Michna
10
(י)
שְׁמַעְיָה
וְאַבְטַלְיוֹן
קִבְּלוּ
מֵהֶם.
שְׁמַעְיָה
אוֹמֵר,
אֱהוֹב
אֶת
הַמְּלָאכָה,
וּשְׂנָא
אֶת
הָרַבָּנוּת,
וְאַל
תִּתְוַדַּע
לָרָשׁוּת:
Cette semaine, nous allons découvrir
l?un des fondements de la foi, qui va nous permettre de nous réaliser
pleinement au sein de notre activité professionnelle?
« Aime
le travail » : les mots de Chemaya, si on les lit avec attention,
révèlent une véritable philosophie de vie.
Nos
maîtres nous font découvrir d?ailleurs dans la Bible et les textes du
Talmud, un certain de nombres de raisons qui justifient cette perspective, et
lui donnent son sens véritable.
Le
premier motif évoqué pour expliquer la maxime de Chemaya (par Rabbénou Yona
et Rabbénou Ovadia) est d?ordre psychique.
« L?inactivité
mène au déséquilibre mental » (Talmud Ketouboth 59b)
La
maxime de Chemaya s?adresse donc à tous, à ceux qui ont besoin d?assurer
leur existence par une activité professionnelle, et aux autres, ceux dont la
situation financière prospère dispense de travailler.
A
ces derniers, Chemaya conseille de conserver une activité car le travail est un
élément équilibrant.
D?après
Rabbénou Yona, l?inactivité prolongée comporte un double danger :
outre le déséquilibre psychique qu?elle risque de causer, l?oisiveté génère
une paresse qui devient, avec le temps, une véritable nature.
Même
si au départ une personne n?est pas paresseuse, elle le deviendra par
habitude, et par la suite, elle sera incapable de changer d?attitude, même si
elle le souhaite.
Les
devoirs du c?ur
Le
deuxième motif (Rabbénou Yits?hak) est d?ordre médical. L?activité
physique exigée par le travail active la circulation sanguine, ainsi que le bon
fonctionnement du système digestif, ce qui permet un sommeil serein et réparateur.
Le
troisième motif touche à la réputation d?une personne. Celui qui n?exerce
pas une activité pourra être soupçonné de pratiques malhonnêtes pour
assurer sa subsistance.
Pour
cette même raison, nos maîtres ont d?ailleurs déconseillé (Talmud
Kiddouchine 82a) d?apprendre à son fils un métier qui comporte une
ambiguïté sur le plan de la morale, même lorsqu?elle n?est
qu?apparente.
Le
dernier motif (Rachi, Rabbénou Yits?hak) évoque l?élément protecteur
d?une activité professionnelle pour la dimension morale de l?homme.
« Le
travail est nécessaire pour l?homme car pendant que son esprit est occupé
par son activité professionnelle, il ne risque pas de transgresser les lois de
la Thora ou d?agir de façon indécente.
C?est
la raison pour laquelle nos maîtres ont tellement insisté sur l?obligation
d?enseigner la Thora à son fils, et ensuite seulement de lui apprendre un métier. »
(Rabbénou Yits?hak)
L?auteur
des « Devoirs du c?ur » (Hovoth Halevavoth, Chaar habita?hon, chapitre
3), développe cette idée de façon très percutante.
« L?un
des principes fondamentaux de la foi est que l?initiative de l?homme (hichtadlout)
n?est pas la vraie cause du succès ou de l?échec de ses entreprises, et
cela dans tous les domaines de la vie.
Seule
la volonté divine permet aux hommes de mener à bien ce qu?ils entreprennent.
Depuis
la faute d?Adam, cette hichtadlout est nécessaire mais elle n?est
pas pour autant la raison véritable de la tournure que prennent les événements.
En
toute liberté
Avant
la faute, l?homme jouissait de tous les bienfaits matériels, sans avoir à
agir.
Après
avoir été chassé du Gan Eden, l?homme a dû, et doit encore, fournir des efforts pour assurer sa subsistance, même si
elle lui est, de toute façon, accordée de la main de D.ieu.
Mais
pourquoi a-t-il fallu créer la situation qui est la nôtre aujourd?hui,
situation trompeuse puisque l?homme peut imaginer être, par ses qualités, le
facteur décisif de sa réussite ?
Car
concrètement, c?est D.ieu, et Lui seul, qui est à l?origine de tout, Lui
qui ne connaît aucune limite.
Si
notre monde fonctionne ainsi, c?est pour deux raisons : la première est que
D.ieu a voulu que l?homme puisse choisir en toute liberté d?accomplir ou
non Sa volonté.
C?est
ainsi qu?il méritera véritablement la rémunération divine.
Pour
préserver ce libre-arbitre, l?homme évolue dans un système où il doit ?uvrer
pour sa subsistance.
De
cette façon, il est confronté à chaque instant à des situations dans
lesquelles il devra choisir entre les directives de la Thora et sa propre volonté.
Ainsi,
il aura l?occasion, en permanence, de concrétiser son attachement à D.ieu.
La
deuxième raison est la suivante : si l?homme n?était pas obligé de
peiner pour trouver sa subsistance, il oublierai les bienfaits de D.ieu et
serait tenté de ne chercher que la jouissance, encore et toujours, allant à sa
perte.
C?est
donc par amour pour l?homme que D.ieu l?a placé dans un monde où toutes
les conditions sont réunies pour l?aider à se
rapprocher de Lui, en toute liberté, et le mettront à l?abri de
nombreuses tentations.
Rabbénou
Bahya ajoute que le juste (tsadik) n?a pas
besoin de ces contingences, car il vit une réalité spirituelle intense,
par laquelle il a l?occasion, en permanence, de montrer son attachement à
D.ieu et à Sa volonté.
Il
n?a pas besoin d?être occupé par le travail pour éviter la faute et les
tentations : c?est pourquoi sa subsistance est assurée directement par
la main de D.ieu.
C?est
ce que le verset des Proverbes (10 ; 3) exprime en disant :
« L?Eternel
ne laisse pas l?âme du juste souffrir de la faim »
Nous
comprenons à présent que seul celui qui a comprit pourquoi D.ieu a voulu que
nous travaillons pourra s?épanouir : seul celui qui a intégré les
paroles de Chemaya connaîtra les véritables raisons de son effort, ne
confondant pas les objectifs et les moyens, sachant trouver dans son travail un
rapprochement avec le Créateur.
A
la lumière de ces enseignements, « aime le travail », les mots de
Chemaya, prennent un nouveau sens.
On
ne nous conseille pas de travailler pour des raisons uniquement pragmatiques.
Avoir une activité professionnelle comporte des bienfaits dans divers domaines,
et permet d?éviter de nombreux écueils.
Travailler
à contre-c?ur, parce que l?on considère que c?est un impératif dû à
notre situation financière, empêche l?homme de profiter réellement de ses
bienfaits.
Dans
notre monde moderne, où la course aux honneurs et à l?argent est de mise,
c?est un défi que de parvenir à garder à l?esprit les paroles de nos
sages, et c?est une garantie pour garder un équilibre psychologique.
A
nous de renforcer notre foi et notre confiance en D.ieu, en réalisant que ce
n?est pas notre activité professionnelle qui est garante de notre prospérité,
mais que seule la volonté divine a ce pouvoir.