Extrait 1 : Le problème

«Si vous étiez Dieu»

I. LE PROBLEME

On vous a confié une île sur laquelle vivent plusieurs tribus. Par leur nature et par leur culture, ces tribus sont remuantes et belliqueuses. Il en résulte de grandes souffrances engendrées par la guerre, la pauvreté et les préjugés. Les insulaires vivent ainsi depuis des siècles sans aucun signe d’amendement.

Votre mission :

Tenter d’améliorer cette société.

Apprendre à ses membres à vivre en harmonie et à réduire au minimum la souffrance, voire même à l’éliminer complètement.

Créer une société saine.

Les moyens à votre disposition :

Tous ceux qu’une technologie très avancée est à même de vous offrir.

Vous tenez l’ensemble de l’île sous haute surveillance et vous pouvez, à chaque instant et en tout lieu, observer ce qui s’y passe. Il vous est loisible, à tout moment, de faire pleuvoir ou de faire exploser le sous-sol. Vous pouvez, dans des limites raisonnables, influer sur les conditions météorologiques, susciter des inondations, réveiller les volcans, provoquer des tremblements de terre et produire tout phénomène « naturel » en retour. Vous disposez en outre de moyens propres à vous permettre d’implanter des idées par des procédés de suggestion subliminale. Vous agirez ainsi sur des populations entières ou sur certains chefs spécialement choisis. Il vous faut toutefois tenir compte des limites strictes imposées à la suggestion subconsciente : si vous essayez d’implanter des idées allant contre la nature fondamentale de ceux sur lesquels vous agissez, elles seront totalement rejetées, et vos efforts seront voués à l’échec. Vous pouvez cependant inculquer des concepts qui s’harmoniseront plus ou moins avec la perversité bien connue de ces gens

Vos restrictions :

Les habitants de l’île ne doivent en aucun cas avoir conscience de votre présence.

Cette considération dépasse toutes les autres.

Le choc culturel que provoquerait votre révélation aurait pour effet de rompre l’ensemble des éléments culturels locaux. Il s’ensuivrait de profondes souffrances, au regard desquelles le bien que vous pourriez accomplir représenterait peu de chose. Les insulaires seraient réduits à un état de dépendance quasi-végétative dont ils ne se remettraient pas. Et, à supposer qu’ils s’en rétablissent, ils se rebelleraient si violemment qu’ils en viendraient à éliminer les rares valeurs positives jusque-là les leurs. C’est pourquoi cette restriction doit absolument être observée, en quelque circonstance que ce soit. Ceci étant précisé, vous avez toute liberté d’agir avec autant de bienveillance ou aussi cruellement que vous le jugerez opportun. Bref, on vous offre la possibilité de jouer à Dieu.

Que feriez-vous ?

Titre: SI VOUS ETIEZ DIEU

Auteur: Arieh KAPLAN

Editeur: EMOUNAH – NCSY/ORTHODOX UNION

Adaptation française : Jacques KOHN.

Le livre est en vente dans les librairies juives.

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QORA’H


Qora?h prit? (16, 1)

Le Midrach Tan?houma (cité par Rachi infra verset 7) pose la question : « Qora?h, qui était un homme intelligent, qu’a-t-il donc vu pour commettre cette chetouth ? ?folie? ? »
Pour quelle raison nos Sages désignent-ils le péché de Qora?h sous cette appellation ?\r\nPour répondre à cette question, Rav Yehonathan Eybeschuetz cite le célèbre passage du Talmud (Berakhoth 27b), relatant les recherches entreprises pour désigner le remplaçant de Rabban Gamliel, après que celui-ci eut perdu son titre de nassi (« prince ») suite à un vif désaccord qui l’avait opposé à Rabbi Yehochoua’. Les Sages n’ont pas voulu nommer ce dernier, qui avait en quelque sorte entraîné cette disgrâce. Cela aurait incité les gens à jaser ; ils auraient raconté que Rabbi Yehochoua’ avait émis son opinion divergente pour recueillir cette dignité? On peut raisonner de même concernant Qora?h : Même si son argumentation à l’encontre de Moché et de sa distinction s’était révélée acceptable et que, suite à ses objections, notre guide et prophète avait été défait de ses fonctions, il n’aurait pas pu être nommé à sa place.

