Au delà des résultats, les efforts que l’on investit pour étudier la Thora et respecter la volonté divine, sont garants d’une vie pleine et heureuse?

«Rabbi José disait: ?Que l’argent de ton prochain soit aussi précieux pour toi que le tien prépare-toi à apprendre la Thora, car elle ne t’es pas donnée en héritage et toutes tes actions doivent être accomplies dans une intention pure, pour la glorification du Nom divin’».

(Chapitre 2, Michna 12)

Nous avons vu dans notre Dvar Thora précédent qu’il ne faut pas compter sur une transmission ?naturelle’ de la Thora de père en fils, tel un héritage, car cette Thora doit s’acquérir par un investissement personnel. Le Rachbats, par son interprétation, nous amenait à cette conclusion.

Nous allons à présent citer les différents commentateurs sur cette maxime, qui vont révéler d’autres aspects inclus dans les mots de Rabbi José.

Le Rachbats interprètait le mot ?prépare-toi’ comme encourageant l’homme à s’investir personnellement dans l’étude de la Thora.

Rabbénou Bahya et le Sforno vont dans son sens, et précisent:

«Investis dans l’étude bien plus que ce que tes dispositions naturelles semblent te permettre car tu ne vivras jamais dans ce domaine ce que vit un héritier, qui dispose d’une fortune pour laquelle il n’a pas investi d’effort.

Pour acquérir la Thora, il ne sera pas suffisant d’investir un petit effort.

Au contraire, c’est seulement par un travail acharné que tu pourras t’élever au niveau supérieur qu’est la ? hassidout .

C’est ce que la Michna (2-5) nous enseigne:

 » Un ignorant ne peut devenir ? hassid   » (Sforno ibid.)

Une anecdote, citée dans la nouvelle biographie du Rav Shah illustre parfaitement l’affirmation de Rabbi José.

Alors que Rav Shah dirigeait la Yéchiva de Loninetz (Pologne), un élève vint faire les louanges d’un homme reconnu pour sa grandeur et sa piété. Il ajouta:

«- C’est également un génie ( gaon ) en Thora»

Le Rav Shah lui dit:

«-Il vaut mieux dire de lui qu’il investit toutes ses forces dans l’étude de la Thora, car il faut que tu le saches: le dicton populaire affirme qu’il y a deux façons de s’enrichir. On peut travailler très dur, ou bien trouver dans la rue une fortune en pièce d’or, perdue par un propriétaire terrien ( paritz , en yiddish).

La connaissance de la Thora n’est pas un objet qui peut être égaré par un paritz . Aucun paritz n’a, jusqu’à ce jour, égaré de la Thora, et le seul et unique moyen de l’acquérir et d’investir toutes ses forces dans l’étude.» («Maran Harav Shah», vol 1, p.321)

La Thora réside dans les c?urs purs

On peut également comprendre le mot hathène dans le sens de préparation préliminaire. C’est d’ailleurs ainsi que l’interprète Maïmonide, suivi par Rabbénou Yona:

«Il s’agit de la préparation nécessaire dans le domaine du caractère ( midot ). En cela, il (Rabbénou Yona) rejoint son interprétation sur la Michna: «Là où il n’y a pas de morale sociale, il n’y a pas de Thora( Im ein dere’h erets, ein Thora ) ». (Avoth 3-17)

Cela signifie qu’il faut au préalable perfectionner son caractère. Alors seulement, la Thora pourra se fixer en l’homme: elle ne résidera jamais au sein d’un homme qui a de mauvaises midot .»

Cette préparation préalable signifie aussi être prêt à renoncer aux plaisirs matériels pour pouvoir augmenter l’étude de la Thora.

C’est le sens de la Michna (Avoth 6-4):

«Voici ce qu’exige l’étude de la loi divine: quand bien même tu serais réduit à ne manger que du pain avec du sel, à mesurer jusqu’à l’eau que tu bois, à coucher sur le sol, et à t’imposer différentes privations, occupe-toi néanmoins avec zèle de l’étude sacrée car celui qui multiplie les plaisirs ne pourra pas acquérir la sagesse (? ho’hma )»

(Rabbénou Yona ibid.)

Rabbi Haïm de Volozhine ajoute: «Se préparer à étudier la Thora signifie être attentif au fait que la splendeur de la Thora ne peut s’installer dans un récipient souillé par les fautes.

Celui qui aspire à devenir un savant ( talmid ?haham ) soit au préalable renforcer sa crainte du pêché. Chaque jour, avant de commencer à étudier, il doit prendre conscience de ses fautes et de ses erreurs ( vidouy ), et quecette prise de conscience soit sincère et s’inscrive dans son c?ur. Elle ne doit pas s’exprimer par des mots qui ne seraient pas totalement ressentis.»

Dans une deuxième interprétation, Rabbi ?Haïm met l’accent sur le terme atsmeha (toi-même, dans la phrase prépare toi, toi-même, pour l’étude de la Thora).

«Ne te contente pas de soutenir financièrement ceux qui étudient la Thora, car même si tu acquiers ainsi une part dans leur étude, c’est seulement en étudiant toi-même, que dans la tombe, tes lèvres continueront à prononcer des paroles de Thora

La part acquise grâce au soutien financier de ceux qui étudient n’est pas considérée comme un héritage.Ce qui signifie que cette Thora ne se perpétuera pas de la même façon que celle que l’on étudie personnellement. » (Rouah ?Haïm ibid.)

