ATTENTION danger ! En lançant l’offensive contre la viande halal, Marine Le Pen risque fort de toucher, par ricochet la production casher. Depuis quelques jours, la question de l’étiquetage de la viande abattue sans étourdissement préalable est en effet devenue un enjeu de la campagne présidentielle. « Dans cette affaire, il n’y a que de mauvais coups à prendre. Personne n’a encore parlé de nous, mais ça ne saurait tarder », s’inquiète-t-on au Consistoire central où l’on est déjà fort occupé à défendre la che’hita au niveau européen.
La polémique a débuté il y a deux semaines, après la diffusion par Envoyé spécial d’un reportage (« la viande
dans tous ses états ») consacré à l’abattage rituel. On y entend notamment le directeur de la Maison de l’élevage
d’Île-de-France, François Hallépée, déclarer que « 100 % de l’abattage est halal en Île-de- France ». Effectivement,les quatre abattoirs de la région ne produisent que de la viande
abattue selon les rites musulmansou juifs.Cependant – et
la nuance est de taille – ils ne fournissent que 2 % de la viande consommée par les Franciliens, le reste venant d’autres régions françaises.
Trois jours, plus tard, Marine Le Pen rebondit sur ces deux informations en les amalgamant. « L’ensemble de la viande
distribuée en Île-de-France est exclusivement halal », explique ainsi la candidate du Front national. « Cette situation est une véritable tromperie, le gouvernement est
informé de cette situation depuis des mois.
L’ensemble des abattoirs d’Île-de-France viole la réglementation sur l’étourdissement des animaux ».
Mieux, elle promet que le FN va déposer une plainte pour des faits de tromperie et d’actes de cruauté envers les animaux à la requête de deux associations ; la « Coordination
francilienne de protection des consommateurs » et « l’Association francilienne de protection et de défense des
animaux ».
Vendredi dernier, le parquet de Nanterre a donc été contraint d’ouvrir une enquête préliminaire, sur les conditions
de vente de la viande halal en France. Une enquête confiée à la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE). En lançant la polémique, la présidente du FN
a ouvert la boîte de Pandore. Depuis quelques jours, les médias se sont ainsi emparés du sujet. On a ainsi appris que, selon les chiffres officiels, 30 % de la viande abattue
en France est issue de l’abattage rituel, alors que la demande juive ou musulmane ne représente au grand maximum que 7 % du total. Le reste se retrouve donc dans le marché général. Au bas mot, 23 % au moins de l’offre totale de viande correspondent à un abattage sans étourdissement préalable,
sans que le consommateur en soit averti.
Le risque, craignent les responsables communautaires,
c’est bien sûr que la question de l’étiquetage devienne un enjeu électoral sur fond de débat sur la place de l’islam. En
visite au marché d’intérêt national de Rungis, Nicolas Sarkozy s’est efforcé de désamorcer la polémique sur la viande halal déclenchée par la présidente du FN, estimant
qu’elle « n’avait pas lieu d’être ».Par Serge Golan, en partenariat avec Hamodia.fr