Clé electronique d’hôtel à chabath
Dans quelles conditions est-il permis, le Chabbath, d’utiliser les cartes servant à ouvrir les portes des chambres d’hôtel ?
Dans quelles conditions est-il permis, le Chabbath, d’utiliser les cartes servant à ouvrir les portes des chambres d’hôtel ?
Peut on signer un contrat pendant les trois semaines ? (17 Tamouz-9 Av)
DétailsIII
CROYANCE ET ACTION :
LES CRITERES POUR UNE DECISION RESPONSABLE
Section 1
La Torah se présente sous la forme d’un système pourvu de nombreuses qualités : elle est magnifique, elle inspire et pose un défi tout à la fois, elle est morale et profonde, elle sensibilise, et ainsi de suite; et elle est aussi l’expression de la vérité. Or, je ne veux traiter ici que de l’aspect "vérité"; le reste est tout aussi fondé, mais je ne n’en parlerai pas : chacun d’entre nous a la responsabilité de rechercher la vérité, et c’est ce que je veux essayer de faire ici.
Une remarque pour commencer : lorsque nous parlons de la Torah comme étant vraie, il nous faut nous limiter aux parties de la Torah qui sont descriptives, c’est-à-dire aux portions de la Torah qui décrivent des faits : comment le monde a vu le jour; les événements historiques, y compris peut-être ceux de nature miraculeuse; les prophéties, révélations, guerres, famines et migrations; la nature de l’être humain et celle de l’âme; les prédictions qui concernent l’avenir, comme par exemple la venue du Messie et ce qui se passe après la mort; les forces qui affectent l’Histoire; la manière dont D.ieu interagit avec l’Homme, et ainsi de suite. Dans tous ces cas, nous serons à même de trouver des affirmations présentées comme des descriptions de faits. Notre question sera donc la suivante : quelles sont les raisons que nous avons d’accepter ces affirmations comme vraies ?
L’expérience m’a toutefois enseigné qu’il est stérile de débuter une discussion quant à la vérité du Judaïsme avant de convenir au préalable de critères quant à son évaluation. Si je présente des idées, des preuves, des arguments ou des justifications, et que les standards par lesquels la validité de tous ces arguments doit être évaluée ne font l’objet d’aucun consensus, nous n’aboutirons certainement qu’à un dialogue de sourds.
Quel est l’étalon à choisir pour évaluer une preuve ? Il y a un standard pour mesurer la connaissance que nous devons à Descartes, et qui fait l’objet de beaucoup de discussion. D’après Descartes, je ne peux prétendre savoir quelque chose qu’à la seule condition d’être capable de rejeter catégoriquement toute autre alternative que je serais en mesure d’imaginer. Si je dis être sûr de A, la seule manière de conforter mon affirmation est pour moi d’être en mesure de réfuter définitivement toute autre alternative. Donc, si je prétends connaître A, vous pouvez me contredire en proposant n’importe quelle explication différente B. Il suffit que B soit dans le domaine du possible : si je ne peux éliminer B, et l’éliminer totalement, alors il me faut retirer mon affirmation de savoir A. Tel est le standard cartésien.
Or, il nous va falloir rejeter ce critère, et ce sur la base de deux arguments. Ce point est crucial, parce que nous tous avons tous été plus ou moins influencés par la norme cartésienne, et que nous l’utilisons de manière presque instinctive. Lorsque quelqu’un affirme savoir quelque chose et propose un argument pour conforter sa théorie, la réponse naturelle est d’essayer de le réfuter sur la base de Descartes ("N’est-il pas toujours possible qu’une explication différente soit la bonne ?"). Donc, il est important que nous nous entendions dès le début pour rejeter le critère cartésien.
La première raison pour rejeter Descartes est que si l’on vit réellement en fonction de ce standard, on ne sait plus rien du tout ! Toute prétention de savoir quelque chose peut être réfutée en utilisant un critère cartésien rigoureux. Descartes lui-même était gêné par cela. Comment savez-vous que vous n’êtes pas en train de rêver à cet instant précis ? De quelle façon pourriez-vous vous prouver, de manière catégorique, que vous ne dormez pas maintenant ? En vous pinçant ? Ne pourriez-vous pas vous pincer dans un rêve ? Etes vous en mesure de vous prouver à vous-même que vous n’allez pas vous réveiller dans 3 minutes au 22ème siècle, en train de penser : "Ah, voilà ce que j’obtiens à lire des livres historiques. J’ai rêvé que je vivais il y a plus de 100 ans, dans un endroit bizarre où l’air conditionné ne marchait pas correctement", etc. Or, d’après le critère de Descartes, vous ne savez pas que vous êtes éveillé du moment qu’il y a une alternative imaginable qu’en réalité vous dormez.
[Bien sûr, Descartes pensait qu’il pouvait prouver que (la plupart du temps) nous ne dormons pas. Mais aujourd’hui personne ne reconnaît sa preuve comme valide – nous ne pouvons pas prouver que nous ne dormons pas.]
L’exemple de Bertrand Russell consistait à demander si vous savez si l’Univers est en réalité vieux de plus de 5 minutes. Cinq minutes. Vous pouvez argumenter : "bien sûr, je me souviens de ce qui est arrivé hier". Mais je peux toujours suggérer que votre existence a commencé il y a cinq minutes avec tous ces souvenirs enregistrés dans votre cerveau. Si vous dites "et bien, j’ai une cassette du concert des Grateful Dead, et c’est une cassette de 45 minutes, donc forcément que le concert qui a été enregistré a duré au moins 45 minutes", la réponse est que le monde a débuté il y a cinq minutes, avec la cassette et les impressions magnétiques déjà dessus. "Tenez, on trouve des dépôts d’uranium en partie décomposés, et juste à côté les sous-produits provenant habituellement de cette décomposition, dans des proportions correctes." Là encore, on peut répondre que tout n’est apparu qu’il y a cinq minutes, y compris l’uranium et les sous-produits de décomposition. Donc, nous avons une explication alternative potentielle. Vous pensez que l’Univers a des millions ou des milliards d’années, mais on peut défendre l’hypothèse qu’il n’a que cinq minutes, étant apparu avec toutes les caractéristiques dont vous pensez qu’elles indiquent un âge plus élevé. Vous ne pouvez catégoriquement l’exclure. Donc, d’après Descartes, vous ne savez pas que l’Univers a plus que 5 minutes !
Vous pouvez continuer ainsi avec tout ce en quoi vous croyez, et si vous avez une imagination suffisamment inventive, vous pourrez toujours conjurer une alternative quelconque que vous ne pourrez réfuter définitivement, et par là même rejeter toute prétention à une connaissance. Ainsi, le critère de Descartes est stérile. Il est sans espoir. Il nous prive de tout ce que nous pensons savoir. Depuis que Descartes a commencé ce petit jeu, il y a 350 ans, tout le monde a essayé de trouver un différent standard, un autre étalon pour mesurer la connaissance. Il n’y a pas de réponse définitive à Descartes si ce n’est la certitude qu’il a certainement tort, et qu’un jour quelqu’un trouvera un critère acceptable. Ceci est la première raison pour rejeter le standard cartésien.
[Certains considèrent la suggestion de Descartes "je pense, donc je suis" comme une certitude absolue. Mais même cette déduction a ses détracteurs. Pourquoi Descartes assume-t-il l’existence d’un sujet ? Lorsque nous disons "il pleut", le mot "il" ne renvoie à personne ! De la même façon que "il pleut" signifie que la pluie est en train de tomber, peut-être que "je pense" veut simplement dire qu’une pensée existe. La déduction de quelque chose appelé "je" est sans aucune fondation. En fait, même les mathématiques et la logique ont leurs opposants. Il semblerait que rien ne soit absolument établi.]{mospagebreak}
Section 2
Il y a une autre raison pour rejeter Descartes, raison qui s’applique plus spécifiquement au Judaïsme. Quelle que soit la situation en matière de connaissances théoriques, nous utilisons un critère d’évaluation complètement différent quand il s’agit de prendre de manière responsable des décisions d’ordre pratique. Nous n’attendons pas d’avoir une certitude absolue avant d’agir. L’étalon que nous employons pour décider en pratique est basé sur la probabilité, compte tenu des alternatives. Si je dois décider quoi faire dans un cas précis, que je sais que mon comportement doit être fonction des circonstances – en d’autres termes, des faits -, et que je ne peux pas déterminer de manière absolue la situation réelle, il me faut utiliser l’information à ma disposition pour déterminer laquelle des différentes alternatives est la plus probable, et baser ma décision sur cette conclusion. Si j’agis ainsi, je me serai comporté de manière responsable, sinon de manière irresponsable.
[Ce raisonnement présuppose qu’aucun autre facteur ne joue de rôle – notamment, que les résultats respectifs des différents scénarios sont égaux. Je veux simplement illustrer ici l’idée qu’un défaut de certitude ne nous réduit pas à une prise de décision arbitraire.]
Ceci est vrai pour toutes nos décisions : quelle profession pratiquer, où vivre, qui marier, que faire de notre épargne, comment réagir face à la mort, etc. Dans tous les cas, et en particulier si je vous dois quelque chose, vous attendrez de moi que j’agisse de manière responsable quant à l’obligation que j’ai envers vous. C’est la norme à laquelle nous sommes tenus. Nous ne pouvons invoquer le fait que nous n’avions pas de preuve cartésienne pour justifier le fait que nous n’avons pas agi.
