda) du Saint Béni soit-Il :
Il élève l’homme proportionnellement
au point le plus bas [sur lequel celui-
ci est capable de se tenir]. Ainsi
en fut-il des membres du peuple d’Israël
: esclaves en Egypte de la plus
basse des servitudes, c’est parce que
Pharaon incarnait la plus vile des
réalités qui soient qu’il dominait leur
corps et leurs biens. C’est en ce sens
que nous devons comprendre la référence
au verset du prophète Daniel :
‘[D.ieu] élève le plus bas des mortels’.
Le principe qui gouverne la délivrance
(Guéoula) consiste à élever Israël
au plus haut !

Pour cette même raison, si Pharaon
n’avait pas constitué une entrave aux
lois propres de l’espèce humaine, il ne
se serait pas opposé à la réalité divine,
ni n’aurait résisté à Son injonction
dévoilée à travers les signes et les miracles
que D.ieu prodigua [pour sortir
d’Egypte les Enfants d’Israël]. Car
précisément, s’il n’avait pas incarné
cette exception, l’ordre du monde
l’aurait obligé à obéir au commandement
divin. En effet, bien qu’il soit
donné au mécréant de s’opposer à la
Parole divine, après avoir assisté au
dévoilement de D.ieu, aucun homme
ne saurait rester indifférent ! Mais tel
n’était pas le cas de Pharaon. C’est
parce que son essence l’empêcha de
s’unir au monde que Pharaon existait
littéralement en deçà de la création.
Niant la réalité propre au régime de
la créature, il incarnait le plus bas
degré de l’être. Pour cette raison, il
était déterminé dans son être même à
résister et à s’opposer au dévoilement
de la Parole divine, conformément au
principe qui ordonne que plus l’homme
est bas, plus il désire prouver au
monde sa force et sa puissance. Pharaon
se révolta donc nécessairement
contre D.ieu Lui-même et refusa de
libérer le peuple juif. Car s’il avait effectivement
trouvé sa place au sein de
l’ordre du monde, jamais il n’aurait
agi de la sorte ; et ce, pour la simple
et bonne raison que l’homme – qui vit
positivement son inscription au coeur
de la nature et de ses lois – ne se révolte
pas contre son Créateur. Mais
parce qu’il considérait sa propre personne
totalement indépendante de ce
monde, Pharaon se situait hors de
l’ordre de la Création et, ne prêtant
aucune attention aux injonctions de
l’Eternel, il se révolta contre D.ieu ».

TRADUCTION DE YEHUDA RÜCK

Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française

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