4. PREDICTIONS REALISEES

IV

Prédictions réalisées

Section 1.

Sur la base des deux derniers chapitres, nous pouvons tirer deux conclusions : (1) Pour agir de manière responsable, il faut rechercher la vérité et utiliser la meilleure approximation que l’on peut en obtenir comme base de son action; agir sur la base de considérations pragmatiques sans égards pour la vérité est irresponsable, tout comme le sont des exigences de disposer de preuves absolues avant d’agir. (2) La somme exacte d’indices qui doit être réunis pour requérir action ne saurait être déterminée avec précision; elle reste sujette à controverse. Ce qu’il nous faut ainsi démontrer en l’espèce, c’est qu’il y a assez d’indices pour se décider, et ce quelle que soit la mesure utilisée pour prendre des décisions responsables. L’argument invoqué ici est celui de la cohérence : si vous gardez vos standards usuels pour agir de manière responsable, il vous faut vivre en conformité avec la Torah .

Nous allons maintenant commencer à passer en revue les différents arguments. A titre préliminaire, j’aimerais toutefois faire deux remarques de mise en garde. Tout d’abord, lorsqu’un argument est présenté, cela pour conséquence de renforcer la crédibilité de l’hypothèse de la véracité de la Torah. Répondre qu’il est toujours concevable que la Torah soit fausse est exact, mais hors propos. Le but n’est pas de réfuter toutes les alternatives concevables, mais simplement de présenter le Judaïsme comme l’alternative la plus probable.

Deuxièmement, à ce stade nous ne faisons que rassembler des indices; ceci signifie qu’aucun d’entre eux n’emportera normalement la décision par lui-même. Pour prendre le parallèle d’un procès pénal, il n’est en soi pas suffisant pour condamner un meurtrier de trouver ses empreintes digitales sur la scène du crime, ni de découvrir dans sa maison une arme similaire à celle qui a donné la mort, ni qu’il ait un motif, ni de l’avoir vu sur place à l’heure du crime. Mais le poids de l’ensemble peut par contre être suffisant. Donc, pour me répéter une fois encore, il ne serait pas pertinent de répondre : "cet indice n’est pas suffisant pour justifier la croyance que la Torah dit vrai". Bien sûr que non, aucun indice ne pourrait suffire à lui seul; seul l’ensemble pèse suffisamment lourd; or, ce ne sera que dans le dernier chapitre que nous procéderons à une synthèse de tous les arguments; d’ici là, il nous faut examiner chacun d’entre eux pour vérifier s’il est pertinent, si c’est-à-dire s’il indique bien que l’hypothèse la plus plausible est que la Torah dise vrai.{mospagebreak}

Section 2.

Aux chapitres 28 à 30 du Deutéronome se trouve une prédiction de ce qui arrivera au peuple juif s’il ne vit pas à la hauteur des attentes de la Torah. Il y est annoncé une conquête militaire accompagnée d’un massacre gratuit de la population, hommes et femmes, enfants et vieillards, etc; sont également prédits un exil conduisant à une dispersion de la population dans le monde entier, ainsi que l’absence de tout gouvernement indépendant pendant toute la période de diaspora mondiale subséquente. Une des conséquences annoncées de cet exil sera que les Juifs seront ramenés en bateau en Egypte pour y être vendus comme esclaves, mais qu’ils n’y trouveront pas d’acheteurs. Néanmoins, et toujours selon le texte, le peuple Juif survivra, ne sera jamais complètement détruit, et retournera finalement vers la Terre d’Israël. Enfin, il est également prédit que le conquérant parlera une langue que le peuple Juif ne comprendra pas.

Ainsi qu’il a été démontré au long du chapitre II, il est crucial que cette prédiction soit spécifique aux Juifs, c’est-à-dire que nul autre peuple ne saurait y croire; si tel n’est pas le cas, il lui est impossible de remplir le rôle d’expérience-clé, car elle ne permet pas d’effectuer une distinction entre les prétentions des Juifs et celles des autres peuples. Par conséquent, il nous faut nous demander pour chacun des détails de cette prédiction si sa réalisation aurait pu être expliquée par une analyse sociologique des conditions de l’époque, ou par une idéologie concurrente – ou bien s’il s’agit de quelque chose que seule une vision juive de l’Histoire permet d’expliquer.

[Bien sûr, si quelqu’un accepte cette prédiction sur la base de nos sources, cela ne saurait compter contre nous ! Si les Chrétiens et les Musulmans acceptent les chapitres 28 à 30 du Deutéronome et prédisent que les Juifs seront exilés en conséquence de leur échec à vivre en conformité avec la Torah, le fait les trois religions sont d’accord sur cette prédiction.]