Par exemple, si j’emprunte votre voiture, et que vous me dites : "Ecoute, tu peux utiliser la voiture, mais tu dois savoir que les freins ont peut-être un problème. Donc, si tu entends un bruit ou quelque chose, amène-la au garage et fais-la réparer avant d’avoir un accident." Puis vous partez en voyage pour un mois. Lorsque vous revenez, vous remarquez que devant votre maison se trouve ce qui fut un jour votre voiture. Maintenant elle ressemble à un accordéon ! Vous me demandez ce qui s’est passé, et je vous réponds : "eh bien, j’ai eu un accident – les freins ne répondaient plus". Vous me dites :" Mais je t’avais prévenu. Je t’avais dit que les freins pouvaient avoir une faiblesse. Est-ce qu’ils ont fait du bruit ?" Je réponds "Oui, ils ont bel et bien fait du bruit". Vous me demandez : "alors, tu les as fait réparer ?" Je répartis "non, je ne les ai pas fait réparer". Vous demandez "pourquoi pas ?", et je vous dis "En fait, il était toujours possible que le bruit n’indiquait pas que les freins allaient lâcher. Il était possible que le bruit était causé par un ressort distendu ou quelque chose comme cela. Je n’avais aucune preuve qu’il s’agissait des freins."
Je ne pense pas que trouveriez la plaisanterie amusante ! Même si je n’avais aucune preuve, il y avait de fortes chances qu’il s’agissait des freins. Après tout, vous m’aviez averti de leur faiblesse, et nous savons que des freins usés couinent. Compte tenu de l’information que j’avais à ma disposition, l’alternative la plus probable était qu’il s’agissait des freins. J’aurais certainement dû les faire réviser ! Lorsque j’ai une décision à prendre, c’est sur la base de la probabilité la plus élevée (comparée aux autres alternatives) que je dois le faire si je veux me comporter de manière responsable.
Or, il est très important de comprendre que le Judaïsme est à la fois une question de théorie (est-ce que D.ieu existe ? Y a-t-il eu une Révélation au Mont Sinaï ? A-t-Il créé le monde d’une manière spécifique ? Quelle est la nature de l’âme ?) et une question de pratique. Le Judaïsme est un mode de vie. Bientôt il sera Chabbat. Vous devrez décider si vous aller allumer une cigarette ou non. Pendant la semaine, vous devrez décider si vous voulez manger un cheeseburger ou pas. Ce sont là des décisions de la vie de tous les jours. Le critère pour prendre des décisions de manière responsable est de peser les différentes alternatives sur la base de la plus grande probabilité. Une personne qui attendrait que le critère de Descartes soit rempli, c’est-à-dire que toutes les autres alternatives soient catégoriquement écartées, n’agirait pas de manière responsable.
Imaginez un médecin. Vous allez chez le docteur à cause d’un terrible mal au ventre. Le docteur vous dit : "Est-ce l’appendicite ou non ? Ecoutez, c’est peut-être nerveux. Peut-être est-ce un ulcère. Peut-être est-ce psychosomatique. Vous pouvez souffrir de toutes sortes de choses. Est-ce que j’ai une preuve qu’il s’agit de l’appendicite ? Non, je n’ai aucune preuve; la maladie pourrait être autre chose". Entre-temps, le patient meurt d’une rupture de l’appendice. Que dites-vous ? Vous vous dites que le médecin est un irresponsable. On n’attend pas d’avoir une preuve certaine quand la probabilité d’une des alternatives est plus élevée que celle des autres. C’est bien ce critère-là qui détermine la prise de décisions responsables.
Donc, quelle que soit la situation dans un cas théorique, le fait est que nous avons une vie à vivre et des décisions à prendre. Nous devons en particulier prendre position à propos du Judaïsme; par conséquent, notre critère doit être celui de la plus haute probabilité face aux alternatives. Lorsque je prétends ainsi que le Judaïsme représente la vérité, ou qu’un aspect spécifique du Judaïsme est vrai, j’aurai rempli ma tâche si je peux démontrer que cet aspect a la probabilité la plus élevée d’être vrai face aux autres explications potentielles.
Par exemple, admettons que j’argumente en faveur d’une certaine proposition A et que je présente mes preuves; si quelqu’un disait : "Je vois où vous voulez en venir, mais n’est-il pas concevable que A soit néanmoins faux, même compte tenu de vos preuves ?" Ma réponse sera: "Oui, c’est effectivement concevable. Nous ne sommes pas en train d’essayer de réfuter toute alternative concevable, mais seulement celles des alternatives qui semblent plus probables que A. Il ne suffit pas d’opposer à A quelque chose qui soit seulement imaginable; c’est trop facile et ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il faut trouver un concurrent de A ayant plus d’éléments positifs en sa faveur, ce qui est beaucoup plus difficile".
Voici un autre moyen de comprendre cette idée. Supposons que quelqu’un choisisse d’adopter la position d’être sceptique (certains disent que c’est ce que fit Socrates) : "Je ne sais vraiment pas ce qu’est la vérité, mais vous prétendez savoir. Eh bien, je suis prêt à vous écouter : exposez-moi ce que vous croyez être la vérité, et pourquoi selon vous c’est la vérité. Je suis prêt à être convaincu si vous pouvez prouver vos dires. Je ne veux pas accepter ce que vous croyez simplement parce que vous êtes convaincu – il existe bien trop de croyances différentes pour faire cela. Mais si vous pouvez démontrer que vous avez raison, je vous suivrai". Vous présentez vos arguments, vos preuves, et sa réponse est : "Ce n’est pas une bonne preuve, parce que quelque chose d’autre pourrait aussi être vrai".
Où se situe l’erreur du sceptique ? Il vous impose l’entier du fardeau de la preuve. Or, nous pouvons être sceptiques quant à son scepticisme ! Si je lui présente des indices en faveur de la vérité de ce que en quoi je crois, il ne lui suffit pas de simplement indiquer que cela pourrait encore être faux : il doit donner des indices positifs qui indiquent mon erreur. La simple possibilité d’une erreur n’est pas une raison suffisante pour rejeter un argument. Le scepticisme absolu – demander une preuve certaine – est injustifié et déraisonnable. La raison pour laquelle il est injustifié est que nous recherchons des indices sur lesquels baser une action. Nous pouvons demander au sceptique : "Très bien – nous avons donné des indices positifs de notre bien-fondé. Si vous deviez agir, est-ce que ces indices suffiraient ? Bien sûr, nous pouvons encore avoir tort. Mais les preuves sont suffisamment convaincantes pour que nous soyons requis d’agir comme si c’était vrai. Dans le cas contraire, nous nous comporterions de manière irresponsable. Cela nous suffit."
[Si tout ce que avons est une probabilité plus élevée que celle des alternatives, est-ce que cela justifie une croyance absolue ? Que faire alors des principes de la foi juive qui énoncent : "Je crois d’une fois parfaite que …" ? En fait, nous souffrons ici d’un problème de traduction : ma’amin et emouna ne veulent pas dire "foi" en hébreu, mais bien plutôt loyauté – vivre en conformité avec une idée ou un principe. Voici des preuves textuelles : Genèse 15:6; Exode 19:9; Nombres 14:11, 20:12; Deut. 28:66; Psaumes 116:10, 119:66; Job 4:18, 15:15 parmi d’autres. Quand il y a assez de preuves pour justifier une décision d’agir, alors l’action doit être menée avec une parfaite confiance. Lorsque les indices sont en faveur d’une opération chirurgicale, cette opération doit être accomplie sans compromis. La foi juive demande une loyauté complète aux principes pour lesquels nous avons suffisamment d’indications de leur vérité.]{mospagebreak}
Section 3
Notre réponse naturelle à l’argument du sceptique sera la suivante; une personne dira : "Ecoutez, si je prétendais croire en D.ieu, vous pourriez me demandez comment je sais; c’est-à-dire, quelles sont mes preuves, mes indices, mes justifications. Si je prétendais être athée, vous pourriez me demander comment je sais; c’est-à-dire, comment est-ce que je sais qu’il n’y a pas de D.ieu, quelles sont les preuves dont je dispose, quels sont les indices que je peux présenter. Mais je ne prétends rien du tout. Je n’affirme ni savoir que D.ieu existe, ni qu’Il n’existe pas. Je suis agnostique. En tant qu’agnostique, j’admets aisément mon ignorance. Comme Socrates, je dis ne pas savoir. Certainement vous ne pouvez pas me demander de justifier cette position ! Que pourrais-je justifier, une absence de connaissances ? Il se trouve simplement que je ne sais pas, et je suis suffisamment honnête pour l’admettre. Comment pouvez-vous me demander de présenter des justifications, des preuves, des arguments alors que je ne fais qu’avouer mon ignorance ?"
Cette observation est une erreur, ou peut-être devrais-je dire qu’elle induit en erreur. Il est vrai que sur un plan intellectuel, sur le plan de la croyance, il y a trois positions possibles regardant n’importe quelle assertion particulière. Je peux croire A, ne pas croire A, ou être indécis quant à A. Mais quant il s’agit d’agir, il n’y a que deux positions. Soit vous agissez comme si A était vrai, soit vous agissez comme si A était faux. Il n’y a pas de position médiane.
Peut-être pouvez-vous dire à propos de la révélation au Sinaï : "Je ne sais pas, peut-être D.ieu nous a-t-Il vraiment commandés de respecter le Chabbat, et peut-être que non. Je n’ai pas vraiment décidé." Mais le prochain Chabbat, vous aller fumer une cigarette ou pas. Il n’y a pas de juste milieu entre fumer et ne pas fumer. Ou vous vous engagez à respecter les lois du Chabbat ou pas. Il n’y a pas d’échappatoire à ce choix. Or, quand il s’agit de ce choix, on peut vous demander de vous justifier. Et parce que c’est un choix, il doit être pris sur la base de la probabilité la plus élevée face aux alternatives.
Ceci signifie que les actions de l’agnostique vont contredire sa neutralité intellectuelle prétendue. Pour prendre un exemple simple, admettons qu’il y ait une vague rumeur que les conduites d’eau de Jérusalem aient été contaminées par le typhus. Il s’agit seulement d’une rumeur, mais de telles rumeurs ne font pas surface tous les jours. Vous demandez à quelqu’un ce qu’il pense de cette rumeur, et il vous répond : "Eh bien, je ne sais pas vraiment, je suis agnostique. Je ne sais pas si c’est vrai ou faux. Après tout, je ne sais pas qui a lancé cette rumeur. Peut-être est-elle sans fondement." Tout en vous disant cela, il va au lavabo, se verse un verre d’eau du robinet, et le boit. Il peut bien prétendre qu’il n’a pas décidé, mais la vérité est qu’il a fait son choix, ou alors il n’aurait pas bu l’eau !
