Le Me’il expie le Lashon haRa
Le Me’il –manteau– est, selon Rashi, une tunique sans manche de couleur bleu d’azur, que le Cohen Gadol enfile au-dessus de sa tunique blanche portée près du corps.
Le Ramban quant à lui pense que ce manteau ressemble plutôt à une cape qui le recouvre de tous les côtés, que le Cohen Gadol suspend en enfilant un col. Quoi qu’il en soit, la Torah prescrit de suspendre en bas de ce manteau 72 clochettes. Et de justifier : ‘afin qu’on l’entende lorsqu’il entrera dans le sanctuaire, et lorsqu’il en sortira…’ [28:35] Nos Maîtres déduisent : ‘l’habit qui fait du bruit expie la faute réalisée avec du bruit’ – le Lashon haRa, la médisance.
Le Ramban explique l’injonction de suspendre ces clochettes par le fait que nul homme n’a le droit d’être dans l’enceinte du sanctuaire au moment où le Cohen Gadol y entre pour son service, pas même les anges [Cf. Ramban Ibid. à partir du Yeroushalmi], tel le confident du roi qui entre au palais pour s’entretenir à huis clos avec le monarque.
Il s’avère que ces cloches ont pour but de valoriser le Ben Israël, créé à l’image d’Hashem et sommé de la fonction suprême de faire régner Hashem dans ce monde ici-bas. Quoi de plus logique que ce vêtement expie la faute du Lashon haRa – l’horrible faute de faire courir des ragots sur son frère juif pour le rabaisser et l’humilier !
Le Tsits expie la faute de la Azout Metsa’h
La Mishna de Avot [5:20] fustige l’insolence : ‘l’effronté finira en enfer, et l’humble/réservé héritera le Gan Eden – le paradis !’ Pour notre grande joie, le peuple d’Israël a dans son génome 3 vertus : l’humilité/honte, la miséricorde, et la bonté. [Yevamot 79A] Pourtant, la Guemara [Beitsa 25B] qualifie le peuple d’Israël de plus insolent de tous les peuples ! Et d’ajouter que c’est ce ‘défaut’ tellement ancré qui a octroyé au peuple d’Israël le droit de recevoir la Torah, afin d’adoucir et canaliser cette effronterie ! Voilà donc une contradiction frontale : le peuple d’Israël est-il un doux agneau, ou une insolente panthère?! A nous de déduire que les 2 affirmations sont vraies !
De manière générale, il n’y a objectivement pas de Midot –traits de caractère– qui soient entièrement bonnes ou mauvaises. Tout est une question de contexte et de bon usage de ses Midot. Si le zèle et l’ardeur sont de nobles vertus, ces forces de caractère s’avèreront épouvantables lorsqu’elles seront utilisées pour faire du mal. Et inversement, nos Maîtres vantent parfois la paresse, lorsqu’on utilise ce ‘défaut’ pour freiner sa course vers l’assouvissement de ses instincts.
Il en va de même pour l’effronterie et la honte. Autrui attend de moi que je me conduise selon des normes de politesse, courtoisie, de société, préétablies par un certain système. Par définition, l’effronterie est un trait de caractère qui me pousse à concrétiser mes désirs en ignorant les ‘qu’en dira-t-on’. Tandis que l’humilité consiste au contraire à considérer le regard de l’autre au point de retenir et renoncer à mon désir. Déterminer si l’effronterie et la honte sont des vertus ou des défauts dépend d’une seule question: le regard critique est-il foncièrement juste ou non ? Autrement dit –si l’on traduit cette phrase en jargon juif !– Hashem voit-Il mon action avec ce même regard critique ?
C’est précisément cette question que se pose finalement chaque juif dans son for intérieur, lorsqu’il se fait interpeller. Sa Neshama –son âme céleste– sait qu’elle a un rôle suprême à remplir sur terre. Certes, nous sommes malheureusement souvent happés par le tourbillon d’oubli qui souffle dans ce monde matériel, et troquons notre rôle principal contre celui de clochard figurant. Mais dans un moment de remise en cause plus ou moins violent, chaque Ben Israël finit par se poser cette profonde question: qu’Hashem attend-Il de moi ?! Et la plupart se répondent fièrement : ‘Puisque Hashem ne veut pas que je franchisse cette limite, je ne la franchirai pas !’, à la stupeur de tous les goyim – tel le grand Yossef Molko qui monta gaiement sur le bûcher lors l’Inquisition, ou le grand philosophe allemand Franz Rosenzweig qui refusa en dernière minute de se convertir au christianisme en 1913!
Le Cohen Gadol porte au-dessus de son front le Tsits –une petite plaque en or– sur lequel sont gravés les mots Kodesh laShem – sanctifié pour Hashem – afin de raviver en chaque juif cette conviction : ‘Je suis entièrement voué à Hashem, et Sa volonté est l’essence et l’intention primaire de toutes mes pensées !’ Quoi de plus évident que ce Tsits expie alors le vilain défaut de l’effronterie utilisé dans un mauvais contexte !
Rav Harry Dahan du 5 Minutes Eternelles