Examinons maintenant quels sont les détails de cette prédiction qui auraient pu être expliqués par un observateur au point de vue différent de celui de la Torah. Prédire une conquête n’est vraiment pas très difficile : tout le monde est conquis un jour ou l’autre.

La prédiction mentionne également une destruction totale, la décimation de la population et l’exil; ceci était plus rare dans le monde antique. C’était certes possible, mais peu fréquent en pratique, car le but des conquêtes était essentiellement économique. Il s’agissait habituellement d’obtenir des colonies et de les soumettre à taxation; or, il est clair que vous ne pouvez pas taxer une population si vous la massacrez ou l’exilez. Ces considérations n’excluent à l’évidence pas le pillage : bien sûr que les conquérants peuvent prendre tout l’or et l’argent, les pierres précieuses, les tissus de prix, et ainsi de suite, réduire les jeunes hommes forts et robustes en esclavage et prendre les belles jeunes filles dans un but sexuel. Mais ils ne détruiront pas gratuitement le reste de la population, parce qu’ils se priveraient ainsi d’une source de revenus ! Pendant leurs 300 années de règne, les Romains ne firent subir ceci qu’à Carthage et aux Juifs. Ainsi, les prédictions du massacre et de l’exil de la population n’auraient pas vraiment pu être anticipées, car elles n’étaient pas dans la norme du monde antique.

Passons maintenant à la prédiction selon laquelle le conquérant parlera un langage inintelligible. Pourquoi devrais-je le croire a priori ? Généralement, les langues parlées dans les pays voisins étaient comprises. Il y avait assez de commerce et d’autres possibilités de se déplacer pour que chacun puisse se familiariser avec la langue de l’autre; n’aurions-nous pas pu être conquis par un voisin ? Ou bien par un pays parlant une "langue internationale" ? Bien des Juifs comprenaient le grec, qui était similaire à l’époque à ce qu’est l’anglais aujourd’hui. Les contrats, le commerce, la diplomatie, tout était fait en grec. Si une nation parlant le grec nous avait conquis et exilés, la prédiction n’aurait pas été réalisée; mais ce sont les Romains qui nous ont envahis; ils parlaient le latin, langue avec laquelle les Juifs n’étaient pas familiers.

Admettons qu’une nation soit exilée; en vertu de quel facteur doit-elle alors finir éparpillée dans le monde entier ? Pourquoi la dispersion serait-elle une conséquence inéluctable de l’exil ? Tous ceux qui ont été arrachés à leur pays n’ont pas établi finalement des communautés partout; même l’exil babylonien 500 ans auparavant n’a pas entraîné ces conséquences : la plus grande partie de la population a été emmenée en Babylonie, un large groupe est descendu vers Alexandrie en Egypte, mais il y avait encore de nombreuses places dans le monde sans population juive.

Et même si, pour une raison ou pour une autre, il devait y avoir un exil, comment aurait-il été possible de prévoir que certains captifs seraient amenés en Egypte par bateau pour y être vendus, et qu’ils n’y trouveraient pas d’acheteurs ? Il est vrai qu’il y avait là un florissant commerce d’esclaves et que les itinéraires étaient connus, mais qui aurait pu dire que cela allait forcément se passer ?{mospagebreak}

Section 3.

Toujours dans cette hypothèse de prédiction d’un exil mondial : comment aurait-on pu être sûr qu’à aucun moment les Juifs ne seraient à même de former un gouvernement indépendant quelque part dans le monde ? N’oubliez pas que nous parlons d’il y a 2000 ans; à cette époque, le monde n’était pas organisé comme aujourd’hui, avec des cartes et des frontières, chaque millimètre carré de terrain étant réclamé par l’une ou l’autre nation, parfois 2 ou 3. Au contraire, de vastes territoires ne faisaient l’objet d’aucune prétention, n’étant tout bonnement pas civilisés; ils restaient simplement à l’état sauvage; par exemple, c’était le cas de certaines parties de la Russie, de l’Afrique du Nord, de la Péninsule Arabique et de l’Afrique Centrale. Qui aurait pu dire que les exilés juifs ne formeraient jamais de société indépendante dans l’un ou l’autre de ces endroits ?

Chacune de ces prédictions, considérée d’un point de vue neutre et non pas juif, c’est-à-dire de la manière dont un Bouddhiste, un Hindou, un Taoïste, un Confucianiste ou un Athée verrait les choses, n’avait aucune raison de se réaliser; dans cette optique, il est impossible d’expliquer qu’elles aient été par la suite vérifiées.