Vos actions vous engagent envers l’une ou l’autre des alternatives à la question, même si vous prétendez être intellectuellement neutre. La plupart des gens utilisent l’agnosticisme comme une simple esquive. Il est très rare de rencontrer un agnostique qui prenne ses précautions. L’agnostique mangera son cheeseburger à Yom Kippour (le jour juif du Jugement, pendant lequel tous les juifs ont l’obligation de jeûner) sur la plage sans aucune arrière-pensée. Son agnosticisme est simplement un moyen de se protéger contre la critique. " Vous me demandez de me justifier, mais je n’affirme rien du tout, donc je suis libre de manger mon cheeseburger." Ce n’est malheureusement pas aussi simple.
Si réellement vous ne savez pas si le Judaïsme est vrai ou faux, cela devrait se traduire à l’extérieur par une forme de comportement positif. Par exemple, par une prise de précautions, ou par une recherche sérieuse et, dans l’intervalle, pendant ladite investigation, en mettant les chances de votre côté en évitant de manger de cheeseburger. Il est très rare de trouver un agnostique qui fasse cela, ce qui signifie soit que son agnosticisme est un simple prétexte, soit qu’il est le résultat d’une réelle confusion intellectuelle. Un homme qui penserait "puisque je suis agnostique, je n’ai pas d’obligation de faire quoi que ce soit" ferait une erreur, comme vous pouvez le constater dans tout exemple où l’indécision porte sur un point d’importance. S’il était vraiment agnostique quant à l’eau empoisonnée, il n’en boirait pas ! Pour la même raison, il semble que si quelqu’un était vraiment agnostique, il devrait logiquement adopter un mode de vie religieux. En d’autres termes, il devrait vivre sa vie comme si la religion était vraie, de manière à se protéger contre l’énorme perte qu’il souffrirait si tel était bien le cas et qu’il n’avait pas vécu sa vie en conséquence.{mospagebreak}
Section 4
Un dernier point. Certaines personnes sont troublées par une fausse distinction; elles disent : "Ecoutez, c’est un problème de peu d’importance que de savoir où investir son argent, quelle profession choisir, et peut-être même qui marier, toutes ces décisions étant d’une importance limitée. On peut revenir dessus. Si je décide d’investir 10’000 F dans AT&T, et que je les perds, ce n’est pas la fin du monde. Avec un peu de chance, je peux me refaire. Si j’apprends un métier et qu’en fin de compte il n’y a pas de débouchés, je peux toujours choisir une autre profession ou déménager vers un pays où mon métier est demandé. Si je marie quelqu’un et qu’il s’avère que c’était une erreur, je peux toujours divorcer et marier quelqu’un d’autre. C’est une décision limitée, à l’importance limitée, et peut-être puis-je la prendre sur la base de la plus grande probabilité comparée aux autres alternatives. Mais vous me demandez de prendre une décision quant à ma vie entière. Ceci est toute ma vie, je devrais absolument tout changer, mes valeurs, mon comportement, etc. Certainement, pour une telle décision j’ai le droit de demander plus qu’une probabilité élevée. Pour la prendre, j’ai besoin d’une preuve solide, ou à tout le moins une probabilité qui soit extrêmement élevée. Ne puis-je pas avoir un critère plus exigeant quant il s’agit de ma vie entière ?"
Je pense que ce raisonnement est une erreur, et cela pour trois raisons. Tout d’abord, même la décision de mener un mode de vie religieux peut être renversée. Certaines personnes essaient et décident que ce n’est pas fait pour eux. Il n’y ainsi sur ce plan-là pas de différence fondamentale entre cette décision et d’autres. Ensuite, un mode de vie religieux n’implique pas de devoir tout changer. Les personnes pratiquantes ont une famille, un métier, partent en vacances, ont un ordinateur, etc. Bien sûr, certaines activités doivent changer, et les priorités sont différentes. Mais chaque décision dans la vie amène sa part de changements. Il se peut qu’il y ait là une différence quantitative – vivre en conformité avec la religion signifie comparativement plus de changements. Mais cette différence n’est pas suffisante pour justifier un critère radicalement différent quand il s’agira de prendre la décision.
La troisième raison est la suivante : même quand les enjeux sont énormes, du moment qu’ils sont les mêmes pour les deux alternatives, nous utiliserons quand même le critère de la probabilité la plus élevée pour prendre la décision. La seule dimension de l’importance de la décision ne change pas le processus. Vous pouvez le voir dans l’exemple suivant : supposons que vous alliez chez le médecin et qu’il contrôle votre condition physique. Il vous dit que vous avez les symptômes de deux maladies possibles. Vous avez certainement l’une des deux, mais il n’est pas évident de savoir laquelle. Cela peut être A ou B. Dans les deux cas vous avez besoin d’une opération, sinon vous allez mourir dans deux mois. Si vous avez la maladie A vous avez besoin de l’opération A’, si vous avez la maladie B vous avez besoin de l’opération B’. Si on vous administre la mauvaise opération (par exemple, vous avez la maladie A et les chirurgiens pratiquent l’opération B’), vous mourrez également au bout de deux mois. Nous avons ici un réel dilemme. Doit-on pratiquer une des deux opérations, et si oui laquelle?
Maintenant, supposons que compte tenu des symptômes, et en les comparant avec les personnes qui ont déjà eu ces maladies, il apparaît que dans votre cas il y a 52% de chances que vous ayez la maladie A, et 48% de chances que vous ayez la maladie B. Cette une différence de 4%, mais cela ne donne aucune preuve quant à savoir quelle chirurgie est la plus adaptée ou laquelle choisir. Diriez-vous : "Ah, eh bien, je n’ai pas de preuve qu’aucune des deux opérations soit la bonne, et par conséquent je ne veux avoir aucune des deux." J’en doute fort ! Toute indique que dans ce cas vous mourrez dans deux mois !
Diriez-vous : "Mais je n’ai aucune preuve quant à savoir quelle opération est la meilleure, donc je ne sais pas laquelle choisir ?" Si les statistiques montrent que A’ vous donnent 4% en plus de chances de survie, alors ces 4% additionnels, qui sont tout ce que vous pouvez avoir dans ces circonstances, valent la peine qu’on les choisisse. La question ici un problème de vie ou de mort, et non pas simplement d’avantages ou d’inconvénients, mais le critère n’en est absolument pas changé. Le critère pour mon choix est : comment puis-je avoir une probabilité de survie plus élevée ? La différence entre les deux alternatives n’est que de 4%, mais cela n’a aucune importance. Je veux ces 4% supplémentaires !
Parfois je présente l’argument de la façon suivante : supposons que vous soyez suspendu au‑dessus d’une falaise et que, dans l’attente d’être secouru, vous ne vous teniez que par une branche d’arbre, sans qu’il soit clair si la branche tiendra indéfiniment. Elle émet des bruits inquiétants, et il y a une autre branche vers laquelle vous pourriez vous déplacer, mais il n’est pas sûr que la deuxième branche soit plus résistante. Admettons que vous vous y connaissiez en arbres et que vous estimiez que la probabilité que la deuxième branche soit plus solide que la première est de 3% plus élevée que la probabilité de l’alternative inverse. Est-ce que vous vous direz : "Après tout, c’est ma vie. Puisqu’il s’agit de ma vie, j’attends une preuve que la deuxième est plus résistante. Je ne change rien à ma vie sans la certitude absolue que le changement sera pour le mieux." Bien sûr que non. Vous avez 3% de chances de survie en plus sur la deuxième branche. VOUS BOUGEZ ! Vous vous procurez une amélioration de 3% de votre probabilité de survie. Ainsi, le fait que les enjeux soient élevés, dans notre cas les plus élevés possible, c’est-à-dire la survie, ne change absolument rien au critère utilisé pour faire un choix. Le critère du choix reste toujours le même : la probabilité la plus élevée au regard des alternatives existantes.
[Bien sûr, cette analogie ne marche que si les alternatives et leurs conséquences sont définies avec soin. Je suis en train de décrire les deux possibilités – vivre une vie religieuse ou non religieuse – comme offrant des conséquences infinies. Ceci n’est vrai que si les deux proposent des valeurs infiniment précieuses. A ce moment-là, le choix du mode vie devient le choix des vraies valeurs. L’analogie fonctionne ainsi : la bonne opération / la bonne branche conduit à la vie, la mauvaise opération / la mauvaise branche à la mort; vivre en conformité avec la vérité permet d’obtenir un bien infini, en conformité avec son contraire conduit au malheur infini. Dans ce cas, il est correct de suivre l’alternative la plus vraisemblable, même si la différence n’est que minime. Parfois, certains objectent que l’analogie n’est pas valable, car j’ai laissé en-dehors les coûts relatifs des deux alternatives. On peut présumer que changer de branche ne coûte rien, et le prix des opérations n’est pas mentionné. Que se passerait-il s’il en coûtait 100 F, ou 10’000 F, ou 1’000’000 F pour changer de branche, ou pour avoir l’opération A’ au lieu de B’ : certainement, il y a un prix que les quelque pour-cent additionnels de chances de survie ne valent pas ? Dans le cas de la Torah, si les indices de vérité ne sont pas très convaincants, il se peut que le coût d’un mode de vie religieux devienne un facteur pertinent dans la prise de décision. Cette objection admet deux réponses. Premièrement, la décision de sacrifier les pour-cent supplémentaires ne fait peut-être que refléter le fait que certaines personnes ont une valeur limitée de leur propre existence : les gens risquent leur vie pour toutes sortes de raisons triviales! Ensuite, il n’est pas clair qu’un mode de vie religieux représente un coût supplémentaire. Si nous prenons les statistiques de la violence, de la consommation de drogues, de l’alcoolisme, de divorce, de suicide, d’illettrisme, etc., il semble que vivre religieusement pourrait bien être une bonne affaire !]{mospagebreak}
Section 5
Donc, nous allons rechercher la plus grande probabilité de vérité face aux alternatives. La stratégie que nous allons spécifiquement utiliser pour vérifier la Torah a deux facettes, et j’aimerais vous les expliquer. Tout d’abord, certaines parties de la portion descriptive de la Torah peuvent être examinées directement, comme les affirmations à propos d’événements historiques. Certaines d’entre elles sont des prédictions qui ont été faites à propos de temps déjà révolus, de sorte qu’elles peuvent être vérifiées à présent. D’un autre côté, certaines des parties de la portion descriptive de la Torah ne peuvent faire l’objet d’aucune investigation directe, comme par exemple ce qui arrive à l’âme après la mort; ou encore, toutes les prédictions qui doivent être réalisées dans le futur, comme la venue du Messie, et qui ne se sont bien sûr pas encore réalisées. Celles qui peuvent être examinées directement, le seront. Mais qu’allons-nous faire de celles qui ne le peuvent pas ?
