Tout le travail du Michkane de la Tente d’assignation fut terminé, les enfants d’Israël firent selon tout ce que Hachem avait ordonné à Moché, ainsi firent-ils. (39, 32)
L’ordre du verset semble contraire à la logique. Il devrait commencer par nous dire que « les enfants d’Israël firent selon tout ce que Hachem avait ordonné à Moché », et seulement ensuite que « tout le travail du Michkane de la Tente d’assignation fut terminé ».
Même lorsqu’Il nous aide à accomplir une mitswa, explique le Alchikh, le Saint béni soit-Il nous considère comme si nous agissions par nos propres moyens. Quand les enfants d’Israël ont entrepris de construire le Michkane, ils n’avaient aucune expérience dans ce genre de travail, lequel n’aurait pu être mené à bonne fin sans Sa providence. Il n’en a pas moins été inscrit à leur crédit.
Tel est le message implicite de notre verset. Celui-ci rapporte d’abord que « tout le travail du Michkane de la Tente d’assignation fut terminé », à la forme passive, comme s’il s’était réalisé de lui-même, sans participation des hommes. De fait, il a été effectué par le Ciel. La Tora n’en considère cependant pas moins que « les enfants d’Israël firent selon tout ce que Hachem avait ordonné à Moché ».
Rav Chelomo Kluger propose une autre explication. Le Michkane a servi pour les Juifs de lieu d’expiation, comme nous le lisons dans la Haggada de Pessa?h : « Et Il a construit pour nous la Maison du Choix pour expier tous nos péchés. » Sa construction a donc comporté le risque que les enfants d’Israël accomplissent les mitswoth avec moins de zèle, étant donné qu’ils pourraient toujours s’y rendre pour obtenir leur pardon.
La Tora atteste qu’il n’en a pas été ainsi : « Tout le travail du Michkane de la Tente d’assignation fut terminé », donnant ainsi aux Juifs un lieu où ils pourraient solliciter leur pardon, et pourtant ils « firent selon tout ce que Hachem avait ordonné à Moché ». Ils n’ont pas compté sur l’expiation procurée par le Tabernacle, mais ils ont accompli tout ce qu’ils avaient reçu ordre de faire !
Moché vit tout le travail, et voici, ils l’avaient fait comme l’avait ordonné Hachem, ainsi l’avaient-ils fait, et Moché les bénit. (39, 43)
L’expression : « comme l’avait ordonné Hachem » figure à maintes reprises ? huit fois dans le chapitre 39 ? tout au long du récit de la construction du Tabernacle. Que signifie-t-elle ?
L’édification du Tabernacle, explique le Beith ha-Léwi, a été une expiation pour la faute du veau d’or. Comme le fait observer le Midrach, les enfants d’Israël, qui avaient péché avec leurs bijoux, ont aussi été pardonnés grâce à leurs bijoux. En d’autres termes, ils ont utilisé leurs bijoux pour fabriquer le veau d’or, et ils les ont ensuite consacrés à l’édification du Michkane.
La cause fondamentale du péché du veau d’or a été la croyance fausse qu’ils pourraient agir selon leur intellect, indépendamment de toute directive divine. C’est pourquoi la Tora souligne que le Michkane, qui a servi d’expiation pour leur péché, a été construit « comme l’avait ordonné Hachem ».
Le Talmud (Berakhoth 55a) nous apprend en outre que Betsalel était capable d’effectuer des combinaisons mystiques des lettres par lesquelles avaient été créés le ciel et la terre. Il avait à sa disposition un grand choix de manipulations ésotériques pour l’aider à accomplir son travail d’une manière que lui seul comprenait. Néanmoins, la Tora atteste qu’il a tout construit exactement « comme l’avait ordonné Hachem », et non selon quelque conception ou arrangement qu’il aurait lui-même inventé.
Le Maharil Diskin s’attache à la dernière partie, apparemment superflue, du verset : « ainsi l’avaient-ils fait ». Plus haut, la Tora (12, 28) a utilisé la même expression à propos de l’agneau du pessa?h et de l’application de son sang sur les linteaux : « Les enfants d’Israël allèrent et firent comme avait ordonné Hachem à Moché et Aharon, ainsi firent-ils. » Rachi, signalant cette redite, explique que « ainsi firent-ils » se réfère à Moché et Aharon « qui, eux aussi, ont fait ». Or, ici, c’est manifestement aux enfants d’Israël que s’appliquent les mots « ainsi avaient-ils fait ». Que viennent-ils ajouter ?
En général, explique le Maharil, même l’entreprise la plus couronnée de succès a rencontré divers obstacles qu’il a fallu surmonter. Même si, en fin de compte, toutes les difficultés sont résolues, et même si le résultat final ne reflète pas les étapes intermédiaires de correction et d’ajustement, il n’en reste pas moins qu’elles ont existé.
Dans le cas de la construction du Michkane, en revanche, la Tora atteste : « ainsi avaient-ils fait » ? chaque étape du travail a été accomplie exactement comme Hachem l’avait prescrit. De même que le produit final a été irréprochable, de même l’a été le processus qui y a mené.