Le délai de quarante secondes avant étourdissement est trop court pour la majorité des décisionnaires.
C’est la fin d’un feuilleton débuté il y a un an. En signant mardi dernier un accord avec le ministre néerlandais de l’Agriculture, les représentants des communautés juives et musulmanes ont obtenu un répit pour l’abattage rituel en Hollande. La nouvelle réglementation, qui entre immédiatement en application prévoit l’étourdissement des animaux quarante secondes après leur égorgement dans le cas où ils manifestent encore des signes de conscience.
Cet accord met fin à l’impasse née de la proposition de loi que le minuscule Parti pour les animaux (2 députés sur 150) avait réussi à faire adopter au Parlement néerlandais et qui prévoyait de mettre fin à la dérogation dont bénéficiait l’abattage rituel, effectué on le sait sans étourdissement. La réglementation européenne impose en effet l’étourdissement préalable, mais prévoit des exceptions au nom de la pratique religieuse.
La solution trouvée aux Pays-Bas devrait donc satisfaire toutes les parties, aussi bien les défenseurs de la cause animale que les responsables religieux. Après tout, les règles de la cacherout et du hallal interdisant uniquement l’étourdissement préalable, il n’y aurait donc aucune objection à ce qu’il soit pratiqué après coup… Mardi dernier, le ministre Hans Bleker, ainsi Jacob Hartog, le président de la communauté juive hollandaise (NIK), Ron Eisenmann, celui de la communauté d’Amsterdam et le grand rabbin Binyamin Jacobs, grand rabbin des Provinces-Unies, affichaient d’ailleurs leur satisfaction. « La signature de cet accord met un terme à une longue et intense bataille pour la protection des droits de l’homme. Nous avons réussi à démentir ceux qui estiment que la communauté juive ne tient pas compte du bien-être animal », s’est ainsi réjoui le président de la NIK, seul organisme habilité à pratiquer la che’hita.
Mais l’accord est loin de faire l’unanimité, en particulier au sein de la communauté juive néerlandaise où l’on estime que les pouvoirs publics se sont entendus avec les responsables laïcs, sans tenir compte de l’avis des rabbanim. Or, ceux-ci, se rangeant à l’avis de la majorité des poskim, estiment qu’un étourdissement pratiqué quarante secondes après l’égorgement ne permet pas une hémorragie complète. Autrement dit, l’animal restera gorgé de sang, rendant impossible la cachérisation de la viande !
Mais pour les responsables du judaïsme européen qui s’efforcent d’afficher sur le sujet un front uni, c’est même un mauvais coup que viennent de leur jouer leurs confrères néerlandais. « Ils n’ont même pas consulté les autres communautés juives », regrette ainsi le grand rabbin Bruno Fiszon, qui pilote le dossier che’hita au Consistoire central. Ce vétérinaire de formation reproche également aux représentants du judaïsme batave de n’avoir pas été assez précis sur la définition des critères de « conscience » de l’animal : « Si ces critères ne s’appuient pas sur des procédures scientifiques qui permettent de déterminer si la bête est toujours vivante dans les quarante secondes suivant l’égorgement, on se dirige vers un étourdissement systématique ».
Cette réglementation prise contre l’avis des autorités rabbiniques pourrait donc avoir des conséquences au-delà des frontières néerlandaises. Le risque étant que le délai de quarante secondes établi aux Pays-Bas fasse jurisprudence dans une Europe où l’abattage rituel est devenu un sujet de polémique. En France, par exemple, les communautés juives et musulmanes ont obtenu que le décret du 28 décembre 2011 relatif à l’abattage rituel accorde quatre-vingt-dix secondes avant qu’un étourdissement complémentaire ne soit pratiqué, si besoin est, après l’égorgement du gros bétail. Ce délai, le double de celui prévu aux Pays-Bas, satisfait l'ensemble des autorités rabbiniques.Par Serge Golan,en partenarizt zvec Hamodia.fr