La réponse est la suivante. Nous avons un ensemble unitaire et coordonné d’informations. Chaque fois que vous trouvez un tel ensemble, que certaines de ses parties peuvent être vérifiés directement et que d’autres ne le peuvent pas, le fait que la partie vérifiable soit vraie donne de la crédibilité à l’ensemble. Vous ne pouvez pas choisir arbitrairement, et dire : "Je ne crois que ce que j’ai pu vérifier. Le reste, que je n’ai pas testé, je n’ai aucune raison de l’accepter." Au contraire, si la partie testée est vraie, alors la partie non testée sera vraisemblablement fondée également.
Ceci est vrai dans tous les domaines de la vie. Par exemple, en science, n’importe quelle théorie a une infinité de conséquences. Personne ne teste jamais ne serait-ce qu’une petite partie de cette infinité ! Nous ne disons pas : "Voyons, Einstein a prédit que lorsque la lumière passerait à côté du soleil, elle serait légèrement déviée. Nous avons testé la théorie à 14 occasions et nous savons que ces 14 fois les rayons ont bel et bien été courbés. Mais tous les autres cas que nous n’avons pas examinés ? Je n’ai aucune raison de croire quoi que ce soit parce que je n’ai pas encore vérifié." Non, nous disons que la partie qui a été contrôlée est un indicateur de la pertinence du reste également. De la même façon, concernant une encyclopédie, ou un journal, ou toute autre source d’informations : lorsqu’ils vous donnent des informations que vous pouvez vérifier directement, et qu’après vérification ces informations sont exactes, cela donne à l’ensemble une certaine crédibilité. Vous pouvez étendre la crédibilité au tout.
Supposons que quelqu’un dise : "Je ne crois que ce que je peux vérifier moi-même empiriquement. Je n’ai confiance ni dans l’opinion ni dans les travaux de qui que ce soit d’autre. Je ne crois que ce que je vois moi-même." Cette personne ne croira pratiquement en rien dans ce monde. Je demande souvent à une telle personne si elle sait qui sont ses parents. Comment le savez-vous ? Avez-vous procédé à un test d’ADN ? Sans doute que non. Ils sont chers et très rares. Vous leur faites probablement confiance parce qu’ils vous l’ont dit. Mais peut-être qu’ils ont menti. Vous n’avez pas pris d’empreinte digitale de votre mère à votre naissance ! Alors comment pouvez-vous savoir qui est votre mère ? Vous le savez parce qu’elle vous a appris beaucoup de choses, et que d’habitude elle est crédible. Il est toujours concevable que vous ayez été adopté, mais c’est très improbable, et cela vous suffit.
Que penser du passé en général ? Vous ne pouvez pas retourner dans le temps et observer la Révolution. Vous y croyez parce que les gens ont écrit des livres à son propos. Il y a des documents, des lettres, des objets. Ceci signifie que vous faites confiance aux observations, aux rapports de quelqu’un d’autre. Savez-vous qu’il existe un pays appelé Chine ? Comment le savez-vous ? Vous n’avez jamais été en Chine (la plupart d’entre vous). Connaissez-vous le point d’ébullition du mercure ? Comment le savez-vous ? Vous l’avez lu dans un livre, ce qui veut dire que vous faites confiance à son auteur, au scientifique qui a procédé à l’expérience.
Nous sommes toujours en train d’accepter les affirmations d’autres personnes. Nous ne le faisons pas aveuglément : nous savons que certaines personnes mentent. Nous savons également que certaines personnes sont compétentes dans des domaines donnés et incompétentes dans d’autres, et que nous pouvons accepter leurs affirmations dans certains cas et pas dans d’autres. Nous sélectionnons ce en quoi nous croyons. Mais nous ne pouvons faire autrement que de porter une crédibilité d’ensemble à une source sur la base de la vérification de certaines de ses assertions. Sinon, nous ne croyons pratiquement en rien.
Ceci est la manière dont n’importe quelle décision est prise dans la vie. Que j’aie à décider quoi manger, quel métier apprendre, où vivre, ce sera toujours de cette façon que je trancherai. Imaginons une personne qui prenne toutes ces décisions dans la vie sur une telle base, mais qui changerait d’avis quand il s’agirait de religion : "Oh non, pour la religion j’ai des standards différents. J’évalue de manière beaucoup plus stricte. Je veux une preuve indépendante de chaque affirmation." Une telle personne aurait deux poids et deux mesures. Elle utiliserait un type de standard pour une décision normale, mais vis-à-vis de la religion elle utiliserait un standard différent. Cela signifie qu’elle serait biaisée : elle ne ferait qu’essayer de se protéger contre la conclusion. Je demande simplement de cette personne qu’elle utilise les mêmes critères pour la religion que ceux qu’elle utilise quant aux autres décisions.{mospagebreak}
Section 6
Le second aspect de la vérification de la Torah est le suivant : supposons que vous ayez un domaine de la vie donné, et que dans ce domaine vous pensez être à même d’expliquer les différents phénomènes que vous observez. Cela peut être la trajectoire des boules sur une table de billard, certains types de réactions chimiques, les images des nuages de particules dispersées dans une chambre d’expérimentation, le comportement des missiles, etc. Vous avez ce qui vous semble être un catalogue de tous les agents et causes pertinents dans ce domaine. Puis vous croisez un nouveau phénomène qui semble appartenir au même domaine, mais pour lequel votre liste de causes est insuffisante. Je ne veux pas dire que vous ne savez pas encore comment expliquer ce nouveau phénomène. Je veux dire que vous savez qu’aucun des agents que vous connaissez ne peut l’expliquer. Que faites-vous dans ces circonstances ?
Je vais vous donner un exemple. Au début des années 1920, on cherchait à connaître la structure de l’atome. Il y eut une période où l’on croyait que le noyau était composé exclusivement de protons. Or, les protons sont chargés positivement, et les lois de l’électrostatique veulent que les charges de même sens se repoussent. Le problème était donc de comprendre comment tous ces protons pouvaient rester ensemble dans le noyau ? Pourquoi ne se repoussaient-ils pas les uns les autres ?
A cette époque, les deux seules forces non dynamiques qui figuraient au catalogue de la science étaient l’électromagnétisme et la gravité. L’électromagnétisme tend à séparer les protons. Est-ce que la gravité peut les maintenir ensemble ? Ceci est impossible, parce que la gravité est plus faible que la force électromagnétique, et ce de plusieurs ordres de grandeur. Le cas d’école est le suivant : vous avez un aimant que vous tenez au-dessus d’un clou en fer et, alors que vous vous rapprochez du clou, il va tout d’un coup sauter contre l’aimant. Vous pouvez considérer la situation comme une sorte de tir à la corde : d’une part, vous avez l’aimant qui tire vers le haut, et de l’autre la Terre entière qui tire vers le bas, et pourtant l’aimant gagne facilement. Ceci vous donne une idée de la différence qui existe entre gravité et électromagnétisme, en faveur de ce dernier.
Alors, pourquoi les protons restent-ils ensemble ? Il n’y a qu’une seule réponse possible : une autre force existe. La force nucléaire. Nous devons étendre notre catalogue de forces, parce que celles que nous connaissons déjà ne peuvent expliquer le phénomène. Nous avons raté un agent causal qui est responsable du phénomène. C’est la façon dont ça marche dans la vie. Nul besoin d’ailleurs de rechercher des exemples aussi sophistiqués que ceux de la physique nucléaire : par exemple, quelqu’un a été tué; j’ai contrôlé le maître d’hôtel, le chauffeur, le livreur. Ils ont tous de bons alibis. Qu’est-ce que j’en conclus ? Ce doit être quelqu’un d’autre. Comme aucune de ces personnes ne peut être le coupable, je dois trouver quelqu’un d’autre.
Ici, nous sommes en présence d’une structure similaire. Nous allons examiner l’histoire juive; en particulier, nous allons examiner des caractéristiques uniques de l’histoire juive, caractéristiques qui distinguent l’histoire des Juifs de l’histoire de tous les autres peuples. Ceci doit être compris au sens littéral. Bien sûr, l’histoire d’une personne est toujours différente de celle d’une autre personne; sinon ce ne serait pas la sienne, mais celle de quelqu’un d’autre ! Ce que je veux dire, c’est que l’histoire juive a certaines caractéristiques qui la distinguent de celles que toutes les autres nations du monde partagent. Il y a certaines particularités que tous les autres peuples ont en commun, mais à propos desquels l’histoire juive se distingue. Donc, si je regarde l’histoire et que je constate cette situation, il me faut trouver un agent causal qui puisse l’expliquer.
Laissez-moi rendre tout ceci un peu plus parlant pour vous. Imaginez un Martien qui visiterait la Terre, qui découvrirait sa flore et sa faune, y compris et surtout l’humanité, et qui étudierait l’histoire des différentes civilisations pour y découvrir certaines constantes. Peut-être ne seraient-elles pas très profondes ou théoriques, mais quand même : il y a une manière dont les nations réagissent à la famine, à la guerre, à la paix, au succès, à l’échec, à la réalisation culturelle ou à la stagnation, à la création d’un empire et à sa dissolution, etc. Imaginez le Martien contemplant les Chinois, les Romains, les Nigériens, les Esquimaux, les Incas et ainsi de suite. Imaginez qu’il fasse cela pour toutes les cultures et civilisations à part les Juifs, et qu’il établisse des règles pour décrire la façon dont les êtres humains réagissent aux différentes circonstances de la vie.
