Parachath Yithro ? La Tora et les autres peuples

Avant de donner la Tora aux enfants d’Israël , Hachem l’a proposée aux autres nations de la terre, et celles-ci l’ont refusée parce qu’elle ne convenait pas à leur tempérament ( ?Avoda zara  2b ; voir aussi Devarim  33, 2). C’est ainsi que les descendants d’Ismaël, dont le destin est de « porter la main contre tous » ( Berèchith  16, 12), n’ont pas pu accepter l’interdiction de voler, et ceux d’Esaü, qui « vivent de leur épée » ( Berèchith  27, 40), ont dû décliner celle de tuer.

En revanche, lorsqu’Il l’a donnée aux Hébreux, ce fut sous la menace : « Si vous acceptez la Tora , ce sera bien ; sinon, là sera votre tombeau ! » ( ?Avoda zara  2b et 3a).

Le contraste est déconcertant : Aux uns une offre polie, aussitôt retirée ; aux autres une proposition comminatoire.

En fait, le choix d’Israël par Hachem , explique la Guemara ( ?Houlin  89a), est dû au fait qu’il est le plus humble de tous les peuples ( Devarim  7, 7). C’est ainsi qu’Abraham, malgré la grandeur dont l’avait comblé Hachem , ne se voyait lui-même que comme «  poussière et cendre » ( Berèchith  18, 27). De même Moïse se tenait-il pour insignifiant (« ? et nous que sommes-nous ? » [ Chemoth  16, 8]). Quant à David, il se considérait comme «  un ver, et non point comme un homme » (Psaumes 22, 7).

Les nations du monde, en revanche, n’ont pas cette humilité.

Lorsque Hachem a fait un roi de Nemrod, celui-ci a proclamé : « Allons, bâtissons-nous une ville? » ( Berèchith  11, 4). Quant à Pharaon, il a demandé : « Qui est Hachem pour que j’écoute Sa voix et que je laisse aller Israël ? Je ne connais pas Hachem , et je ne laisserai pas non plus aller Israël » ( Chemoth  5, 2). Sennachérib s’est glorifié en affirmant : « Quels sont, d’entre tous les dieux des pays, ceux qui ont délivré leur pays de ma main, pour que Hachem délivre Jérusalem de ma main ? » (II Rois 18, 35), Nabuchodonosor en alléguant qu’il « monterait sur les hauteurs des nues, et qu’il serait semblable au Très-haut » (Isaïe 14, 14), et Hiram, roi de Tyr, en assurant qu’il « était un dieu, assis sur le siège d’un dieu, au c?ur des mers » (Ezéchiel 28, 2).

Voilà qui fait la différence !

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Haftarath parachath Yithro ? Le procès d’Isaïe

Les circonstances de la mort d’Isaïe ont été particulièrement tragiques :

Lors de l’accession au trône du roi Manassé, celui-ci instruisit contre le prophète un procès en hérésie :

Il lui lança : « Ton maître Moïse a dit ( Chemoth  33, 20) : Car nul homme ne peut ?Me voir? et vivre. » Et toi tu as osé dire (Isaïe 6, 1) : « L’année de la mort du roi Ozias, ?je vis? Hachem siégeant sur un trône élevé et majestueux. » Ton maître Moïse a dit ( Devarim  4, 7) : « Car quelle est la grande nation qui ait des dieux proches d’elle, comme Hachem , notre Dieu, l’est ?toutes les fois que appelons vers Lui ? » Et toi tu as laissé écrire (Isaïe 55, 6) : « Cherchez Hachem pendant qu’Il est accessible, appelez-Le pendant qu’il est proche ! », [ce qui implique qu’il y a des moments où Il n’est ni accessible ni proche ( Rachi ad loc .)]. Ton maître Moïse a dit ( Chemoth  23, 26) : « Je comblerai la mesure de tes jours », [c’est-à-dire sans jamais rien y ajouter ( ibid .)], mais toi (II  Rois 20, 6 et Isaïe 38, 5) : « Je prolongerai ta vie de quinze ans. »

Isaïe renonça à se défendre contre cette accusation, « stalinienne » avant la lettre, soit qu’il sût d’avance que ses arguments ne seraient d’aucun poids face à la haine que lui vouait son petit-fils, soit qu’il ait choisi délibérément de faire de son bourreau un instrument inconscient de son crime, et non un acteur opérant de manière préméditée (Voir Yevamoth 49b). Il s’est ainsi comporté comme le véritable ?Serviteur souffrant? dont parle le chapitre 53, et notamment son verset 7 : ?Maltraité, injurié, il n’ouvrait pas la bouche.?

Son silence fut considéré comme un aveu, et on le condamna à mort.

Au moment où il allait être exécuté, un miracle se produisit et il fut happé dans un cèdre. Devenu aussi dur qu’un pilier de marbre, il n’offrait plus aucune prise à la scie qui aurait dû le découper.

Cependant, lorsque celle-ci entra en contact avec la bouche d’Isaïe, elle trouva son point faible : sa langue. C’est elle qui, lorsqu’il avait été appelé par Hachem à la prophétie, avait proféré : « Malheur à moi, je suis perdu ! Car je suis un homme aux lèvres impures, je demeure au milieu d’un peuple aux lèvres impures? » (6, 5). Il avait le droit, lui reprocha Hachem , d’invoquer l’impureté de ses propres lèvres, mais pas celui de médire du peuple d’Israël en évoquant son impureté collective : « Ne dénigre pas le serviteur devant son maître ! » ( Proverbes  30, 10). C’est ainsi que la scie trancha ses lèvres et qu’il mourut. C’est à cet « assassinat judiciaire » commis par Manassé que l’on a appliqué le verset (II  Rois  21, 16) : « Manassé versa tellement de sang innocent qu’il en emplit Jérusalem ?de bouche à bouche? » ( Yerouchalmi Sanhédrin 10, 2).

Jacques KOHN.