La guemara raconte (Yevamoth 79b) que le roi Menaché demanda un jour au prophète Isaïe : “Moché rabbénou a dit : ‘Qui est grand comme ce peuple qui possède une divinité accessible comme Hachem, notre Dieu, accessible toutes les fois que nous L’invoquons ?’ (c’est-à-dire qu’Il nous répond à tout moment). Or toi, [Isaïe] tu as dit : ‘Recherchez Hachem lorsqu’on Le trouve, appelez-Le lorsqu’Il est proche !’ Ceci signifie que parfois Il est accessible et parfois il ne l’est pas.”
La réponse est…
que ce dernier verset : “Recherchez Hachem lorsqu’on Le trouve, appelez-Le lorsqu’Il est proche !” concerne le particulier (pour lequel Hachem n’est pas toujours accessible). Le premier verset : “Qui est grand comme ce peuple qui a une divinité accessible comme Hachem…” parle de la collectivité (à laquelle Hachem répond toujours). A quel moment Hachem est-Il accessible au particulier ? Pendant les dix jours compris entre Roch Hachana et Yom Kippour.
Le maguid de Doubno expliquait ce passage à l’aide d’un machal :
La population d’une province s’était un jour révoltée contre son souverain. Celui-ci, fort en colère, s’apprêtait à ordonner à son armée de réprimer la révolte par la force. Les insurgés s’empressèrent alors d’envoyer une honorable délégation solliciter le pardon du roi. Les portes du palais s’ouvrirent pour laisser passer la délégation. Les gardes lui permirent d’entrer dans la salle du trône. Le souverain lui-même accepta d’écouter leurs doléances et leur donna satisfaction.
Dans la capitale vivait un homme pauvre dont les biens allaient être confisqués car il n’avait pas payé ses impôts. Il décida de se rendre chez le roi pour lui demander de l’acquitter de sa dette. Mais aux portes du palais, il fut repoussé par les gardes. “Où est la justice ?” riposta-t-il. “Les rebelles qui méritent la peine capitale ont été introduits et exaucés et moi, un homme seul qui n’a qu’un petit problème d’impôts, je ne peux pas obtenir d’audience ? Pourquoi les avez-vous laissés passer et me barrez-vous la route ?”
“Ce n’est pas comparable !” rétorquèrent les gardes. “Les insurgés, eux, ont envoyé une délégation de princes et de notables alors que toi, misérable, mieux vaut que tu fasses demi-tour !”
L’homme ne désespéra pas pour autant. Il attendit aux portes du palais que le roi sorte faire sa promenade en carrosse. Dès qu’il l’aperçut, le pauvre cria : “Au secours ! Majesté ! Sauvez-moi !”
Le souverain fit immédiatement arrêter sa voiture et interrogea le pauvre. Notre homme présenta alors sa requête qui fut exaucée sur le champ.
Toute l’année, la chekhina est au ciel et les portes de la prière sont closes. Les gardes et les anges accusateurs empêchent toute supplication qui n’est pas pure de s’élever et d’être entendue. Dans une assemblée, il y a toujours des personnes très méritantes dont la prière n’est entravée par aucun obstacle.
Cependant, pendant les dix jours de pénitence, Hachem vient, pour ainsi dire, séjourner parmi nous et accepte les prières de chacun. C’est ce que dit le prophète en s’adressant à chaque Juif en particulier : “Retourne, Israël, vers Hachem ton Dieu” tant qu’il est proche de toi “car tu as failli par ta faute”. Tu es spirituellement pauvre et ne pourras plus être introduit dans cet état chez le Roi après Yom Kippour lorsqu’Il aura regagné Sa demeure dans les cieux. Par contre, le prophète s’adresse à la communauté à la forme plurielle : “Munissez-vous de paroles et revenez vers Hachem” sans fixer de temps. En effet, grâce aux tsadiqim, aucun obstacle n’arrête la prière de la collectivité. “Tu pardonneras toute faute et prends le bien” signifie que Hachem considérera les bonnes actions des justes et, grâce à eux, le péché de toute la communauté sera pardonné.