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?Houqath

Ceci est le statut de la Tora. (19, 2)

Pourquoi cette paracha – consacrée à la « vache rousse » – fait-elle directement suite à l’histoire de Qora‘h ?
Les lois concernant la vache rousse ont été transmises à Moché le 1er nissan – deux semaines avant Pessa‘h – le jour où fut dressé le Tabernacle, explique le ‘Hizqouni. C’est le lendemain que la première vache rousse a été brûlée dans le désert, afin de pouvoir purifier les enfants d’Israël en vue du sacrifice pascal. Ses lois n’auraient pas pu être observées avant, car une fois égorgée, il incombe d’asperger son sang vers « l’ouverture de la Tente d’assignation » (infra verset 4).

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VAYICHLA’H


Dans son introduction à cette paracha, le Ramban écrit que nos Sages l’ont toujours considérée comme une préfiguration des futures expériences des Juifs dans l’exil. Toutes les fois que Rabbi Yannaï devait aller à Rome, à la cour royale d’Edom, pour plaider la cause de notre peuple, il réétudiait, avant de l’adapter aux circonstances, le récit des rapports de Ya‘aqov avec ‘Essaw.
Cette paracha nous apprend comment le Saint béni soit-Il a sauvé Son fidèle serviteur des griffes d’un ennemi plus puissant que lui, et a envoyé un ange spécialement chargé de veiller sur sa sécurité. Elle nous révèle aussi les vastes efforts que notre Patriarche a déployés pour se défendre, sans se contenter de rester immobile en se fiant à ses mérites et en attendant que Hachem le fasse bénéficier d’un miracle.

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Jerusaelm, oeil de l’univers

Chapitre Ier

Point de rassemblement d’un peuple

Transportez-vous par la pensée à Jérusalem il y a deux mille ans. La Pâque approche, et des Juifs venus du monde entier affluent pour célébrer cette sainte festivité. Ils accourent de partout, d’abord par centaines, puis par milliers, et à la fin par centaines de milliers. Lorsque arrive la fête, une bonne partie de tout le peuple juif se presse dans cette seule ville. A perte de vue, les versants des montagnes sont couverts de tentes, à côté desquelles les gens vont rôtir leur agneau pascal, geste essentiel du rituel applicable à cette fête à l’époque du Temple.

Selon les prescriptions de la Torah, l’agneau pascal ne peut être préparé qu’en un seul endroit : " Tu immoleras le sacrifice pascal à l’Eternel ton Dieu à dans le lieu que Dieu aura choisi pour y fixer Son Nom " (Deutéronome 16, 2). Il n’y a donc qu’un seul endroit au monde où ce sacrifice pourra être offert. Et ce qui était vrai pour cette offrande l’était aussi de beaucoup d’autres rites importants de la vie juive. Selon la règle fixée par la Torah, ceux-ci ne pouvaient être observés que dans " le lieu choisi par Dieu ", qui n’était autre que Jérusalem.1

Pendant près de mille ans, depuis sa consécration par le roi David jusqu’à sa destruction par les Romains, Jérusalem a été le point focal du peuple juif.2 Elle était le seul endroit où pouvaient être accomplis certains gestes ; en quelque lieu qu’il habitât, le Juif était tenu de se rendre dans cette ville sainte pour s’en acquitter. C’est parce que tant d’actes rituels ne pouvaient être exécutés que dans ses murs que nos Sages l’ont désignée comme lieu plus saint que le reste de la Terre d’Israël. "3

Parmi les plus imposants de ces rites figuraient les trois pèlerinages annuels. Trois fêtes marquent notre calendrier : Pessa’h, Chavou’oth et Souccoth, pendant lesquelles chaque Juif était tenu, à l’époque du Temple, d’ordre exprès de la Torah, de se rendre en pèlerinage au " lieu choisi par Dieu " : " Trois fois l’an, tous tes mâles paraîtront en présence de l’Eternel, ton Dieu, dans l’endroit qu’Il aura élu : à la fête des Azymes (Pessa’h), à celle de Chavou’oth et à celle de Souccoth " (Deutéronome 16, 16).