Ensuite il en vient à l’histoire juive. De manière générale, il y a deux possibilités : soit il va dire : "Oh, c’est plus ou moins la même chose. Ce qui est arrivé aux Juifs au 15ème siècle ressemble à ce qui est arrivé aux Incas au 10ème siècle. Ce qui est arrivé aux Juifs au 19ème siècle ressemble à ce qui est arrivé aux Chinois au 4ème siècle. Vous pouvez trouver des parallèles. L’un dans l’autre, tout cela se ressemble beaucoup." Vous vous attendrez alors à ce que l’histoire juive puisse être expliquée par les mêmes forces, les mêmes puissances et les mêmes causes que celles des autres nations. Ceci est la première possibilité.
L’autre possibilité est que le Martien dise : "Voilà qui est absolument unique. Cela contredit tout ce que à quoi je m’attendais. Ce que je constate ici ne rentre pas dans la structure commune à tous les autres peuples et civilisations. C’est quelque chose de résolument nouveau." Mon argumentation va consister à démontrer que l’histoire juive est quelque chose de fondamentalement différent – qu’un Martien honnête va conclure dans sa perspective qu’elle n’est pas comme l’histoire des autres nations dans les domaines où l’on constate par ailleurs des convergences.
Si cela est vrai, que va en conclure le Martien ? Il devra en déduire que quelque chose de tout à fait unique a produit ces spécificités. Les types de causes qui ont conduit à l’émergence, au développement et à la chute des autres civilisations, qui de manière générale partagent certains éléments communs, ne sont pas responsables du développement de la civilisation juive, parce qu’elle est unique en ce domaine. Donc, il devra ajouter à son catalogue de causes un nouvel agent X. Et en examinant soigneusement les aspects spécifiques de l’histoire juive, il pourra en inférer certaines caractéristiques que X devra posséder pour être capable de produire ce phénomène unique.{mospagebreak}
Section 7
Laissez-moi juste illustrer le déroulement d’une partie de l’argumentation. Je ne suis pas encore en train de présenter mes arguments ni de les défendre, je ne fais qu’illustrer la méthodologie. Les détails, qui seront présentés ci-dessous, nécessiteront de plus amples explications. Considérez la survie du peuple juif au cours des 2’000 dernières années : c’est à mon avis quelque chose d’unique. Aucune autre nation n’a subi de telles pressions, historiques et culturelles, et survécu. Il n’y a rien qui s’approche de près ou de loin à ce que les Juifs ont traversé. Puisque ce phénomène est unique, il a forcément une cause : c’est le fameux X qui doit être ajouté au catalogue des agents historiques.
A quoi doit ressembler X ? Voyons : qu’a-t-il produit ? Tout d’abord, il a maintenu l’existence d’une civilisation dans des conditions qui auraient dû conduire à sa disparition. A quoi cette force doit-elle alors ressembler ? Elle doit disposer d’une énergie ou puissance considérable : ce n’est pas rien que de maintenir une civilisation de millions de personnes sur des milliers d’années.
Ensuite, ce pouvoir doit disposer d’une intelligence considérable. Il maintient une civilisation ! Il permet la subsistance d’un assemblage complexe de comportements humains, de croyances, de valeurs, d’une littérature, d’une certaine vue du monde, etc. Troisièmement, ce pouvoir doit avoir un intérêt particulier dans cette civilisation spécifique. Après tout, c’est la seule civilisation que ce pouvoir a fait survivre.
Donc, à partir de ce seul effet – l’existence d’une civilisation dans des circonstances où d’autres civilisations se sont désintégrées – vous pouvez déduire qu’une telle force doit avoir une certaine quantité de puissance, d’intelligence, et un engagement envers le mode de vie juif. Sinon elle ne pourrait expliquer l’existence de cette civilisation. Or, ceci est une description de D.ieu. Voici en deux mots la manière dont on peut considérer un facteur unique de l’histoire juive, l’expliquer en postulant qu’une force spécifique en est responsable, déduire du phénomène quelques caractéristiques minimales de cette force pour en arriver à une indication de l’existence de D.ieu.
DétailsIV
Prédictions réalisées
Section 1.
Sur la base des deux derniers chapitres, nous pouvons tirer deux conclusions : (1) Pour agir de manière responsable, il faut rechercher la vérité et utiliser la meilleure approximation que l’on peut en obtenir comme base de son action; agir sur la base de considérations pragmatiques sans égards pour la vérité est irresponsable, tout comme le sont des exigences de disposer de preuves absolues avant d’agir. (2) La somme exacte d’indices qui doit être réunis pour requérir action ne saurait être déterminée avec précision; elle reste sujette à controverse. Ce qu’il nous faut ainsi démontrer en l’espèce, c’est qu’il y a assez d’indices pour se décider, et ce quelle que soit la mesure utilisée pour prendre des décisions responsables. L’argument invoqué ici est celui de la cohérence : si vous gardez vos standards usuels pour agir de manière responsable, il vous faut vivre en conformité avec la Torah .
Nous allons maintenant commencer à passer en revue les différents arguments. A titre préliminaire, j’aimerais toutefois faire deux remarques de mise en garde. Tout d’abord, lorsqu’un argument est présenté, cela pour conséquence de renforcer la crédibilité de l’hypothèse de la véracité de la Torah. Répondre qu’il est toujours concevable que la Torah soit fausse est exact, mais hors propos. Le but n’est pas de réfuter toutes les alternatives concevables, mais simplement de présenter le Judaïsme comme l’alternative la plus probable.
Deuxièmement, à ce stade nous ne faisons que rassembler des indices; ceci signifie qu’aucun d’entre eux n’emportera normalement la décision par lui-même. Pour prendre le parallèle d’un procès pénal, il n’est en soi pas suffisant pour condamner un meurtrier de trouver ses empreintes digitales sur la scène du crime, ni de découvrir dans sa maison une arme similaire à celle qui a donné la mort, ni qu’il ait un motif, ni de l’avoir vu sur place à l’heure du crime. Mais le poids de l’ensemble peut par contre être suffisant. Donc, pour me répéter une fois encore, il ne serait pas pertinent de répondre : "cet indice n’est pas suffisant pour justifier la croyance que la Torah dit vrai". Bien sûr que non, aucun indice ne pourrait suffire à lui seul; seul l’ensemble pèse suffisamment lourd; or, ce ne sera que dans le dernier chapitre que nous procéderons à une synthèse de tous les arguments; d’ici là, il nous faut examiner chacun d’entre eux pour vérifier s’il est pertinent, si c’est-à-dire s’il indique bien que l’hypothèse la plus plausible est que la Torah dise vrai.{mospagebreak}
Section 2.
Aux chapitres 28 à 30 du Deutéronome se trouve une prédiction de ce qui arrivera au peuple juif s’il ne vit pas à la hauteur des attentes de la Torah. Il y est annoncé une conquête militaire accompagnée d’un massacre gratuit de la population, hommes et femmes, enfants et vieillards, etc; sont également prédits un exil conduisant à une dispersion de la population dans le monde entier, ainsi que l’absence de tout gouvernement indépendant pendant toute la période de diaspora mondiale subséquente. Une des conséquences annoncées de cet exil sera que les Juifs seront ramenés en bateau en Egypte pour y être vendus comme esclaves, mais qu’ils n’y trouveront pas d’acheteurs. Néanmoins, et toujours selon le texte, le peuple Juif survivra, ne sera jamais complètement détruit, et retournera finalement vers la Terre d’Israël. Enfin, il est également prédit que le conquérant parlera une langue que le peuple Juif ne comprendra pas.
Ainsi qu’il a été démontré au long du chapitre II, il est crucial que cette prédiction soit spécifique aux Juifs, c’est-à-dire que nul autre peuple ne saurait y croire; si tel n’est pas le cas, il lui est impossible de remplir le rôle d’expérience-clé, car elle ne permet pas d’effectuer une distinction entre les prétentions des Juifs et celles des autres peuples. Par conséquent, il nous faut nous demander pour chacun des détails de cette prédiction si sa réalisation aurait pu être expliquée par une analyse sociologique des conditions de l’époque, ou par une idéologie concurrente – ou bien s’il s’agit de quelque chose que seule une vision juive de l’Histoire permet d’expliquer.
[Bien sûr, si quelqu’un accepte cette prédiction sur la base de nos sources, cela ne saurait compter contre nous ! Si les Chrétiens et les Musulmans acceptent les chapitres 28 à 30 du Deutéronome et prédisent que les Juifs seront exilés en conséquence de leur échec à vivre en conformité avec la Torah, le fait les trois religions sont d’accord sur cette prédiction.]
Examinons maintenant quels sont les détails de cette prédiction qui auraient pu être expliqués par un observateur au point de vue différent de celui de la Torah. Prédire une conquête n’est vraiment pas très difficile : tout le monde est conquis un jour ou l’autre.
La prédiction mentionne également une destruction totale, la décimation de la population et l’exil; ceci était plus rare dans le monde antique. C’était certes possible, mais peu fréquent en pratique, car le but des conquêtes était essentiellement économique. Il s’agissait habituellement d’obtenir des colonies et de les soumettre à taxation; or, il est clair que vous ne pouvez pas taxer une population si vous la massacrez ou l’exilez. Ces considérations n’excluent à l’évidence pas le pillage : bien sûr que les conquérants peuvent prendre tout l’or et l’argent, les pierres précieuses, les tissus de prix, et ainsi de suite, réduire les jeunes hommes forts et robustes en esclavage et prendre les belles jeunes filles dans un but sexuel. Mais ils ne détruiront pas gratuitement le reste de la population, parce qu’ils se priveraient ainsi d’une source de revenus ! Pendant leurs 300 années de règne, les Romains ne firent subir ceci qu’à Carthage et aux Juifs. Ainsi, les prédictions du massacre et de l’exil de la population n’auraient pas vraiment pu être anticipées, car elles n’étaient pas dans la norme du monde antique.