S’il fallait attribuer une probabilité à chaque détail de cette prédiction, et que l’évaluation était faite sur la base d’un point de vue non-juif, cette probabilité serait forcément très basse. Une destruction totale suivie d’un exil, disons que cela se passait dans 10% des guerres de l’Antiquité; cela signifie qu’un observateur non-juif lui donnerait une probabilité de 1/10. Combien de fois le conquérant parlait-il une langue inconnue ? Nous ne le savons pas : les pays voisins se combattaient les uns les autres, et les langages des grands empires étaient largement connus; disons généreusement que cela arrivait un quart du temps, nous donnant ainsi une probabilité de ¼. Une dispersion mondiale suite à l’exil, pour ce que j’en sais, n’arrivait purement et simplement jamais; si nous voulions être stricts, la probabilité serait de 0 ! Mais soyons généreux et donnons-lui une probabilité de 1/10. L’incapacité d’une nation dispersée à travers le monde à s’organiser en société indépendante, à nouveau, est un événement dont j’ignore la probabilité; admettons qu’elle soit d’un quart. Enfin, la survie dans ces conditions et le retour au pays forment un scénario qui ne s’est jamais passé dans l’histoire du monde – nous devrions lui attribuer une probabilité nulle ! Mais soyons généreux et disons 1/10.

En considérant cet ensemble de prédictions comme une séquence d’événements avant chacun sa probabilité propre, il est aisé d’obtenir la probabilité de réalisation du tout en multipliant les probabilités individuelles. Donc, si nous multiplions 1/10 * 1/4 * 1/10 * 1/4 * 1/10, nous obtenons une probabilité de 1/16000. Ce très petit nombre représente la confiance qu’aurait eue un observateur neutre que la prédiction entière se réalise. Quelles sont les chances qu’une telle séquence d’événements se réalise ? Une chance tous les 16’000 essais. Sur la base des faits dont l’observateur moyen dispose, il n’a aucun moyen pour expliquer comment elle a pu se réaliser.

Et pourtant, les événements décrits se sont bien passés; dès lors, nous avons ce que j’appelais plus haut une prédiction spécifique, une prédiction dont nul autre ne peut expliquer la vérité. Quiconque aurait pris connaissance de cette prédiction avant qu’elle ne se réalise l’aurait traitée de pure fantaisie. Par conséquent, lorsqu’elle se réalise vraiment, elle contribue à établir la véracité du Judaïsme. Elle est un élément de preuve pertinent.

[Quatre remarques techniques à ce stade : (1) De nombreux points de détail du chapitre 28 du Deutéronome ont été délibérément omis. Il y a deux raisons à cela : soit le langage dans lequel ils sont exprimés est trop poétique pour être défini avec précision (nous ne pouvons ainsi pas prouver que le texte voulait bien dire ce qui s’est ensuite passé); soit ces détails sont des prédictions d’événements très vraisemblables dans le cadre d’une destruction et d’un exil; ils ne réduiraient ainsi pas de manière significative la probabilité globale. (2) Certaines des probabilités mentionnées ci-dessus sont conditionnelles : une dispersion mondiale étant donné l’exil; pas d’indépendance étant donnée la dispersion mondiale; la survie et le retour étant donnée la dispersion; c’est seulement quand elles sont comprises de cette manière qu’il est légitime de les multiplier entre elles pour obtenir la probabilité de survenance de l’ensemble. Mes nombres ne sont conçus que comme des estimations (bien trop généreuses) de ces probabilités. (3) Il s’agit de probabilités que ces prédictions se réalisent, pas qu’elles soient faites. Nous pouvons aisément conjurer quantité de raisons pour lesquelles quelqu’un voudrait faire une prédiction effrayante, mais nous serions très surpris si les événements annoncés survenaient vraiment. (4) Puisqu’il existe de très nombreuses nations, il n’est peut-être pas surprenant que l’une d’entre elles endure les malheurs annoncés au chapitre 28 du Deutéronome. Pourquoi trouvons-nous alors étonnant que cela nous soit arrivé ? Parce que nous avons prédit que cela nous arriverait à nous, et c’est ce qui s’est passé.]

Considérez le parallèle suivant : supposez que nous lancions 1000 pièces de monnaie en l’air et que nous prédisions que l’une d’elles tombera 10 fois de suite sur le côté "face"; la réalisation de cette prédiction n’aurait bien sûr rien de surprenant. Mais si nous prenions une pièce donnée et que nous prédisions qu’elle tombera 10 fois de suite sur "face", le fait qu’il y ait d’autres pièces lancées en même temps devient non pertinent – les chances contre cette pièce-là sont toujours de 1024 contre 1, et dès lors la survenance de l’événement annoncé étonne.

