Des lettres antisémites, le grand rabbin Richard Wertenschlag en avait déjà reçues au cours de sa carrière. Et pas qu’un peu ! Mais jamais elles n’avaient atteint le niveau de menace de la missive envoyée le 10 août à la grande synagogue de la rue de Tilsitt où siège le grand rabbinat régional.

Rédigé à la main, le courrier signé d’un mystérieux « réseau juste », promet de « punir un Juif, homme, femme, enfant ou famille, à chaque fois que vous viendrez vous plaindre à la télévision de la soi-disant Shoah ou des méchants Palestiniens ». Un peu plus loin, l’auteur anonyme de la lettre, illustrée d’ailleurs par deux photos de camps de concentration, prévient : « à bientôt, dans une synagogue (sic) (déjà choisie) ».
Après dépôt de plainte par le grand rabbin Wertenschlag, le 13 août dernier, une enquête a été ouverte et confiée à la cellule anti terroriste du Parquet de Paris, avant d’être renvoyée à la police judiciaire lyonnaise. Les enquêteurs seraient déjà sur une piste après la découverte d’une trace d’ADN sur la lettre (voir l’interview du grand rabbin de Lyon). Il s’agit désormais pour eux de déterminer si cet indice correspond à ceux retrouvés sur un précédent courrier reçu par le grand rabbinat le 23 avril dernier et dont l’auteur se présentait comme « un retraité français d’origine française et catholique ». Il s’agissait là encore d’un « ramassis de propos anti-juifs et anti-arabes », selon le rav Wertenschlag.
À Lyon, l’époque semble décidément être aux courriers nauséabonds. Le lendemain du jour où l’affaire de la lettre antisémite était rendue publique, c’est le recteur de la grande mosquée de la ville, Kamel Kabtane qui a déposé plainte après avoir reçu une lettre contenant des menaces de mort. Habitué de ce genre de menaces, il s’est dit lui aussi « inquiet de la tonalité que ça prend aujourd’hui ».
Il y a un climat de haine antisémite et de rage inimaginable
– Hamodia : Pourquoi avoir décidé de porter plainte ?
– Grand rabbin Richard Wertenschlag : Au cours de ma carrière, il m’est arrivé de recevoir très régulièrement des courriers à caractère antisémite, anti-israélien, anti-sioniste. Durant la guerre du Liban, les procès Barbie ou Touvier, j’ai par exemple reçu plusieurs lettres d’injures. Mais jamais comme celle-ci. Cette fois-ci, un pas supplémentaire a été franchi dans la mesure où il y avait une menace claire à l’égard de nos coreligionnaires.
Je ne pouvais pas rester silencieux, j’ai une responsabilité vis-à-vis de la communauté. Il fallait prendre les devants : je ne veux avoir à me reprocher de ne pas avoir avisé les judiciaires.
La menace a-t-elle été prise au sérieux par vos interlocuteurs officiels ?
– J’ai reçu la lettre Chabbat matin, mais je ne l’ai ouverte que le lendemain. J’ai envoyé copie de ce courrier à la préfecture de région ainsi qu’au procureur général leur demandant des conseils sur la marche à suivre. Le préfet Alain Marc et le Procureur adjoint m’ont immédiatement téléphoné pour me dire que l’affaire était prise très au sérieux. Dès mardi matin, le 14 août, la machine judiciaire s’est mise en marche.
La lettre a été envoyée à la police scientifique pour recherche d’ADN. D’après mes informations, une trace d’ADN suspecte aurait d’ailleurs été découverte.
Dans quel contexte intervient cette affaire ?
– Quelques semaines plus tôt, nous avions été confrontés à l’agression d’un lycéen de l’école Ozar HaTorah de Toulouse dans le train qui le ramenait à Lyon. Et n’oubliez pas l’agression contre les trois jeunes Loubavitch à Villeurbanne, peu de temps auparavant. J’ai donc été amené à intervenir plusieurs fois auprès des pouvoirs publics et dans la presse, ce qui a pu provoquer les réactions de certaines personnes peu philosémites, pour dire le moins, et qui ont voulu m’intimider pour m’empêcher de prendre la parole.
J’y vois une volonté de faire taire la communauté juive lorsqu’il s’agit de défendre nos valeurs et notre droit à la sécurité. Il y a un climat de rage antisémite et de haine inimaginable.
Par Serge Golan,Hamodia.fr