Passons maintenant à la prédiction selon laquelle le conquérant parlera un langage inintelligible. Pourquoi devrais-je le croire a priori ? Généralement, les langues parlées dans les pays voisins étaient comprises. Il y avait assez de commerce et d’autres possibilités de se déplacer pour que chacun puisse se familiariser avec la langue de l’autre; n’aurions-nous pas pu être conquis par un voisin ? Ou bien par un pays parlant une "langue internationale" ? Bien des Juifs comprenaient le grec, qui était similaire à l’époque à ce qu’est l’anglais aujourd’hui. Les contrats, le commerce, la diplomatie, tout était fait en grec. Si une nation parlant le grec nous avait conquis et exilés, la prédiction n’aurait pas été réalisée; mais ce sont les Romains qui nous ont envahis; ils parlaient le latin, langue avec laquelle les Juifs n’étaient pas familiers.
Admettons qu’une nation soit exilée; en vertu de quel facteur doit-elle alors finir éparpillée dans le monde entier ? Pourquoi la dispersion serait-elle une conséquence inéluctable de l’exil ? Tous ceux qui ont été arrachés à leur pays n’ont pas établi finalement des communautés partout; même l’exil babylonien 500 ans auparavant n’a pas entraîné ces conséquences : la plus grande partie de la population a été emmenée en Babylonie, un large groupe est descendu vers Alexandrie en Egypte, mais il y avait encore de nombreuses places dans le monde sans population juive.
Et même si, pour une raison ou pour une autre, il devait y avoir un exil, comment aurait-il été possible de prévoir que certains captifs seraient amenés en Egypte par bateau pour y être vendus, et qu’ils n’y trouveraient pas d’acheteurs ? Il est vrai qu’il y avait là un florissant commerce d’esclaves et que les itinéraires étaient connus, mais qui aurait pu dire que cela allait forcément se passer ?{mospagebreak}
Section 3.
Toujours dans cette hypothèse de prédiction d’un exil mondial : comment aurait-on pu être sûr qu’à aucun moment les Juifs ne seraient à même de former un gouvernement indépendant quelque part dans le monde ? N’oubliez pas que nous parlons d’il y a 2000 ans; à cette époque, le monde n’était pas organisé comme aujourd’hui, avec des cartes et des frontières, chaque millimètre carré de terrain étant réclamé par l’une ou l’autre nation, parfois 2 ou 3. Au contraire, de vastes territoires ne faisaient l’objet d’aucune prétention, n’étant tout bonnement pas civilisés; ils restaient simplement à l’état sauvage; par exemple, c’était le cas de certaines parties de la Russie, de l’Afrique du Nord, de la Péninsule Arabique et de l’Afrique Centrale. Qui aurait pu dire que les exilés juifs ne formeraient jamais de société indépendante dans l’un ou l’autre de ces endroits ?
Chacune de ces prédictions, considérée d’un point de vue neutre et non pas juif, c’est-à-dire de la manière dont un Bouddhiste, un Hindou, un Taoïste, un Confucianiste ou un Athée verrait les choses, n’avait aucune raison de se réaliser; dans cette optique, il est impossible d’expliquer qu’elles aient été par la suite vérifiées.
S’il fallait attribuer une probabilité à chaque détail de cette prédiction, et que l’évaluation était faite sur la base d’un point de vue non-juif, cette probabilité serait forcément très basse. Une destruction totale suivie d’un exil, disons que cela se passait dans 10% des guerres de l’Antiquité; cela signifie qu’un observateur non-juif lui donnerait une probabilité de 1/10. Combien de fois le conquérant parlait-il une langue inconnue ? Nous ne le savons pas : les pays voisins se combattaient les uns les autres, et les langages des grands empires étaient largement connus; disons généreusement que cela arrivait un quart du temps, nous donnant ainsi une probabilité de ¼. Une dispersion mondiale suite à l’exil, pour ce que j’en sais, n’arrivait purement et simplement jamais; si nous voulions être stricts, la probabilité serait de 0 ! Mais soyons généreux et donnons-lui une probabilité de 1/10. L’incapacité d’une nation dispersée à travers le monde à s’organiser en société indépendante, à nouveau, est un événement dont j’ignore la probabilité; admettons qu’elle soit d’un quart. Enfin, la survie dans ces conditions et le retour au pays forment un scénario qui ne s’est jamais passé dans l’histoire du monde – nous devrions lui attribuer une probabilité nulle ! Mais soyons généreux et disons 1/10.
En considérant cet ensemble de prédictions comme une séquence d’événements avant chacun sa probabilité propre, il est aisé d’obtenir la probabilité de réalisation du tout en multipliant les probabilités individuelles. Donc, si nous multiplions 1/10 * 1/4 * 1/10 * 1/4 * 1/10, nous obtenons une probabilité de 1/16000. Ce très petit nombre représente la confiance qu’aurait eue un observateur neutre que la prédiction entière se réalise. Quelles sont les chances qu’une telle séquence d’événements se réalise ? Une chance tous les 16’000 essais. Sur la base des faits dont l’observateur moyen dispose, il n’a aucun moyen pour expliquer comment elle a pu se réaliser.
Et pourtant, les événements décrits se sont bien passés; dès lors, nous avons ce que j’appelais plus haut une prédiction spécifique, une prédiction dont nul autre ne peut expliquer la vérité. Quiconque aurait pris connaissance de cette prédiction avant qu’elle ne se réalise l’aurait traitée de pure fantaisie. Par conséquent, lorsqu’elle se réalise vraiment, elle contribue à établir la véracité du Judaïsme. Elle est un élément de preuve pertinent.
[Quatre remarques techniques à ce stade : (1) De nombreux points de détail du chapitre 28 du Deutéronome ont été délibérément omis. Il y a deux raisons à cela : soit le langage dans lequel ils sont exprimés est trop poétique pour être défini avec précision (nous ne pouvons ainsi pas prouver que le texte voulait bien dire ce qui s’est ensuite passé); soit ces détails sont des prédictions d’événements très vraisemblables dans le cadre d’une destruction et d’un exil; ils ne réduiraient ainsi pas de manière significative la probabilité globale. (2) Certaines des probabilités mentionnées ci-dessus sont conditionnelles : une dispersion mondiale étant donné l’exil; pas d’indépendance étant donnée la dispersion mondiale; la survie et le retour étant donnée la dispersion; c’est seulement quand elles sont comprises de cette manière qu’il est légitime de les multiplier entre elles pour obtenir la probabilité de survenance de l’ensemble. Mes nombres ne sont conçus que comme des estimations (bien trop généreuses) de ces probabilités. (3) Il s’agit de probabilités que ces prédictions se réalisent, pas qu’elles soient faites. Nous pouvons aisément conjurer quantité de raisons pour lesquelles quelqu’un voudrait faire une prédiction effrayante, mais nous serions très surpris si les événements annoncés survenaient vraiment. (4) Puisqu’il existe de très nombreuses nations, il n’est peut-être pas surprenant que l’une d’entre elles endure les malheurs annoncés au chapitre 28 du Deutéronome. Pourquoi trouvons-nous alors étonnant que cela nous soit arrivé ? Parce que nous avons prédit que cela nous arriverait à nous, et c’est ce qui s’est passé.]
Considérez le parallèle suivant : supposez que nous lancions 1000 pièces de monnaie en l’air et que nous prédisions que l’une d’elles tombera 10 fois de suite sur le côté "face"; la réalisation de cette prédiction n’aurait bien sûr rien de surprenant. Mais si nous prenions une pièce donnée et que nous prédisions qu’elle tombera 10 fois de suite sur "face", le fait qu’il y ait d’autres pièces lancées en même temps devient non pertinent – les chances contre cette pièce-là sont toujours de 1024 contre 1, et dès lors la survenance de l’événement annoncé étonne.
La prophétie du chapitre 28 du Deutéronome n’aurait-elle pas pu se réaliser par simple hasard ? Si, sans doute. Je le concède d’autant plus aisément que nous ne suivons pas Descartes; nous ne sommes pas intéressés par une simple possibilité. Nous ne sommes intéressés que par une hypothèse qui soit quelque peu étayée; n’importe quoi peut arriver par hasard, mais la probabilité de la survenance aléatoire de cet événement-ci est de un sur seize mille. Ceci indique que l’auteur, quel qu’il ait été, avait accès à une source d’informations qui dépassait le naturel. Nous ne savons pas pour l’instant ce que cette source était, ni comment la décrire. En ne cherchant à ne dériver que des conclusions minimales, voilà en résumé ce qu’il me semble qu’on peut déduire la prophétie du chapitre 28 du Deutéronome.
Finalement, il me faut répéter une fois encore que je ne suis pas en train d’essayer de prouver la véracité du Judaïsme sur la base d’une seule prédiction. Une prédiction réalisée ne prouve que rarement l’exactitude d’une théorie; je ne fais que signaler la présence d’un argument pertinent. La justification complète ne viendra que plus tard, lorsque nous prendrons en compte tous les éléments dans leur ensemble. Mais il s’agit certainement là d’un élément objectif qui doit nous intéresser : il a au moins le mérite d’indiquer que la quête de vérité justifiable du réaliste n’est pas vaine.
DétailsV
Archéologie
Section 1.
La Torah contient de vastes quantités de données historiques. Sur cette base, il est également possible de poser la question de la vérité de la Torah. Des doutes ayant été soulevés quant à la validité de la Bible en tant que source de l’histoire antique, nous nous devons d’en parler quelque peu.