Pour ces pèlerinages, les Juifs accouraient à Jérusalem de tous les coins du monde. Ils renouaient des liens d’amitié et échangeaient des nouvelles, fortifiant ainsi l’unité du peuple.4 Plus important encore, leur rassemblement se situait dans un contexte de sainteté et de service de Dieu, de sorte qu’il renforçait les participants à la fois religieusement et moralement. C’est ainsi que, pendant ces festivités, aucun des pèlerins ne pouvait être soupçonné d’avoir nui à un autre d’aucune manière.5 Jérusalem unissait ainsi le peuple juif dans un contexte tel que son unité était comme à l’image de celle de Dieu.

Ceci nous permet de comprendre la raison pour laquelle " le site choisi par Dieu " devait nécessairement être une ville. Qu’est-ce qu’une ville ? Lieu de rassemblement d’une population, elle constitue le point de départ de la croissance et du développement d’une civilisation. Le regroupement d’une société humaine au sein d’une cité favorise les échanges et les enrichissements d’idées. Ce n’est donc pas une coïncidence si la civilisation en général s’est développée à partir des villes, dispensatrices des nourritures de l’esprit et de l’âme, les campagnes étant celles des nourritures du corps. Ainsi que le souligne Rabbi Samson Raphaël Hirsch, le mot hébreu pour " ville " – ‘Ir – vient de la même racine que `Our qui veut dire " éveiller ".6 C’est la ville qui éveille l’être humain, pour lui faire exprimer le meilleur de sa créativité. Nous découvrons ainsi dans la Torah que la construction des centres urbains a été à l’origine des plus importantes évolutions de la civilisation.

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Le but ultime du Judaïsme est le développement d’une relation avec Dieu. Pour cela aussi, il fallait une ville. Jérusalem est devenue le lieu où les Juifs du monde entier se rassemblaient, échangeaient des idées et cultivaient ainsi un système de pensée permettant cet épanouissement. Le Temple, ainsi que les nombreux maîtres en Torah qui vivaient à Jérusalem – nous évoquerons dans un des chapitres suivants l’action et l’influence de ces Sages – ont joué à cette fin un rôle prépondérant. D’une manière générale, Jérusalem a été la ville qui a éveillé et motivé le Juif en vue de sa mission. Il n’est donc pas étonnant qu’elle forme, selon l’enseignement de nos Sages, l’achèvement le plus élevé du concept Ville.8

C’est avec la " deuxième dîme " (Ma’asser Chéni) que cette idée trouve sa meilleure illustration. L’ensemble des récoltes obtenues en Terre sainte était l’objet de prélèvements que l’on versait, comme une sorte d’impôt, pour l’entretien des prêtres (Cohanim) et des Lévites, qui jouaient le rôle de chefs religieux et d’enseignants. Les Lévites recevaient un dixième de l’ensemble de la production agricole, tandis qu’une part de moindre importance, appelée Teroumah, était dévolue aux Cohanim.

A ces deux prélèvements s’ajoutait la " deuxième dîme ".9 Celle-là n’était pas distribuée, mais c’est le contribuable lui-même qui devait, soit la consommer à Jérusalem, soit la racheter pour en consommer la contre-valeur dans cette ville. La Torah elle-même en donne la raison : " Et tu la consommeras en présence de l’Eternel, ton Dieu, dans la localité qu’Il aura choisie comme résidence de Son Nom ; savoir, la dîme de ton blé, de ton vin et de ton huile, les premiers-nés de ton gros et de ton menu bétail, afin que tu t’accoutumes à honorer continuellement l’Eternel, ton Dieu " (Deutéronome 14, 23).