La prophétie du chapitre 28 du Deutéronome n’aurait-elle pas pu se réaliser par simple hasard ? Si, sans doute. Je le concède d’autant plus aisément que nous ne suivons pas Descartes; nous ne sommes pas intéressés par une simple possibilité. Nous ne sommes intéressés que par une hypothèse qui soit quelque peu étayée; n’importe quoi peut arriver par hasard, mais la probabilité de la survenance aléatoire de cet événement-ci est de un sur seize mille. Ceci indique que l’auteur, quel qu’il ait été, avait accès à une source d’informations qui dépassait le naturel. Nous ne savons pas pour l’instant ce que cette source était, ni comment la décrire. En ne cherchant à ne dériver que des conclusions minimales, voilà en résumé ce qu’il me semble qu’on peut déduire la prophétie du chapitre 28 du Deutéronome.

Finalement, il me faut répéter une fois encore que je ne suis pas en train d’essayer de prouver la véracité du Judaïsme sur la base d’une seule prédiction. Une prédiction réalisée ne prouve que rarement l’exactitude d’une théorie; je ne fais que signaler la présence d’un argument pertinent. La justification complète ne viendra que plus tard, lorsque nous prendrons en compte tous les éléments dans leur ensemble. Mais il s’agit certainement là d’un élément objectif qui doit nous intéresser : il a au moins le mérite d’indiquer que la quête de vérité justifiable du réaliste n’est pas vaine.

Détails

5. ARCHEOLOGIE

V

Archéologie

Section 1.

La Torah contient de vastes quantités de données historiques. Sur cette base, il est également possible de poser la question de la vérité de la Torah. Des doutes ayant été soulevés quant à la validité de la Bible en tant que source de l’histoire antique, nous nous devons d’en parler quelque peu.

La Bible parle de la vie des Patriarches, de guerres, de migrations, de famines, de mariages, et de toutes sortes d’événements de l’histoire antique. Quelle est la fiabilité de ces récits ? Une méthode populaire pour examiner la fiabilité de la Bible peut être décrite de la façon suivante : la Bible étant ce qui est en question, nous ne pouvons pas assumer qu’elle dise vrai; par conséquent, quand nous trouvons des récits anciens, comme par exemple des hiéroglyphes antiques, des documents Syriens ou Babyloniens, nous sommes à même de les confronter avec la Bible. Si cette dernière donne les mêmes renseignements, c’est une indication et une preuve que la Bible est correcte; dans le cas contraire, nous constatons que la Bible est erronée. Cette méthode d’établir l’exactitude de la Bible en tant que récit historique est objective et neutre.

Trouvez-vous cela juste ? J’espère que non, parce que ça ne l’est pas. Le simple fait que la Bible contredise d’autres récits anciens ne signifie pas encore que la Bible a tort; peut-être sont-ce les autres sources qui sont erronées ! Une simple contradiction prouve uniquement que quelqu’un a tort; pourquoi assumer que c’est la Bible ? Ce serait avoir un biais contre elle. Lorsqu’il y a une contradiction entre la Bible et d’autres sources anciennes, la question est : comment pouvons-nous comprendre au mieux la nature du conflit, et à quelles sources pouvons-nous nous fier ?

Lors de cette évaluation, il vous faut connaître un fait à propos duquel tous les historiens et les archéologues s’entendent : tous les récits anciens ont été écrits en tant qu’œuvre de propagande. Leur fonction était de glorifier les pouvoirs de l’époque, ce qui fait qu’ils ne mentionnaient jamais leurs propres défaites. Après tout, les scribes étaient des employés. Par exemple, vous constatez ce phénomène dans le type d’événements historiques suivants : des hiéroglyphes indiquent que le Pharaon X a rassemblé une large armée et conquis un certain nombre de provinces, et que son fils le Pharaon X Junior a mobilisé une armée encore plus grande et conquis encore plus de provinces. Puis il y a un trou de cent ans dans l’histoire. Que s’est-il passé pendant ces 100 années ? Pour le savoir vous devez aller consulter les archives babyloniennes. C’était l’époque où les Babyloniens battaient les Egyptiens à plate couture. Les Egyptiens ne le mentionnent pas parce que ce n’est pas très flatteur pour leur empire; ils restent purement et simplement muets sur le sujet.

Une bonne illustration de ce principe est la question de l’Exode : pourquoi aucune archive égyptienne antique ne mentionne-t-elle l’Exode ? La réponse est que les Egyptiens n’enregistraient jamais leurs défaites. Donc, comme l’Exode était une défaite majeure, on ne peut pas s’attendre à le voir mentionné nulle part. Son absence de leurs archives n’est ainsi pas un argument contre l’Exode.{mospagebreak}

Section 2.

