Charlie Hebdo n’a pas cherché particulièrement à faire de la provocation en publiant de nouvelles caricatures de Mahomet. C’est ce qu’affirme le directeur du magazine, Charb, qui a souligné que « si les lecteurs avaient peur d’être choqués, ce n’était pas la peine qu’ils l’achètent ».  

Le dessin en couverture, prenant pour modèle l’affiche d’un film français qui a obtenu récemment un franc succès (les Intouchables), présente un Juif orthodoxe, portant Peot et chapeau noir, qui pousse sur une chaise roulante un musulman qui a pris l’apparence du « prophète Mahomet ». D’autres caricatures attendent le lecteur à l’intérieur du journal.  
 
Les médias français ont annoncé que les 75 000 exemplaires du premier tirage avaient tous été vendus. Ce chiffre est assez impressionnant et atteste du succès que les dessins ont remporté auprès du public.
 
Les avis sont, bien entendu, partagés sur le bien fondé d’une telle publication, avancé par les journalistes de l’hebdomadaire satirique qui revendiquent la liberté d’expression.
Dans les pays arabes, il est clair que ces caricatures sont très mal accueillies et considérées comme « blasphématoires ». Le ministre marocain du Tourisme Lahcen Haddad les a qualifiées d’inutiles et d’assez « mesquines ».
 
En France, le CFCM (Conseil français du Culte musulman) a condamné « avec la plus grande vigueur ce nouvel acte islamophobe qui vise à offenser délibérément les sentiments des musulmans ». Mais il a tout de même lancé un appel au calme, incitant ses membres à « ne pas céder à la provocation ».
 
Le président du CRIF Richard Prasquier a quant à lui « désapprouvé » les caricatures qui relèveraient selon lui d’une forme de « panache irresponsable ». Il a expliqué sa réaction en invoquant le contexte actuel de tension.
 
Le ministre français de l’Intérieur Manuel Valls a réagi avec davantage de sang froid en ne les condamnant pas, bien au contraire. Après avoir rencontré les représentants du culte musulman en France, Valls a affirmé, sans laisser la moindre équivoque, que la liberté d’expression, dont cette caricature, était un « droit fondamental » encadré par la loi. Pour lui, il n’est donc pas question de céder au chantage : il a appelé chacun à « faire preuve de responsabilité » et a précisé qu’il ne tolérerait certainement pas que des manifestations troublent l’ordre public suite à ces publications.
 
Malheureusement, si les autorités françaises ne veulent pas se laisser impressionner par la violence islamique, elles n’ont parfois pas trop le choix si elles souhaitent empêcher que la situation ne dégénère de façon extrêmement dangereuse.
 
Pour éviter ce qu’elles ont appelé le « scénario libyen » (l’ambassadeur des Etats-Unis a été assassiné en Libye après la diffusion d’un film américain anti-islam), le gouvernement français a annoncé la fermeture, ce vendredi, des écoles françaises et des ambassades dans une vingtaine de pays où des débordements pourraient se produire. En outre, la sécurité a été renforcée pour protéger les diplomates et les ressortissants français.   
 
Ces précautions ne sont pas inutiles, loin de là. Le film américain a, comme on le sait, provoqué des émeutes dans le monde musulman où certains manifestants, notamment à Tunis, ont appelé à une nouvelle Intifada.
 
Ce n’est pas la première fois que Charlie Hebdo publie des caricatures sur Mahomet. En novembre 2011, il avait présenté un numéro spécial rebaptisé « Charia Hebdo » avec en Une un dessin présentant un Mahomet hilare. Quelques jours plus tard, ses locaux étaient détruits par un incendie criminel et l’enquête est toujours en cours pour  trouver les coupables.