Au lieu de remettre cette redevance au prêtre ou au Lévite, le Juif, en la consommant dans la Ville sainte, devenait lui-même un " prêtre ou un Lévite ".10 Il lui fallait interrompre ses activités habituelles, se purifier de la manière prescrite, et rester à Jérusalem jusqu’à consommation intégrale de la dîme. S’il ne pouvait pas se déplacer lui-même, il y envoyait ses enfants. De la sorte, lui-même ou ses enfants s’imprégnaient de l’ambiance de la ville, de l’atmosphère de piété et d’effervescence intellectuelle qui l’emplissait, et ils se développaient ainsi dans les voies de la Torah. C’est ainsi que devenait réalité l’idéal du peuple juif défini comme " royaume de prêtres et nation sainte " (Exode 19, 6). Le système de la " deuxième dîme " tendait à faire de chacun, pendant au moins une partie de l’année, un habitant de Jérusalem et il contribuait à la création d’un mouvement de régénération spirituelle embrassant l’ensemble de la collectivité d’Israël.11

Il existait beaucoup d’autres rites qui ne pouvaient être observés que dans " le lieu choisi par Dieu ". Ainsi, la dîme de tout bétail devait être consommée dans la Ville sainte.12 Les prémices des fruits étaient présentées, au cours d’une cérémonie empreinte de solennité, dans " le lieu que Dieu choisira ".13 Ces pratiques amenaient chaque Juif à de nombreux déplacements à Jérusalem, où il s’imprégnait du renouveau spirituel et de l’influence unificatrice créés par cette ville.

La plupart de ces rites ne s’adressaient qu’aux Juifs établis en Terre Sainte. D’autres, en revanche, concernaient ceux du monde entier. Il en allait ainsi des sacrifices, dont une partie est prescrite au début du Lévitique. Certains pouvaient être offerts comme offrandes volontaires, mais le plus souvent, ils étaient apportés sur l’autel pour l’obtention du pardon d’une faute.

Selon le Ramban (Na’hmanide), la signification essentielle du sacrifice est que, en assistant à l’abattage d’un animal que l’on a offert, on participe à une exécution par substitution : celui qui a fait don d’une bête que le Cohen va égorger et brûler sur l’autel participe à ces gestes comme s’il était lui-même tué et consumé pour avoir contrevenu à la Loi divine.14

De surcroît, Dieu a donné à l’homme le pouvoir de l’intelligence qui lui permet de se perfectionner. Lorsqu’il pèche, c’est comme s’il avait rejeté ce pouvoir. Et comme l’intelligence est ce qui distingue essentiellement l’homme de l’animal, commettre un péché revient à s’identifier à la bête. D’où la nécessité d’offrir celle-ci en sacrifice.

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Notes :

1. Séfer ha’Hinoukh 487. Voir chapitre 6, note 1.

2. D’après la Tradition, David a conquis Jérusalem en l’an 2892 (-868) et elle fut détruite par les Romains en 2892 (69), soit 976 ans plus tard. Voir chapitre 7, notes 22 et 53. Selon Josèphe, c’est pendant 1179 ans que Jérusalem a détenu ce statut (Voir Guerres 6,10 et Antiquités20,10).

3. Kélim 1,8. Cf. Baba Kama 62b, Yad, Beth haBe’hirah 7,14. Voir aussi Ketouboth 13,11 (110b), Isaïe 52,1 et 66,20.

4. Yerouchalmi, ‘Haguigah 3,6, Baba Kama 7,7 d’après le Psaume 122,3. Cf. ‘Haguigah 26a, Isaïe 33,20.

5. Ibid. Cf. Metzoudoth David (Radbaz) 266.

6. S.R. Hirsch sur Genèse 4,17. A noter que Caïn était, à l’origine, un agriculteur et qu’il a construit la première ville pour expier le meurtre de son frère. Cf. Malbim Ibid.

