Jamais l’Espagne n’avait émis le moindre remord pour les persécutions contre les Juifs durant l’Inquisition. Un refus de se pencher sur son passé battu en brèche pour la première fois par le président du conseil régional des Baléares.

La semaine dernière, Francisco Antich s’est en effet publiquement excusé pour la mort de 37 Juifs en 1691, sur l’île de Majorque. « Nous devons avoir le courage de reconnaître la grave injustice commise contre les Majorcains qui ont été accusés, persécutés et condamnés à mort en raison de leur foi et de leurs croyances », a t-il expliqué au cours d’une cérémonie officielle organisée dans la ville de Palma. « Le travail de mémoire rouvre des blessures mais permet aussi de les guérir ».

Lorsque l’Inquisition débuta en 1492, les Juifs eurent le choix entre la fuite vers Istanbul, Londres ou le Caire ou la conversion au catholicisme. Ce qui n’empêcha pas les persécutions contre ces Marranes, accusés de continuer à pratiquer le judaïsme en secret. Deux siècles plus tard, ceux de Majorque, appelés les « Chuecas » n’étaient toujours pas à l’abri. Entre mars et juillet 1691, trois autodafés furent l’occasion de juger certains de ces descendants de Juifs, dont 32 subirent le supplice du garrot et trois autres furent brûlés vifs.
Au cours de la cérémonie organisée la semaine dernière, le rabbin de l’île, rav Nissan Ben Avraham a rappelé les noms. « Ils avaient pour seul crime de pratiquer la religion de leurs ancêtres » a pour sa part déclaré Aina Aguilo Bennassar, un représentant des descendants des Juifs convertis de Majorque, dont le nombre est aujourd’hui estimé à 15 000 âmes.
La Fédération espagnole des communautés juives s’est félicitée de cette « avancée », regrettant cependant que l’initiative soit « si tardive et si isolée », comme l’a expliqué Maria Royo, sa porte parole. En 1992, le roi Juan Carlos s’était rendu dans une synagogue de Madrid afin de reconnaître « les injustices du passé contre les Juifs ». Il n’avait cependant pas eu un mot pour l’Inquisition et ses victimes.
Par Serge Golan, en partenariat avec Hamodia.fr