La Bible parle de la vie des Patriarches, de guerres, de migrations, de famines, de mariages, et de toutes sortes d’événements de l’histoire antique. Quelle est la fiabilité de ces récits ? Une méthode populaire pour examiner la fiabilité de la Bible peut être décrite de la façon suivante : la Bible étant ce qui est en question, nous ne pouvons pas assumer qu’elle dise vrai; par conséquent, quand nous trouvons des récits anciens, comme par exemple des hiéroglyphes antiques, des documents Syriens ou Babyloniens, nous sommes à même de les confronter avec la Bible. Si cette dernière donne les mêmes renseignements, c’est une indication et une preuve que la Bible est correcte; dans le cas contraire, nous constatons que la Bible est erronée. Cette méthode d’établir l’exactitude de la Bible en tant que récit historique est objective et neutre.
Trouvez-vous cela juste ? J’espère que non, parce que ça ne l’est pas. Le simple fait que la Bible contredise d’autres récits anciens ne signifie pas encore que la Bible a tort; peut-être sont-ce les autres sources qui sont erronées ! Une simple contradiction prouve uniquement que quelqu’un a tort; pourquoi assumer que c’est la Bible ? Ce serait avoir un biais contre elle. Lorsqu’il y a une contradiction entre la Bible et d’autres sources anciennes, la question est : comment pouvons-nous comprendre au mieux la nature du conflit, et à quelles sources pouvons-nous nous fier ?
Lors de cette évaluation, il vous faut connaître un fait à propos duquel tous les historiens et les archéologues s’entendent : tous les récits anciens ont été écrits en tant qu’œuvre de propagande. Leur fonction était de glorifier les pouvoirs de l’époque, ce qui fait qu’ils ne mentionnaient jamais leurs propres défaites. Après tout, les scribes étaient des employés. Par exemple, vous constatez ce phénomène dans le type d’événements historiques suivants : des hiéroglyphes indiquent que le Pharaon X a rassemblé une large armée et conquis un certain nombre de provinces, et que son fils le Pharaon X Junior a mobilisé une armée encore plus grande et conquis encore plus de provinces. Puis il y a un trou de cent ans dans l’histoire. Que s’est-il passé pendant ces 100 années ? Pour le savoir vous devez aller consulter les archives babyloniennes. C’était l’époque où les Babyloniens battaient les Egyptiens à plate couture. Les Egyptiens ne le mentionnent pas parce que ce n’est pas très flatteur pour leur empire; ils restent purement et simplement muets sur le sujet.
Une bonne illustration de ce principe est la question de l’Exode : pourquoi aucune archive égyptienne antique ne mentionne-t-elle l’Exode ? La réponse est que les Egyptiens n’enregistraient jamais leurs défaites. Donc, comme l’Exode était une défaite majeure, on ne peut pas s’attendre à le voir mentionné nulle part. Son absence de leurs archives n’est ainsi pas un argument contre l’Exode.{mospagebreak}
Section 2.
Dans un débat portant sur l’établissement de l’histoire antique, la question-clé est celle de l’archéologie. C’est l’archéologie qui est supposée découvrir les preuves matérielles que certains événements se sont passés ou non. Je vais donc brièvement passer en revue la situation archéologique pour ce qu’il en est de la narration biblique. La plus grande partie provient d’un livre intitulé Biblical Personalities in Archeology (L’archéologie et les personnages bibliques, N.D.T.), par Léah Bronner.
Il y un siècle, on partait de l’idée que l’histoire biblique était correcte pour l’époque postérieure aux Rois David et Salomon, à peu près. Bertrand Russell écrit dans son livre History of Western Civilization (L’Histoire de la Civilisation Occidentale, N.D.T.) que nous pouvons présumer que David et Salomon ont bel et bien existé. Avant David et Salomon, en l’absence de preuves d’aucune sorte, la vue dominante considérait que les récits bibliques étaient tout simplement des mythes, des histoires inventées pour glorifier des ancêtres légendaires, c’est-à-dire inexistants, de manière à créer une Histoire grandiose pour le peuple. Bien des nations firent cela, tels les Grecs, et on pensait qu’il en allait de même pour les Juifs.
Pour déterminer si l’on est en présence d’un mythe, il y a un signe qui ne trompe pas : la personne qui écrit un récit censé s’être passé longtemps auparavant projette dans le passé ses propres conditions d’existence. Ne sachant pas que 500 ou 1000 ans auparavant la vie était très différente, elle assume que les conditions étaient plus ou moins identiques aux siennes et extrapole sur la base de sa propre expérience. Par la suite, quand l’archéologie découvre que les conditions n’étaient pas celles décrites dans le récit, nous comprenons que nous sommes en présence d’un mythe. Par exemple, on aura pu attribuer aux ancêtres des armes qu’ils n’avaient pas encore inventées, des animaux qu’ils n’avaient pas encore su domestiquer, des itinéraires commerciaux qu’ils n’avaient pas encore tracés, des colonies qu’ils n’avaient pas encore fondées, etc. Ceci est la manière de déterminer qu’un texte est un mythe, et l’assomption quant à la réalité historique du récit biblique avant David et Salomon était qu’il s’agissait simplement de légendes.
Mais, dans le cas de la Bible, l’archéologie a révélé exactement le contraire : une myriade de détails que la Bible fournit à propos de la qualité et des conditions de vie des Patriarches apparaissent être exactes au dernier degré. La précision de ces détails est totalement inexplicable si vous considérez qu’il s’agit d’un processus normal de formation d’un mythe.
C’est ainsi que par exemple toutes les migrations d’Abraham se firent toujours dans le Sud d’Israël, jamais dans le Nord. Or, à l’époque où Abraham a vécu selon la Bible, la partie septentrionale d’Israël n’était pas habitée. Plus tard, au moment où le mythe est censé avoir été écrit, elle l’était. Si donc quelqu’un avait écrit le mythe après coup et avait projeté ses propres conditions d’existence dans le passé, il n’y aurait eu aucune raison pour lui de discriminer contre le Nord d’Israël.
Un autre exemple : les noms d’Abraham, Isaac, Jacob, Laban et Joseph, qui étaient tous communément utilisés au temps des Patriarches, tombèrent en désuétude par la suite. Ils apparaissent sur des inscriptions archéologiques de la période correspondante, mais jamais ultérieurement. Dans la Bible, ces noms ne sont utilisés que dans le Livre de la Genèse. Or, quelqu’un est censé avoir écrit une légende 500 ans après; comment a-t-il réussi à trouver précisément les noms corrects pour l’époque en question ?
En ce temps-là, la coutume voulait que si un couple était sans aucune progéniture, le mari prenait une servante de sa femme comme concubine et en avait un enfant. Si la première femme donnait par la suite également le jour à un enfant, celui de la servante bénéficiait d’une protection légale et ne pouvait être déshérité. Cette protection fut abandonnée dans les siècles postérieurs. Dans la Bible, nous voyons effectivement Abraham et Sarah suivre cette procédure. La loi de l’époque interdisant l’expulsion du fils de la servante, nous comprenons bien pourquoi, lorsque Sarah dit à Abraham de jeter Ishmaël hors de la maison, la Torah dit que ce fut "très mauvais aux yeux d’Abraham" : c’était mauvais parce qu’allant à l’encontre de la loi prévalant à cette endroit. L’expulsion n’était pas prohibée au cours des siècles ultérieurs, seulement dans ce siècle-là : si le texte avait été rédigé 500 ans plus tard par projection dans le passé, il serait impossible d’expliquer comment ce détail véridique a pu être inséré.
Un argument utilisé par les tenants du caractère mythologique du récit biblique est celui de la domestication des chameaux. Les Patriarches sont dépeints comme utilisant des chameaux comme animaux de transport; on pensait qu’il s’agissait là d’un anachronisme : les chameaux ne furent domestiqués que plus tard, mais les générations ultérieures, ne sachant pas que leurs ancêtres n’avaient pas de chameaux, leur en attribuaient, tout comme eux en avaient. Leurs glorieux ancêtres ne pouvaient en aucun cas leur être inférieurs.
Mais il apparaît que l’ignorance est finalement à trouver du côté de l’archéologie. Les tablettes de Canophori, en Syrie du Nord, qui datent du 18ème siècle avant l’ère chrétienne, établissent une liste des animaux domestiques, et le chameau y est expressément mentionné. Une autre découverte archéologique montre un chameau en position agenouillée. Un sceau daté de cette époque a pour illustration un cavalier assis sur un chameau. En fin de compte, le récit biblique, loin d’être une projection anachronique d’une réalité ultérieure, se trouve confirmé.
De nombreux exemples traitent de Joseph. Prenez par exemple le prix d’un esclave : Joseph est présenté par le texte comme ayant été vendu pour vingt pièces d’argent. Or, il est démontré que c’était le prix exact d’un esclave au temps de Joseph, et à nulle autre époque. Les esclaves étaient meilleur marché auparavant, et de plus en plus chers par la suite. Imaginez quelqu’un écrivant ce détail 500 ans après; comment aurait-il pu connaître le prix des esclaves un demi-millénaire auparavant ? Il ne l’a certainement pas trouvé par accident.
De même quant à dormir sur des lits en Egypte : en Palestine, ils dormaient à l’époque sur le sol, tandis qu’en Egypte ils dormaient sur des lits, et c’est pourquoi la Torah mentionne précisément que lorsque Jacob était en Egypte, il mourut sur un lit.
L’investiture de Joseph comme vice-roi d’Egypte suivit la procédure en vigueur à l’époque : il se tint devant Pharaon et eut la tête rasée parce que telle était la coutume des Pharaons de l’époque. Il avait un collier autour de son cou et un anneau à son doigt. Nous connaissons des hiéroglyphes qui décrivent très précisément cette procédure, tout comme la parade dans un char inférieur seulement à celui du roi. Tous ces détails sont vrais.
Les détails, au moins, sont corroborés par l’archéologie. L’assomption normale que le récit a été écrit postérieurement aux faits décrits et projeté dans le passé est ainsi purement et simplement infondée.{mospagebreak}
Section 3.