Dans un débat portant sur l’établissement de l’histoire antique, la question-clé est celle de l’archéologie. C’est l’archéologie qui est supposée découvrir les preuves matérielles que certains événements se sont passés ou non. Je vais donc brièvement passer en revue la situation archéologique pour ce qu’il en est de la narration biblique. La plus grande partie provient d’un livre intitulé Biblical Personalities in Archeology (L’archéologie et les personnages bibliques, N.D.T.), par Léah Bronner.

Il y un siècle, on partait de l’idée que l’histoire biblique était correcte pour l’époque postérieure aux Rois David et Salomon, à peu près. Bertrand Russell écrit dans son livre History of Western Civilization (L’Histoire de la Civilisation Occidentale, N.D.T.) que nous pouvons présumer que David et Salomon ont bel et bien existé. Avant David et Salomon, en l’absence de preuves d’aucune sorte, la vue dominante considérait que les récits bibliques étaient tout simplement des mythes, des histoires inventées pour glorifier des ancêtres légendaires, c’est-à-dire inexistants, de manière à créer une Histoire grandiose pour le peuple. Bien des nations firent cela, tels les Grecs, et on pensait qu’il en allait de même pour les Juifs.

Pour déterminer si l’on est en présence d’un mythe, il y a un signe qui ne trompe pas : la personne qui écrit un récit censé s’être passé longtemps auparavant projette dans le passé ses propres conditions d’existence. Ne sachant pas que 500 ou 1000 ans auparavant la vie était très différente, elle assume que les conditions étaient plus ou moins identiques aux siennes et extrapole sur la base de sa propre expérience. Par la suite, quand l’archéologie découvre que les conditions n’étaient pas celles décrites dans le récit, nous comprenons que nous sommes en présence d’un mythe. Par exemple, on aura pu attribuer aux ancêtres des armes qu’ils n’avaient pas encore inventées, des animaux qu’ils n’avaient pas encore su domestiquer, des itinéraires commerciaux qu’ils n’avaient pas encore tracés, des colonies qu’ils n’avaient pas encore fondées, etc. Ceci est la manière de déterminer qu’un texte est un mythe, et l’assomption quant à la réalité historique du récit biblique avant David et Salomon était qu’il s’agissait simplement de légendes.

Mais, dans le cas de la Bible, l’archéologie a révélé exactement le contraire : une myriade de détails que la Bible fournit à propos de la qualité et des conditions de vie des Patriarches apparaissent être exactes au dernier degré. La précision de ces détails est totalement inexplicable si vous considérez qu’il s’agit d’un processus normal de formation d’un mythe.

C’est ainsi que par exemple toutes les migrations d’Abraham se firent toujours dans le Sud d’Israël, jamais dans le Nord. Or, à l’époque où Abraham a vécu selon la Bible, la partie septentrionale d’Israël n’était pas habitée. Plus tard, au moment où le mythe est censé avoir été écrit, elle l’était. Si donc quelqu’un avait écrit le mythe après coup et avait projeté ses propres conditions d’existence dans le passé, il n’y aurait eu aucune raison pour lui de discriminer contre le Nord d’Israël.

Un autre exemple : les noms d’Abraham, Isaac, Jacob, Laban et Joseph, qui étaient tous communément utilisés au temps des Patriarches, tombèrent en désuétude par la suite. Ils apparaissent sur des inscriptions archéologiques de la période correspondante, mais jamais ultérieurement. Dans la Bible, ces noms ne sont utilisés que dans le Livre de la Genèse. Or, quelqu’un est censé avoir écrit une légende 500 ans après; comment a-t-il réussi à trouver précisément les noms corrects pour l’époque en question ?

En ce temps-là, la coutume voulait que si un couple était sans aucune progéniture, le mari prenait une servante de sa femme comme concubine et en avait un enfant. Si la première femme donnait par la suite également le jour à un enfant, celui de la servante bénéficiait d’une protection légale et ne pouvait être déshérité. Cette protection fut abandonnée dans les siècles postérieurs. Dans la Bible, nous voyons effectivement Abraham et Sarah suivre cette procédure. La loi de l’époque interdisant l’expulsion du fils de la servante, nous comprenons bien pourquoi, lorsque Sarah dit à Abraham de jeter Ishmaël hors de la maison, la Torah dit que ce fut "très mauvais aux yeux d’Abraham" : c’était mauvais parce qu’allant à l’encontre de la loi prévalant à cette endroit. L’expulsion n’était pas prohibée au cours des siècles ultérieurs, seulement dans ce siècle-là : si le texte avait été rédigé 500 ans plus tard par projection dans le passé, il serait impossible d’expliquer comment ce détail véridique a pu être inséré.

