Saisie par la veuve du fondateur de l’OLP, la justice française va enquêter sur les causes de sa mort. Cet ultime rebondissement de la saga Arafat aura au moins permis de démentir la thèse d’un empoisonnement soi-disant orchestré par le Mossad israélien.

Le 11 novembre 2004, quelques minutes à peine après l’annonce du décès de Yasser Arafat, un véritable affrontement s’était produit dans les couloirs de l’hôpital militaire de Percy entre sa veuve Souha et des responsables de l’OLP pour déterminer qui allait contrôler sa très lourde fortune, mais surtout qui allait récupérer son dossier médical, le tout sous le regard ébahi des médecins français. À l’époque, chacun des deux camps entendait bien mettre la main sur ce document afin de l’utiliser dans un prochain épisode de la lutte interne pour le pouvoir palestinien. Dans ce contexte, les observateurs avaient été frappés par l’insistance avec laquelle Souha Arafat, s’était opposée à l’autopsie souhaitée par les autorités françaises.
Huit ans plus tard, la veuve de Yasser Arafat, qui réside désormais officiellement en France après avoir été déclarée persona non grata en Tunisie, semble avoir une autre idée en tête. Fin juillet, elle a ainsi déposé une plainte devant le Parquet de Nanterre pour « assassinat ». « C'est mon devoir de mère et d'épouse de rechercher la vérité, hors de tout contexte politique », a-t-elle expliqué. Une demande à laquelle la justice française a répondu positivement la semaine dernière en ouvrant une information judiciaire afin de déterminer les causes du décès de Yasser Arafat.
Selon une source proche du Parquet, cette procédure serait automatique et ne présagerait en rien d’une volonté des responsables français de se mêler à la polémique sur un éventuel empoisonnement du leader palestinien. « Ce qui risque de se passer, au contraire, c’est que l’autorité politique va pousser le Parquet à décider d’un non-lieu. Pour nous, il n’y a que des mauvais coups à prendre dans cette affaire qui ne nous concerne pas », explique cette même source à Hamodia.
À l’origine de ce nouveau rebondissement, il y a le reportage diffusé début juillet par Al Jazzera. Devant les caméras de la chaîne qatarie, les chercheurs de l’Institut de radiophysique de Lausanne avaient expliqué avoir trouvé des traces anormalement élevées de polonium 210 sur les sous-vêtements de l’ancien chef de l’OLP. Jusqu’à présent, seule la Russie a été soupçonnée d’avoir utilisé, contre des opposants, ce poison radioactif qui provoque la mort en quelques jours. La thèse de l’empoisonnement au polonium rencontre immédiatement un très large écho parmi les « conspirationnistes » qui, depuis la mort d’Arafat, accusent Israël de l’avoir assassiné. Sauf que cette thèse, version moderne de la légende du Juif empoisonneur, ne tient pas la route. Dans les jours qui ont suivi les révélations d’Al Jazzera, Nasser Al-Qidoua, représentant de la Palestine auprès des Nations Unies, et neveu de Yasser Arafat, fait opportunément fuiter le fameux dossier médical jusqu’alors tenu secret.

Une piste écartée par les médecins de Percy
Rédigé le 14 novembre 2004 par le Pr Thierry de Revel et le Dr Fagot, responsables du service d’hématologie de l’hôpital Percy, ce document à en tête du ministère français de la Défense dresse un tableau complet de l’état de santé de Yasser Arafat à son arrivée en France. On y apprend ainsi que les premiers symptômes de la mystérieuse maladie sont apparus à Ramallah le 12 octobre, quatre heures après le repas du soir : sensation de malaise avec nausées, vomissements et douleurs abdominales. Dans les jours qui suivent, l’état du malade se dégrade rapidement, provoqué par une destruction fulgurante des globules rouges. Dès le départ, les médecins français cherchent tous azimuts l’origine de ce mal mystérieux, dont un éventuel empoisonnement criminel. En vain. De même, le Service de protection radiologique des armées ne trouve aucune trace de poison radioactif dans l’organisme de Yasser Arafat.
Jusque-là inconnues du grand public, ces données minutieusement répertoriées dans le dossier médical sont depuis examinées par des médecins réputés qui, eux aussi, concluent à l’impossibilité d’un empoisonnement au polonium.
Reste alors à comprendre pourquoi, les effets personnels d’Arafat fournis au laboratoire suisse par sa veuve se sont soudain retrouvés contaminés par le poison radioactif ? Les experts font en effet remarquer que si ses vêtements en contenaient une telle quantité au moment de sa mort, les analyses pratiquées à Percy auraient immédiatement détecté cette anomalie dans l’organisme du malade.

Un « complotiste » très engagé
Mais, la piste du polonium écartée, la thèse de l’empoisonnement a encore de beaux jours devant elle. La dernière version a été colportée par un journaliste du site internet Slate, le Dr Jean-Yves Nau. Dans son article, pour lequel il assure avoir puisé à meilleures sources du dossier Arafat, cet ancien responsable de la rubrique santé du Monde, fait ainsi la part belle à une révélation d’un professeur de médecine français, Marcel Francis-Kahn. Après étude du dossier médical du leader palestinien, le Pr Francis-Kahn, ancien chef du service de rhumatologie de l’hôpital Bichat, conclut à « un empoisonnement par une des toxines de l’amanite phalloïde ou du cortinaire des montagnes ». Ce qui obligerait, selon lui, à regarder une nouvelle fois du côté d’Israël, puisque « ce type de toxine est étudié notamment dans le centre de Ness Ziona, pas très loin de Tel-Aviv ».
Une piste qui fera probablement les beaux jours des théories conspirationnistes. On notera cependant qu’outre le fait que le Pr Francis-Kahn ne soit absolument pas un spécialiste de la toxicologie, il est surtout un militant antisioniste très engagé, fondateur dans les années 1960 de l’Association France-Palestine…
En attendant, la saga Arafat suit son cours.
Par Serge Golan, Hamodia.fr