Je ne veux pas cacher le fait que certaines questions se posent encore : elles doivent être examinées avec attention pour déterminer leur nature. L’Exode, par exemple, est un cas d’école. Si l’Exode vraiment a eu lieu, quelles sortes de traces archéologiques s’attend-on à découvrir ? Nous parlons d’un grand nombre de gens quittant l’Egypte. On s’attend à trouver des ustensiles, des vêtements, des récipients, des armes, tout cela éparpillé un peu partout dans le désert. Et pourquoi pas des os ? Les gens meurent, surtout s’ils restent dans le désert pendant 40 ans. Il est pourtant avéré que l’on ne trouve rien du tout. Jusqu’à présent, aucune preuve archéologique de l’Exode n’a été trouvée.
Est-ce que ceci milite contre le récit de la Torah ? En fait, tout dépend de ce qui est examiné. Etes-vous en train de tester le récit biblique ? Si c’est le cas, il vous faut le faire dans ses propres termes; vous devez l’accepter en entier. Si vous prenez un élément du récit biblique, que vous y greffez des hypothèses non-bibliques et testez le conglomérat, rien de bon n’en ressortira, car personne ne croit en la véridicité ce conglomérat.
Dans le cas de l’Exode, la Torah dit explicitement que les vêtements ne s’usèrent pas durant la période de 40 ans (Deut. 8:4). Donc, si vous fouillez le désert pour y trouver des vêtements éparpillés, vous ne cherchez pas à examiner l’exactitude de la Bible. Elle dit elle-même que vous n’y trouverez rien, que les vêtements n’y sont pas ! En recherchant des habits, vous testez une hypothèse composite, c’est-à-dire qu’il y ait eu un Exode comme dans la Bible, mais en y ajoutant une notion naturaliste que la Bible dénie (N.D.T. : le naturalisme est une doctrine philosophique qui affirme que la nature n’a pas d’autre cause qu’elle-même et que rien n’existe en-dehors d’elle – le Petit Larousse Illustré). Personne ne croit à la vérité de ce mélange ! Si vous voulez tester l’histoire biblique, il vous faut la prendre dans son entier, avec tous ses détails.
De même avec les ossements : la Bible ne donne aucun détail sur la manière dont les gens mouraient, mais la tradition juive (le Midrash) rapporte que chaque année, le 9 Av, les Hébreux creusaient une immense tombe collective dans laquelle tout le monde se couchait; le lendemain, les survivants se relevaient, et ceux qui étaient morts étaient enterrés à cet endroit, lequel devenait leur tombe. Ils ne décédaient donc pas de manière régulière, avec des tombes égrenées sur toute l’étendue du désert.
De plus, le désert du Sinaï est une zone d’une étendue considérable, et le sable se déplace avec le temps. , surtout sur 3000 ans. Où exactement creuseriez-vous ? A quelle profondeur ? A combien d’excavations devrez-vous procéder avant d’avoir une chance de trouver quoi que ce soit ? On ne peut même pas compter sur 39 sites mortuaires, parce qu’il y a des endroits où ils séjournèrent plusieurs années; il y a peut-être 20 sites mortuaires sur toute l’étendue du désert du Sinaï. A combien d’excavations devriez-vous procéder pour obtenir une probabilité raisonnable de trouver l’un de ces 20 sites, chacun ayant à peu près la taille de 3 pâtés de maisons ? Le fait qu’ils n’aient pas encore trouvé les traces recherchées n’a ainsi aucune force probante; ce n’est en tout cas pas un argument contre l’Exode.{mospagebreak}
Section 4.
C’est l’archéologue Kathleen Kenyan qui a conduit les fouilles de Jéricho; elle prétend que la meilleure date que nous puissions donner de l’entrée du peuple Juif en Terre d’Israël est l’an 1400 avant l’ère commune. Constatant un écart de 150 ans entre la destruction de Jéricho et l’entrée du peuple juif dans le pays, elle en conclut qu’on ne peut pas attribuer aux Juifs la destruction de Jéricho. Ils l’auraient simplement imputée à leurs ancêtres, de sorte à les glorifier.
Comment cette archéologue en est-elle arrivée à la conclusion que la ville de Jéricho ne saurait avoir été détruite postérieurement à 1550 avant l’ère commune ? [Pour plus de détails sur ce qui va suivre, voyez la Biblical Archeological Review (Revue d’archéologie biblique, N.D.T.), Mars / Avril 1990, pp. 44-56.] Son argumentation est fondée sur l’absence de toute poterie cypriote importée; un certain type de poterie était importé de Chypre dans cette région pendant toute la période s’étendant entre 1550 et 1400 avant l’ère commune, et elle n’en trouva aucun exemplaire à Jéricho; elle en déduit que Jéricho doit avoir été détruite avant 1550 avant l’ère commune.
Mais cette conclusion est contestable, et peut en fait être attaquée sous 4 angles différents :
(1) Quant à la méthode : les conclusions basées sur une absence sont toujours particulièrement faibles (cf. ci-dessous).
(2) Elle remarque elle-même que Jéricho n’était située sur aucun des itinéraires commerciaux majeurs – est-ce dans un endroit isolé que vous espérez découvrir de la poterie importée ?
(3) Deux sondes ont été enfoncées dans ce qu’elle décrit comme étant le quartier le plus pauvre de la cité. Est-ce là que vous vous attendez à trouver de la poterie importée ?
(4) Elle a totalement ignoré le fait que de la poterie trouvée lors de précédentes excavations a été datée d’époques postérieures à 1550 avant l’ère commune.
N’oubliez pas que le gouvernement britannique l’a pourtant adoubée chevalier pour ses contributions en matière d’archéologie ! Ce n’est pas ici la place de se livrer à des spéculations sur ce qui peut conduire à tenir ce type d’argumentation branlante, mais nous n’avons certainement pas à renoncer nous sentir menacés dans nos vues par des critiques de ce genre !
En réalité, l’archéologie biblique beaucoup évolué au cours de ces 100 dernières années; elle était très critique au départ ("aucun élément de la narration biblique ne s’est vraiment passé, tout n’est que pure invention") puis, petit à petit, morceau par morceau, cet état d’esprit a été contredit par une myriade de détails. Non pas qu’ils aient totalement renoncé à toutes leurs vues originelles : ils tiennent toujours bon sur quelques points, dont ils pensent que la vérité n’a pas été suffisamment établie. Mais nous pouvons à tout le moins déduire deux conclusions : premièrement, la tendance générale est à la vérification progressive; l’archéologie corrobore de plus en plus le récit historique de la Torah. Deuxièmement, nous avons maintenant un aperçu quant à leur vision des choses : ils commencent en étant complètement négatifs et, petit bout par petit bout, admettent à contrecœur que certaines parties ont été vérifiées. En d’autres termes, ils imposent un standard de preuve déraisonnable pour la Bible.
L’archéologie peut parfois établir un fait positif : s’il est avéré qu’une ville a été brûlée, pillée ou détruite, on peut en déduire que cet événement arrivé suite à une action militaire. Il est par contre très difficile pour l’archéologie d’établir un fait négatif, c’est-à-dire que quelque chose n’est jamais survenu. Pour cela, il faut subodorer que si l’événement s’était passé, il en resterait des traces dans tel ou tel endroit; mais cette évaluation se révèle très complexe : comment savez-vous qu’il vous faut chercher dans un endroit donné et pas ailleurs ? Peut-être n’est-ce pas là la place que vous croyez : certaines cités ont été identifiées à 3 ou 4 endroits différents ! Souvenez-vous : les archéologues pensaient que les chameaux n’avaient pas été domestiqués à l’époque des Patriarches tout simplement parce qu’il se trouvait qu’ils n’avaient pas encore découvert tel sceau cylindrique ou tel hiéroglyphe spécifique; une fois qu’ils les eurent trouvés, ils comprirent que les chameaux avaient bel et bien été domestiqués.
Aussi, attention à l’archéologie lorsqu’elle prétend avoir prouvé l’absence de quelque chose; établir qu’une guerre n’a pas eu lieu, qu’une habitation n’a jamais existé ou qu’untel n’a pas été roi est très malaisé. Lorsqu’elle pense avoir prouvé l’existence d’un fait positif, l’archéologie est plus crédible. Bien sûr, même dans ce cas ses découvertes sont sujettes à interprétation et ne sont pas complètement fiables. Quoi qu’il en soit, je pense que nous sommes aujourd’hui à même de dire que l’archéologie ne présente pas autant de problèmes qu’autrefois. Elle est encore en évolution : de nouvelles découvertes sont encore en train d’être faites, des conclusions tirées, et il reste encore beaucoup à apprendre. Les nouvelles découvertes archéologiques prouvent progressivement, mais pour l’instant seulement partiellement, que la présentation de l’Histoire faite par la Torah est corroborée dans la réalité.
Je vais terminer ce chapitre par une idée due à William Albright, idée que je trouve fascinante pour l’éclairage général qu’elle jette sur l’histoire antique. Albright a trouvé une preuve que les Juifs ont influencé les Grecs. En effet, les noms des lettres hébraïques sont des mots hébreux : Alef, Bet, Guimel, Dalet, etc, ont tous un sens en hébreu; les noms des lettres grecques ont de toute évidence un lien avec leurs homologues hébraïques : Alpha, Bêta, Gamma, Delta, etc. Mais ces sons ne veulent rien dire en grec. Comment les Grecs ont-ils choisi ces noms pour leurs lettres ? Albright dit, et ceci a été par la communauté archéologique en général, qu’ils les ont pris aux Juifs. Il est concevable que cela se soit fait par voie indirecte, via les Philistins qui les auraient prises aux Juifs pour les donner aux Grecs, mais l’alphabet viendrait en dernière analyse des Juifs.
Or, si les noms même des lettres de l’alphabet grec leur vient de nous, pourquoi n’en irait-il pas de même d’autres éléments culturels ? Il est établi qu’il y a eu influence et qu’ils nous ont repris quelque chose; or, le nom des lettres de l’alphabet est absolument fondamental. Qui sait ce qu’ils ont pu reprendre d’autre ? Au lieu de réfléchir à la question de savoir comment les Grecs ont influencé les Juifs, un nouveau champ de recherche s’ouvre à nous : celui des influences juives sur les Grecs !
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