7. Voir Genèse 4,20 à 22.

8. Ketouboth 11b, d’après II Rois 19,34, Tan’houma, Ki Tavo 4, d’après Lamentations 2,15. Cf. Likouté Moharan 280.

9. Cette dîme était prélevée tous les ans, à l’exception de la quatrième et de la sixième d’un cycle de sept ans, où lui était substituée la dîme des pauvres (Maasser ‘Ani). Voir Yad, Matanoth ‘Aniyim 6, Ma’asser Chéni 1,1.

10. S.R. Hirsch sur Deutéronome 14,23.

11. Deutéronome 14,23, Ibn Ezra, Rachbam, Sforno ad loc., Tossafoth, Baba Batra 21a s.v. Ki. Voir ‘Hinoukh 360, Metzoudoth David 256.

12. ‘Hinoukh 360.

13. Deutéronome 26,2. Voir Bikourim 3,1 à 4.

14. Ramban sur Lévitique 1,9. Voir Tan’houma, Vayikra 8.

15. ‘Hinoukh 95.

Titre: « JERUSALEM, OEIL DE L’UNIVERS »

Auteur: Arieh KAPLAN

Editeur: EMOUNAH – NCSY/ORTHODOX UNION

Adaptation française : Jacques KOHN.

Le livre est en vente dans les librairies juives.

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Extrait n°3 : Chapitre n°1 (Suite)

(Suite du chapitre n°1)

A un niveau plus profond, l’homme est constitué de deux éléments, l’animal et le divin, ces deux entités s’opposant dans un conflit permanent.16 La part de divin l’attire en direction du spirituel, celle de l’animal vers le physique et le terrestre. Lorsqu’une personne commet un péché, il lui faut donc apporter un animal en sacrifice, élevant celui-ci vers Dieu. En même temps, l’animal contenu dans l’homme, assimilable à celui sur le point d’être immolé, est également sublimé. L’ayant incité à pécher, il est maintenant rétabli dans son assujettissement au divin.17

Toutes ces raisons n’expliquent en réalité que superficiellement la notion de sacrifice, laquelle fait appel aux idées les plus profondes du Judaïsme. Il est manifeste que les rites sacrificiels pourraient apparaître brutaux et barbares s’ils ne se situaient dans une atmosphère religieuse proche de la perfection. Seule une nation parvenue au niveau éthique et spirituel le plus élevé peut en être digne. C’est la raison pour laquelle, compte tenu de la déchéance morale et de la dégénérescence spirituelle du peuple juif, le système sacrificiel a fini par être aboli.18

Les sacrifices ne pouvaient être offerts qu’en un seul lieu, le Saint Temple (Beth haMikdach). Ceci est prescrit explicitement par la Torah : " Au lieu choisi par l’Eternel, votre Dieu, pour y asseoir Sa résidence, c’est là que vous apporterez vos holocaustes et vos sacrifices, vos dîmes et vos offrandes " (Deutéronome 12, 11). A partir du moment où le Temple a été construit à Jérusalem, les sacrifices n’ont pu être apportés en aucun autre endroit du monde.

Offrir un sacrifice hors du Temple de Jérusalem est considéré comme un très grave péché.19 On retrouve ici l’idée selon laquelle ce geste doit être accompli en un lieu d’une extrême sainteté, afin que les rites qui l’entourent ne dégénèrent pas en quelque chose de barbare et de brutal. L’auteur du Séfer ha’Hinoukh écrit que l’abattage sans motif d’un animal, exclusif de la recherche d’une nourriture ou du culte divin au lieu approprié, équivaut à un meurtre.20 C’est ainsi que le système sacrificiel nous enseignait en fait le respect de toute vie, même de celle d’un animal. Les peines les plus sévères étaient prévues contre celui qui aurait abattu un animal hors d’un lieu saint et contrairement à la loi applicable.