Un argument utilisé par les tenants du caractère mythologique du récit biblique est celui de la domestication des chameaux. Les Patriarches sont dépeints comme utilisant des chameaux comme animaux de transport; on pensait qu’il s’agissait là d’un anachronisme : les chameaux ne furent domestiqués que plus tard, mais les générations ultérieures, ne sachant pas que leurs ancêtres n’avaient pas de chameaux, leur en attribuaient, tout comme eux en avaient. Leurs glorieux ancêtres ne pouvaient en aucun cas leur être inférieurs.

Mais il apparaît que l’ignorance est finalement à trouver du côté de l’archéologie. Les tablettes de Canophori, en Syrie du Nord, qui datent du 18ème siècle avant l’ère chrétienne, établissent une liste des animaux domestiques, et le chameau y est expressément mentionné. Une autre découverte archéologique montre un chameau en position agenouillée. Un sceau daté de cette époque a pour illustration un cavalier assis sur un chameau. En fin de compte, le récit biblique, loin d’être une projection anachronique d’une réalité ultérieure, se trouve confirmé.

De nombreux exemples traitent de Joseph. Prenez par exemple le prix d’un esclave : Joseph est présenté par le texte comme ayant été vendu pour vingt pièces d’argent. Or, il est démontré que c’était le prix exact d’un esclave au temps de Joseph, et à nulle autre époque. Les esclaves étaient meilleur marché auparavant, et de plus en plus chers par la suite. Imaginez quelqu’un écrivant ce détail 500 ans après; comment aurait-il pu connaître le prix des esclaves un demi-millénaire auparavant ? Il ne l’a certainement pas trouvé par accident.

De même quant à dormir sur des lits en Egypte : en Palestine, ils dormaient à l’époque sur le sol, tandis qu’en Egypte ils dormaient sur des lits, et c’est pourquoi la Torah mentionne précisément que lorsque Jacob était en Egypte, il mourut sur un lit.

L’investiture de Joseph comme vice-roi d’Egypte suivit la procédure en vigueur à l’époque : il se tint devant Pharaon et eut la tête rasée parce que telle était la coutume des Pharaons de l’époque. Il avait un collier autour de son cou et un anneau à son doigt. Nous connaissons des hiéroglyphes qui décrivent très précisément cette procédure, tout comme la parade dans un char inférieur seulement à celui du roi. Tous ces détails sont vrais.

Les détails, au moins, sont corroborés par l’archéologie. L’assomption normale que le récit a été écrit postérieurement aux faits décrits et projeté dans le passé est ainsi purement et simplement infondée.{mospagebreak}

Section 3.

Je ne veux pas cacher le fait que certaines questions se posent encore : elles doivent être examinées avec attention pour déterminer leur nature. L’Exode, par exemple, est un cas d’école. Si l’Exode vraiment a eu lieu, quelles sortes de traces archéologiques s’attend-on à découvrir ? Nous parlons d’un grand nombre de gens quittant l’Egypte. On s’attend à trouver des ustensiles, des vêtements, des récipients, des armes, tout cela éparpillé un peu partout dans le désert. Et pourquoi pas des os ? Les gens meurent, surtout s’ils restent dans le désert pendant 40 ans. Il est pourtant avéré que l’on ne trouve rien du tout. Jusqu’à présent, aucune preuve archéologique de l’Exode n’a été trouvée.

Est-ce que ceci milite contre le récit de la Torah ? En fait, tout dépend de ce qui est examiné. Etes-vous en train de tester le récit biblique ? Si c’est le cas, il vous faut le faire dans ses propres termes; vous devez l’accepter en entier. Si vous prenez un élément du récit biblique, que vous y greffez des hypothèses non-bibliques et testez le conglomérat, rien de bon n’en ressortira, car personne ne croit en la véridicité ce conglomérat.

Dans le cas de l’Exode, la Torah dit explicitement que les vêtements ne s’usèrent pas durant la période de 40 ans (Deut. 8:4). Donc, si vous fouillez le désert pour y trouver des vêtements éparpillés, vous ne cherchez pas à examiner l’exactitude de la Bible. Elle dit elle-même que vous n’y trouverez rien, que les vêtements n’y sont pas ! En recherchant des habits, vous testez une hypothèse composite, c’est-à-dire qu’il y ait eu un Exode comme dans la Bible, mais en y ajoutant une notion naturaliste que la Bible dénie (N.D.T. : le naturalisme est une doctrine philosophique qui affirme que la nature n’a pas d’autre cause qu’elle-même et que rien n’existe en-dehors d’elle – le Petit Larousse Illustré). Personne ne croit à la vérité de ce mélange ! Si vous voulez tester l’histoire biblique, il vous faut la prendre dans son entier, avec tous ses détails.