{mospagebreak }

Abordons à présent le dernier volet de la maxime de Rabbi José.

«Toutes tes actions doivent être accomplies dans une intention pure, pour la glorification du Nom divin»

Rabbénou Yona explique: «Il s’agit même des actions comme se nourrir, avoir une vie sociale, des activités de la vie quotidienne, dormir, avoir des rapports conjugaux, discuter entre amis, répondre à tous les besoins du corps: toutes ces actions doivent être accomplies dans le but direct ou indirect de servir son Créateur.

Comment cela s’exprime-t-il dans la pratique?

Nutrition

En ce qui concerne la nutrition, il va sans dire qu’il faut s’abstenir de consommer des aliments ou des boissons interdites.

Mais alors même que la consommation est permise, et qu’elle est due à une faim et une soif réelles, ce n’est pas une action louable si l’intention principale est de faire jouir son corps et son palais.

On doit avoir comme intention principale de donner de la force et de la vigueur à son corps pour pouvoir mieux servir son Créateur.

On sait d’ailleurs, et c’est une opinion partagée par les nutritionnistes et de nombreuses sommités médicales, que la majorité des maladies ont pour origine l’excès de nourriture.

L’homme doit s’efforcer de se sustenter seulement jusqu’au moment où sa faim sera calmée. Ainsi, il évitera de nombreux problèmes et parviendra à garder son corps en pleine santé.

Il ne faut surtout pas qu’il mange seulement parce que son palais en a envie. Car le palais est tenté en permanence, jusqu’à ce que l’estomac soit totalement bondé. Cette attitude est néfaste pour le corps lui-même.

C’est ainsi que l’on doit comprendre les mots du verset:

«Le juste mange pour apaiser la faim de son âme, mais le ventre du méchant n’est jamais rassasié» (Proverbes 13-25)

L’estomac ne peut traiter qu’une quantité limitée d’aliments. Les méchants, ceux qui mangent dans le seul objectif de jouir de la vie, diminuent les facultés naturelles de digestion.

C’est bien le sens du verset, qui parle de cette sensation de non-satiété permanente du méchant, qui est à l’origine de la majorité des maux.

A l’inverse, le juste ne mange que pour apaiser sa faim, et pour donner de la force à son corps, car il est attaché à son âme qui veut accomplir la volonté de son Créateur.

Vie en société

Dans le domaine social, il faut également choisir, dans cet esprit, ses activités et les cercles dans lesquels on évolue: il faut éviter la société des railleurs et ne pas se tenir dans la voie de ceux qui aiment faire le mal. On doit bien sûr fuir les conseils des méchants (d’après le Psaume 1-1).

Même lorsque l’on fréquente des hommes droits et intègres, et que l’on suit leurs conseils, on ne doit pas le faire pour le simple plaisir d’être en bonne société, et de se sentir faire partie d’une élite, ce qui comble nos ambitions sociales. Là encore, il faut chercher la compagnie des sages pour accomplir la volonté divine.

Sommeil

Il est bien évidemment déconseillé, si l’on a la force d’étudier la Thora et d’accomplir les Mitsvot , de préférer se délasser et se laisser aller au sommeil, dans le simple but de jouir de la paresse.

Lorsqu’une personne est épuisée et dort pour reprendre des forces, elle doit rechercher en premier lieu à redonner de l’énergie à son corps, pour mieux servir D.ieu.

Il peut aussi rechercher à reposer son intelligence d’un excès d’efforts intellectuels, pour retrouver une clarté d’esprit.

Relations conjugales

Elles doivent être entretenues dans cet esprit. On en parle pas ici d’éviter les relations interdites: même lorsqu’un homme rempli ses devoirs envers son épouse, fixés dans ce domaine par le Créateur, il ne doit pas agir dans le seul et unique but de savourer des plaisirs charnels.

Plus encore, si cet homme, en dehors du fait de remplir ses devoirs envers sa femme, a comme intention de mettre au monde des enfants qui par la suite l’assisteront et l’aideront, il n’agit pas comme il se doit. Son intention doit être de faire naître des enfants qui seront eux-mêmes au service de D.ieu.

Discussion

On ne doit pas parler de choses futiles, et fuir la grossierté. Et même lorsque l’on discute de sujets sérieux, il faut que l’objectif soit de permettre une ascension spirituelle, et amener, directement ou indirectement, au service divin.»

(Rabbénou Yona ibid.- cf. Tour et Choul’han Ora’h Haïm chap.231, où sont rapportés les mots de Rabbénou Yona)

On le constate, toute notre vie, et toutes les actions de notre vie, doivent s’inscrire dans le but direct ou indirect de servir notre Créateur. La vie ne doit pas se résumer à une recherche illimitée de plaisirs.

Elle doit s’articuler autour d’une recherche spirituelle qui nous procurera, sans aucun doute, beaucoup plus de bonheur?

Chabbat Chalom

Par le Rav Eliahou Elkaïm de la Yéchiva

 à Jérusalem