Ainsi, selon la Torah, celui qui venait offrir un sacrifice devait l’apporter au Temple de Jérusalem : " Quant aux choses saintes que tu posséderas et à tes offrandes votives, tu les apporteras au lieu que Dieu aura choisi " (Deutéronome 12, 26).21 En outre, il était important que l’offrant soit présent physiquement afin d’appuyer ses mains sur son animal avant qu’il soit dédié. Il était certes permis de transmettre son sacrifice à Jérusalem par l’entremise d’un intermédiaire, mais celui-ci ne pouvait pas accomplir le rite de l’imposition des mains sur l’offrande. Cette dernière, il est vrai, était valable en l’absence de ce geste rituel, mais le pardon n’était pas complet.22 Quant à l’abattage effectif du sacrifice, il ne pouvait, bien sûr, être effectué que par un Cohen.

Ainsi, toutes les fois que l’on commettait un péché nécessitant un sacrifice, on était tenu en fait, pour obtenir son pardon, d’effectuer un pèlerinage à Jérusalem. Une signification particulière était attachée à cette obligation du pèlerinage. Par sa faute, le pécheur avait manifesté que sa relation à Dieu n’était pas parfaite et complète ; aussi lui fallait-il se rendre en ce lieu pour la raffermir. Ce n’est qu’en cette ville qu’il pouvait recouvrer sa plénitude spirituelle, renouveler son engagement et se garder ainsi de récidiver.

Le Temple a été détruit par les Romains en l’an 68 de l’ère vulgaire et les sacrifices ont cessé d’être offerts depuis lors. On pèche aujourd’hui si souvent que si l’on devait apporter un sacrifice pour chaque faute, on le ferait tous les jours. Nous déclarons à Yom Kippour, pendant l’office de Né’ilah : " Nos sacrifices ne finiraient point, nos holocaustes seraient sans nombre s’ils étaient proportionnés à nos fautes. " Comme indiqué plus haut, c’est là la raison essentielle de l’abolition du système sacrificiel. Nous remplaçons aujourd’hui les sacrifices par la prière et par l’étude de la Torah, comme l’a dit le prophète : " Nous remplacerons les taureaux par les offrandes de nos lèvres " (Osée 14, 3).

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Il se dégage de ce qui précède une très importante leçon. Ce n’est pas par l’effet du hasard qu’une seule ville ait occupé une position aussi centrale dans le Judaïsme. La Torah la désigne à maintes reprises comme étant " le lieu que Dieu choisira ", et elle prescrit un grand nombre de rites qui obligeront le Juif à s’y rendre souvent en pèlerinage. Dieu savait que, pour que le peuple juif devienne digne de remplir sa mission, il lui faudrait un tel centre comme point de rassemblement.

Certes, la plupart de ces pratiques ont cessé aujourd’hui d’être observées. Jérusalem n’en a pas moins conservé son statut de point focal du Judaïsme. C’est Dieu Lui-même qui a décidé qu’elle serait une ville sainte, et ce qu’Il a décidé ne peut plus être rétracté. C’est pourquoi son statut de ville sainte n’a jamais cessé d’être en vigueur.24 Dieu considère qu’il est nécessaire qu’un tel point focal existe même de nos jours. Jérusalem continue d’être au cour du peuple juif, et de former le centre de sa mission.

Notes :

16. " Ainsi, l’homme est comme un ange de trois manières, et comme un animal de trois autres " (‘Haguigah 16a). Voir aussi Tan’houma Vayikra 8, Zohar 2,94b, 3,33b. Ramban sur Genèse 1,20, Lévitique 17,24, Ralbag sur Proverbes 12,10, Cha’aré Kedouchah 1,1, Or ha’Hayim sur Genèse 1,21, Lévitique 17,10, Likouté Amarim (Tanya) 1,1 (5b).

17. Etz ‘Hayim, Cha’ar Kitzour Abya 2 (Editions Aslag, Tel Aviv, 5720), 2ème volume, p. 395. Cf. Ramban sur Genèse 2,8, 3,22.