De même avec les ossements : la Bible ne donne aucun détail sur la manière dont les gens mouraient, mais la tradition juive (le Midrash) rapporte que chaque année, le 9 Av, les Hébreux creusaient une immense tombe collective dans laquelle tout le monde se couchait; le lendemain, les survivants se relevaient, et ceux qui étaient morts étaient enterrés à cet endroit, lequel devenait leur tombe. Ils ne décédaient donc pas de manière régulière, avec des tombes égrenées sur toute l’étendue du désert.

De plus, le désert du Sinaï est une zone d’une étendue considérable, et le sable se déplace avec le temps. , surtout sur 3000 ans. Où exactement creuseriez-vous ? A quelle profondeur ? A combien d’excavations devrez-vous procéder avant d’avoir une chance de trouver quoi que ce soit ? On ne peut même pas compter sur 39 sites mortuaires, parce qu’il y a des endroits où ils séjournèrent plusieurs années; il y a peut-être 20 sites mortuaires sur toute l’étendue du désert du Sinaï. A combien d’excavations devriez-vous procéder pour obtenir une probabilité raisonnable de trouver l’un de ces 20 sites, chacun ayant à peu près la taille de 3 pâtés de maisons ? Le fait qu’ils n’aient pas encore trouvé les traces recherchées n’a ainsi aucune force probante; ce n’est en tout cas pas un argument contre l’Exode.{mospagebreak}

Section 4.

C’est l’archéologue Kathleen Kenyan qui a conduit les fouilles de Jéricho; elle prétend que la meilleure date que nous puissions donner de l’entrée du peuple Juif en Terre d’Israël est l’an 1400 avant l’ère commune. Constatant un écart de 150 ans entre la destruction de Jéricho et l’entrée du peuple juif dans le pays, elle en conclut qu’on ne peut pas attribuer aux Juifs la destruction de Jéricho. Ils l’auraient simplement imputée à leurs ancêtres, de sorte à les glorifier.

Comment cette archéologue en est-elle arrivée à la conclusion que la ville de Jéricho ne saurait avoir été détruite postérieurement à 1550 avant l’ère commune ? [Pour plus de détails sur ce qui va suivre, voyez la Biblical Archeological Review (Revue d’archéologie biblique, N.D.T.), Mars / Avril 1990, pp. 44-56.] Son argumentation est fondée sur l’absence de toute poterie cypriote importée; un certain type de poterie était importé de Chypre dans cette région pendant toute la période s’étendant entre 1550 et 1400 avant l’ère commune, et elle n’en trouva aucun exemplaire à Jéricho; elle en déduit que Jéricho doit avoir été détruite avant 1550 avant l’ère commune.

Mais cette conclusion est contestable, et peut en fait être attaquée sous 4 angles différents :

(1) Quant à la méthode : les conclusions basées sur une absence sont toujours particulièrement faibles (cf. ci-dessous).

(2) Elle remarque elle-même que Jéricho n’était située sur aucun des itinéraires commerciaux majeurs – est-ce dans un endroit isolé que vous espérez découvrir de la poterie importée ?

(3) Deux sondes ont été enfoncées dans ce qu’elle décrit comme étant le quartier le plus pauvre de la cité. Est-ce là que vous vous attendez à trouver de la poterie importée ?

(4) Elle a totalement ignoré le fait que de la poterie trouvée lors de précédentes excavations a été datée d’époques postérieures à 1550 avant l’ère commune.

N’oubliez pas que le gouvernement britannique l’a pourtant adoubée chevalier pour ses contributions en matière d’archéologie ! Ce n’est pas ici la place de se livrer à des spéculations sur ce qui peut conduire à tenir ce type d’argumentation branlante, mais nous n’avons certainement pas à renoncer nous sentir menacés dans nos vues par des critiques de ce genre !

En réalité, l’archéologie biblique beaucoup évolué au cours de ces 100 dernières années; elle était très critique au départ ("aucun élément de la narration biblique ne s’est vraiment passé, tout n’est que pure invention") puis, petit à petit, morceau par morceau, cet état d’esprit a été contredit par une myriade de détails. Non pas qu’ils aient totalement renoncé à toutes leurs vues originelles : ils tiennent toujours bon sur quelques points, dont ils pensent que la vérité n’a pas été suffisamment établie. Mais nous pouvons à tout le moins déduire deux conclusions : premièrement, la tendance générale est à la vérification progressive; l’archéologie corrobore de plus en plus le récit historique de la Torah. Deuxièmement, nous avons maintenant un aperçu quant à leur vision des choses : ils commencent en étant complètement négatifs et, petit bout par petit bout, admettent à contrecœur que certaines parties ont été vérifiées. En d’autres termes, ils imposent un standard de preuve déraisonnable pour la Bible.

