L’Etat juif fait de la vie de ses ressortissants (et surtout de ses soldats) une telle priorité qu’un nombre considérable de terroristes islamistes sont libérés à chaque accord d’échange conclu avec l’ennemi dès lors qu’un israélien est retenu dans leur camp. Une solution qui soulage les familles des détenus mais qui soulève de nombreuses controverses. La Commission Shamgar s’empare de la question pour tenter d’établir des règles.

En 2004, conformément à l'accord conclu entre Jérusalem et le Hezbollah, la milice shiite libanaise avait libéré l’homme d'affaires israélien Elhanan Tannenbaum, détenu depuis octobre 2000, et remis les corps de trois soldats de Tsahal. En échange, l'Etat hébreu s’était contraint à relâcher 429 prisonniers et à remettre 60 corps de terroristes libanais. Cette décision du gouvernement israélien avait été vivement critiquée comme l’indique un article du Nouvelobs de l’époque. « Payer un tel prix pour la libération d'Elhanan Tannenbaum, un homme d'affaires enlevé par la guérilla, et le rapatriement des dépouilles des soldats de Tsahal risque d'apparaître comme une rétribution du terrorisme et entraîner une recrudescence des enlèvements d'Israéliens ».

Pourtant, 7 ans plus tard, un nouvel accord de liberté est passé concernant l’échange du soldat Guilad Shalit contre un millier de prisonniers palestiniens. Une décision cette fois-ci soutenue par une majorité du gouvernement israélien et qui jouit d’un large soutien du public israélien.

« A-t-on le droit de mettre 7 millions de personnes en danger pour un seul homme ? »

Les familles des victimes de terroristes ainsi que certains membres du gouvernement israélien avaient clairement exprimé leur opposition à l’opération. Uzi Landau, ministre chargé des infrastructures nationales au moment de la libération de Guilad Shalit , a soutenu que l'accord conclu entre Israël et le Hamas pour la libération de Guilad Shalit était une « grande victoire pour le terrorisme », considérant qu'un tel accord allait inciter à de nouveaux enlèvements de soldats et d’attaques de civils israéliens.

Une crainte qui se verra confirmée par les statistiques puisque selon Meir Indor, président de l’association israélienne Almagor qui soutient les victimes du terrorisme, « plusieurs centaines d’Israéliens ont perdu la vie à cause de terroristes libérés au cours des échanges qui ont eu lieu depuis 2000 ». Aujourd’hui, 50% de la population israélienne pense que la libération de terroristes palestiniens nuit à la sécurité de l’Etat juif. Yitzhak Maoz, dont la fille a été assassinée en 2001 lors de l’attentat à la bombe dans la pizzeria Sbarro, à Jérusalem, Hovav Nuriel, dont le père Sasson Nuriel a été assassiné par une cellule terroriste du Hamas en 2005, la famille Bloom, blessée par un cocktail Molotov, Ron Karmal, dont la fille a été victime d’un attentat à la bombe dans un bus de Haïfa, et le rabbin Shmuel Weiss, dont le fils est mort au combat ne mâchent pas leurs mots sur la question. « Avait-on réellement le droit de mettre 7 millions de personnes en danger pour un seul homme ? ».

La Commission Shamgar exprime sa position

Après l'enlèvement du soldat en juin 2006, Ehoud Barak ancien Premier ministre israélien avait chargé une commission dirigée par un ex-juge de la Cour suprême, Méir Shamgar, d'établir les critères et paramètres à observer par le gouvernement en cas d'échange de prisonniers. Cette commission s'est abstenue de publier son rapport pour ne pas perturber les négociations sur l'échange de Guilad Shalit. Aujourd’hui elle s’exprime et estime que le prix jusqu'ici payé par Israël est « trop élevé ». Elle préconise notamment que les futurs échanges de prisonniers soient « proportionnels » et qu'Israël s'abstienne à l'avenir de remettre en liberté des détenus palestiniens contre des dépouilles d'Israéliens, comme cela a déjà été le cas dans le passé.

L’Etat d’Israël entend établir des règles plus conformes à ses intérêts en cas d'échange de détenus après avoir accepté de libérer un millier de Palestiniens, dont certains sont responsables des attentats les plus sanglants de la Seconde intifada, contre son soldat Guilad Shalit. « Je suis heureux de l'accord (avec le Hamas) sur l'échange contre Guilad Shalit mais nous devons établir de nouvelles règles en matière d'échange de prisonniers », avait déclaré le ministre de la Défense Ehoud Barak en fin d’année 2011.

La peur d’un nouveau scénario Ron Arad, le plus célèbre des soldats israéliens capturé par le Hezbollah en 1986 et dont la trace a été perdue, plane au-dessus des esprits israéliens. Le plus grand regret de l’histoire de ce conflit israélo-palestinien demeure, comme l’écrit le pseudo-philosophe Marcoroz qui milite pour l’indépendance d’esprit et l’union des causes justes, dans le fait que les accords d’échanges conclus dans le passé encouragent l’une des deux parties, à savoir le camp des tueurs, des kidnappeurs et des maîtres-chanteurs, à perpétrer d’autres enlèvements et d’autres attentats. « Cela ne m’a pas empêché pas de me réjouir, bien évidemment, du retour de Guilad Shalit », précise-t-il toutefois. Par Virginie Sainsily [source guysen.com]