18. Cf. Yoma 9b, 39b, Tossefta, Mena’hoth 13,4, Yerouchalmi, Yoma 1,1 (4b), Bamidbar Rabba 7,10. Voir aussi Isaïe 1,11, Jérémie 7,11, Psaumes 50,12.

19. Yad, Ma’assé Korbanoth 18,2.

20. ‘Hinoukh 186.

21. Yad, Ma’assé Korbanoth 18,1, ‘Hinoukh 453.

22. Lévitique 1,4, 3,2, 3,8, 3,13, 4,4, 4,24, 4,29, 4,33, 16,21, Mena’hoth 93b, Yad, Ma’assé korbanoth 3,6 à 8.

23. Yoma 86b, Chemoth Rabba 38,4, Pessikta 6 (60b), Yalkout 2,479. Voir aussi Mena’hoth 110a, Ta’anit 27a, Meguilah 31a, Roch, Roch haChanah 4,14, Ora’h ‘Hayim 1,5.

24. ‘Hinoukh 95, Yad, Beth haBe’hirah 6,16.

Titre: « JERUSALEM, OEIL DE L’UNIVERS »

Auteur: Arieh KAPLAN

Editeur: EMOUNAH – NCSY/ORTHODOX UNION

Adaptation française : Jacques KOHN.

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Extrait 2 : Le respect de la parole donnée

« L’IDEE MAITRESSE »

Le judaïsme : son programme, ses buts, ses fins

21. Le respect de la parole donnée

LES VŒUX / LES PROMESSES /

LES ENGAGEMENTS CHARITABLES

Si un homme fait un vœu au Seigneur, ou s’impose, par un serment, quelque interdiction à lui-même, il ne peut violer sa parole : tout ce qu’a proféré sa bouche, il doit l’accomplir. (Nombres 30, 3)

Quand tu auras fait un vœu à l’Eternel, ton Dieu, ne tarde point à l’accomplir. Autrement, l’Eternel, ton Dieu, ne manquerait pas de t’en demander compte, et tu aurais à répondre d’un péché. Si d’ailleurs tu t’abstiens de faire des vœux, tu ne seras pas répréhensible. Tu observeras tout ce qui sort de ta bouche, et tu procéderas selon tout ce que tu auras voué à l’Eternel, ton Dieu, une offrande volontaire à laquelle tu te seras engagé par ta bouche.

(Deutéronome 23, 22-24)

1°– Les promesses faites à Dieu 1

Nous sommes responsables envers Dieu, non seulement de la manière dont nous traitons notre corps, mais aussi de celle dont nous traitons nos paroles. Dieu attend de nous une attention soutenue à ce que nous disons, même si aucun tiers n’est concerné.

Une promesse faite à Dieu est sacrée. Sa rupture constitue donc un acte de profanation. Il n’a pas besoin, Lui, de nos dons, mais nous avons besoin de donner à Dieu, ou plutôt aux causes qu’Il tient pour importantes : les secours aux pauvres, le soutien de la Torah, de la synagogue, de la communauté.

Le problème que posent les vœux et les promesses est qu’il est facile de les prononcer lorsqu’on est d’humeur à le faire, mais bien plus difficile de s’exécuter lorsque sonne l’heure de payer. Un retard est souvent fatal. On doit donc donner, après avoir promis, dès que possible.

On a le droit de prononcer un vœu quand on est en difficulté, même si les circonstances ne permettent pas de s’en acquitter sur-le-champ.

Notre ancêtre Jacob a prononcé un tel vœu au moment où, alors qu’il était sans le sou, il a entrepris son voyage vers l’inconnu : « Si le Seigneur est avec moi, s’Il me protège dans la voie où je marche, s’il me donne du pain à manger et des vêtements pour me couvrir, si je retourne en paix à la maison paternelle […] alors je construirai la maison du Seigneur, et tous les biens que Tu m’accorderas, je veux t’en offrir la dîme » (Genèse 28, 20-22). Les difficultés nous sont envoyées pour nous mettre à l’épreuve et pour nous faire donner le meilleur de nous-mêmes. Dans de telles circonstances, il est bon de s’engager au maximum pourvu que l’on soit fermement résolu à tenir sa promesse le moment venu.