L’archéologie peut parfois établir un fait positif : s’il est avéré qu’une ville a été brûlée, pillée ou détruite, on peut en déduire que cet événement arrivé suite à une action militaire. Il est par contre très difficile pour l’archéologie d’établir un fait négatif, c’est-à-dire que quelque chose n’est jamais survenu. Pour cela, il faut subodorer que si l’événement s’était passé, il en resterait des traces dans tel ou tel endroit; mais cette évaluation se révèle très complexe : comment savez-vous qu’il vous faut chercher dans un endroit donné et pas ailleurs ? Peut-être n’est-ce pas là la place que vous croyez : certaines cités ont été identifiées à 3 ou 4 endroits différents ! Souvenez-vous : les archéologues pensaient que les chameaux n’avaient pas été domestiqués à l’époque des Patriarches tout simplement parce qu’il se trouvait qu’ils n’avaient pas encore découvert tel sceau cylindrique ou tel hiéroglyphe spécifique; une fois qu’ils les eurent trouvés, ils comprirent que les chameaux avaient bel et bien été domestiqués.

Aussi, attention à l’archéologie lorsqu’elle prétend avoir prouvé l’absence de quelque chose; établir qu’une guerre n’a pas eu lieu, qu’une habitation n’a jamais existé ou qu’untel n’a pas été roi est très malaisé. Lorsqu’elle pense avoir prouvé l’existence d’un fait positif, l’archéologie est plus crédible. Bien sûr, même dans ce cas ses découvertes sont sujettes à interprétation et ne sont pas complètement fiables. Quoi qu’il en soit, je pense que nous sommes aujourd’hui à même de dire que l’archéologie ne présente pas autant de problèmes qu’autrefois. Elle est encore en évolution : de nouvelles découvertes sont encore en train d’être faites, des conclusions tirées, et il reste encore beaucoup à apprendre. Les nouvelles découvertes archéologiques prouvent progressivement, mais pour l’instant seulement partiellement, que la présentation de l’Histoire faite par la Torah est corroborée dans la réalité.

Je vais terminer ce chapitre par une idée due à William Albright, idée que je trouve fascinante pour l’éclairage général qu’elle jette sur l’histoire antique. Albright a trouvé une preuve que les Juifs ont influencé les Grecs. En effet, les noms des lettres hébraïques sont des mots hébreux : Alef, Bet, Guimel, Dalet, etc, ont tous un sens en hébreu; les noms des lettres grecques ont de toute évidence un lien avec leurs homologues hébraïques : Alpha, Bêta, Gamma, Delta, etc. Mais ces sons ne veulent rien dire en grec. Comment les Grecs ont-ils choisi ces noms pour leurs lettres ? Albright dit, et ceci a été par la communauté archéologique en général, qu’ils les ont pris aux Juifs. Il est concevable que cela se soit fait par voie indirecte, via les Philistins qui les auraient prises aux Juifs pour les donner aux Grecs, mais l’alphabet viendrait en dernière analyse des Juifs.

Or, si les noms même des lettres de l’alphabet grec leur vient de nous, pourquoi n’en irait-il pas de même d’autres éléments culturels ? Il est établi qu’il y a eu influence et qu’ils nous ont repris quelque chose; or, le nom des lettres de l’alphabet est absolument fondamental. Qui sait ce qu’ils ont pu reprendre d’autre ? Au lieu de réfléchir à la question de savoir comment les Grecs ont influencé les Juifs, un nouveau champ de recherche s’ouvre à nous : celui des influences juives sur les Grecs !

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CHEMOTH



Et voici les noms des enfants d’Israël qui sont venus en Egypte ; avec Ya‘aqov sont venus chaque homme et sa maisonnée. (1, 1)

Bien que la Tora les ait déjà comptés de leur vivant en indiquant leurs noms (Beréchith 46, 8 à 27), commente Rachi, elle les recense à nouveau après leur mort pour montrer combien Hachem leur est attaché. Car ils sont comparés aux étoiles, qu’Il fait sortir et rentrer en les comptant et en les appelant par leurs noms, ainsi qu’il est écrit (Yecha’ya 40, 26) : « Celui qui fait sortir leur légion céleste en les comptant les appelle toutes par leur nom. »

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