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2°– Un moyen de combattre le péché et de stimuler l’accomplissement

de nos devoirs

Lorsqu’un Juif, jadis, se découvrait une faiblesse morale, s’il lui arrivait, par exemple, de succomber fréquemment à la gloutonnerie, il formulait le vœu de s’abstenir, pendant une période définie, de certains mets précis. Ceux-ci lui devenaient alors tout aussi interdits que si Dieu Lui-même les avait proscrits dans la Torah. C’était une manière de s’obliger à plus de modération. De la même manière, si l’on se découvrait quelque indolence dans l’accomplissement de certaines mitsvoth, on pouvait s’imposer, par un vœu solennel, certaines tâches destinées à la combattre.

Il est rare, aujourd’hui, que l’on emploie de tels procédés. C’est pourquoi, lorsqu’on formule un engagement, comme celui d’accomplir un acte charitable ou d’accomplir quelque mitsvah ou une bonne action, on nous recommande d’ajouter les mots : « beli nédère », qui veulent dire : « Cette promesse n’est pas à considérer comme un vœu. » Nous estimons avoir accompli notre devoir si nous sommes capables d’observer les commandements de la Torah, sans qu’il faille en plus nous engager dans des résolutions émanant de notre seule volonté.

Le don fait par Adam 2

Le destin d’Adam voulait qu’il mourût le jour même où il a mangé le fruit défendu. Dieu lui a cependant octroyé la faveur de pouvoir vivre un de Ses jours, c’est-à-dire un millier d’années. Or, Adam n’a vécu, en réalité, que neuf cent trente ans. Comment cela se fait-il ?

Les rabbins nous enseignent que Dieu a montré à Adam toutes les générations à venir de l’espèce humaine, toutes les âmes destinées à vivre sur terre, ainsi que le nombre d’années accordé à chacune. Il lui en a aussi indiqué une qui était destinée à mourir à l’instant même de sa naissance, et à laquelle n’était promise aucune durée. C’était celle du roi David. Adam se prit de compassion pour cette âme et il demanda à Dieu s’il était possible de lui faire un don en années. « C’est possible » répondit Dieu. « Dans ce cas, déclara Adam, je lui fais don de soixante-dix années de mon existence, afin qu’elle puisse vivre elle aussi. » « Fort bien ! accepta Dieu. Je te demanderai toutefois de signer un acte écrit confirmant ton engagement. » Ce que fit Adam.

Lorsque neuf cent trente années se furent écoulées, Dieu dit à Adam : « L’heure est venue, Adam ! Tu as fini de vivre le temps qui t’était imparti.

Pourtant, rétorqua Adam, ne m’avais-Tu pas annoncé que je vivrais pendant un jour plein, à savoir pendant mille ans ? –

Ne te rappelles-tu pas avoir offert soixante-dix de tes années à cette âme promise à la mort dès le jour de sa naissance ? » –

Certainement pas ! s’exclama Adam. A-t-on jamais entendu dire que l’on puisse donner à un autre une partie de sa propre vie ? –

Si tu ne t’en souviens pas, le papier que voici, portant ta signature, te le rappellera sans doute. » Nous apprenons de là que ce qui peut, aujourd’hui, apparaître comme un don insignifiant, pourra se présenter demain, lorsqu’il faudra nous exécuter, comme un immense sacrifice.<br>

Notes :

1. D’après H 70.

2. D’après Beréchith Rabba Genèse 5, 1.

Titre: « L’IDEE MAITRESSE »

Auteur: Aryeh CARMELL

Editeur: EMOUNAH

Adaptation française : Jacques KOHN.

Le livre est en vente dans les librairies juives.

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