(Ohel Ya‘aqov, A‘haré moth, Kokhav miYa‘aqov, hafatrath Vayétsé)
Cha‘aré Yom Kippour
S’IL SE TROUVE UN ANGE QUI INTERCEDE POUR [LUI], UN SEUL ENTRE MILLE, EN DISANT LA DROITURE DE L’HOMME, IL (HACHEM) LUI FERA GRACE ET DIRA : “RACHETE-LE POUR QU’IL NE DESCENDE PAS EN ENFER.” (Job 33, 23 – Ce passage se récite avant les kapparoth)
Le ‘Hafets ‘Haïm disait : “Même les plus grands pécheurs d’Israël sont pleins de mitsvoth comme les grenades sont emplies de graines. Il ne se trouve donc personne qui n’ait de nombreux avocats puisque la michna nous enseigne : ‘Quiconque accomplit une mitsva s’acquiert un avocat’ (Avoth 4, 11). S’il en est ainsi, tout le monde devrait être acquitté lors du Jugement !”
Le problème est que la présence d’un défenseur ne suffit pas ; encore faut-il qu’il soit capable, qu’il ait de la valeur et du talent.
Un homme attendait de passer en jugement pour une faute très grave. S’il était déclaré coupable, il risquait la peine capitale et la confiscation de toute sa fortune. Cependant, certains amis le tranquillisèrent en lui disant que l’acte d’accusation n’était pas si alarmant et qu’un bon avocat réussirait certainement à réfuter les arguments du procureur. A ces mots, notre homme fut soulagé et se dit : “S’il en est ainsi, pourquoi prendre un avocat particulièrement brillant et dépenser beaucoup d’argent ? Je me suffirai d’un débutant qui se contentera d’honoraires plus modestes !”
A l’ouverture du procès, le procureur lut le long réquisitoire. La parole fut à la défense mais l’accusé avait choisi un avocat qui bégayait ! Il est évident qu’il fut condamné à une lourde peine. En voulant économiser quelques sous, il perdit tout ce qu’il possédait.
Hélas ! Nous ressemblons, à cet accusé. Certes, toute mitsva que nous accomplissons crée un ange défenseur. Cependant le verset précise : “s’il se trouve [non seulement] un ange [mais] qui [de plus] intercède pour lui”. En effet, une mitsva faite en passant, sans y penser, sans faire attention aux détails halakhiques de son application crée un ange difforme, infirme, bègue ou muet. Si un homme se faisait défendre même par une armée d’avocats de ce genre, l’un boiteux, l’autre manchot, le troisième borgne, le quatrième bègue… il serait la risée du tribunal et cela nuirait certainement à sa cause.
L’homme doit donc se soucier de faire au moins une mitsva à la perfection afin d’avoir un avocat brillant capable de le défendre, de le racheter de la mort et de l’enfer !
(Michlé hé‘Hafets ‘Haïm, 51)
QUELLE DIFFERENCE EXISTE-T-IL ENTRE UNE CONFESSION ET UNE ACCUSATION ?
Au cours d’une dracha précédant Kol Nidré, le maguid de Doubno expliqua les paroles du midrach (parachath Ki Tissa) sur le verset : “… s’il n’y avait pas eu Moché, Son aimé, qui s’est tenu sur la brèche – ‘amad bapérèts : amad bimeqom haporèts. Moïse s’est tenu à la place de celui qui fait la brèche ; il a repoussé le Satan et a pris sa place. Dès que Moché a dit : “De grâce, ce peuple-là a commis une grande faute”, tous les anges dénonciateurs s’éclipsèrent en disant : “Pourquoi nous poser en accusateurs ? Il vaut bien mieux que Moché lui-même s’en charge !”
De même, quiconque confesse ses péchés et reconnaît ses fautes ferme la bouche aux anges accusateurs. “Il n’est pas nécessaire que nous accusions le pécheur”, disent-ils, “puisqu’il avoue lui-même et énonce dans le détail toutes les infractions qu’il a commises !”
Dans ces conditions, quel est donc l’intérêt du vidouï ? Pourquoi le dire plutôt que laisser les anges accuser ? Qu’est-ce qui différencie l’aveu d’une faute et sa dénonciation ? Elle réside… dans le ton, dans la mélodie, dit le maguid, et il s’explique par un machal :
Un marchand se rendit à la grande foire. Avant de prendre le chemin du retour, il acheta un beau costume pour son fils. Lorsqu’il reçut son cadeau, l’enfant ne se tint plus de joie et s’empressa de l’endosser pour se faire admirer, dehors, par ses camarades. Ceux qui avaient bon caractère le complimentèrent mais d’autres, jaloux, l’enviaient secrètement. Un quart d’heure plus tard, alors qu’ils étaient en train de jouer, le garçon trébucha sur une pierre et tomba dans la boue. Lorsqu’il se releva, il fut effaré de voir son beau costume neuf maculé de taches !
“Je vais courir chez ton père lui raconter que tu as sali ton nouvel habit !” s’exclama l’un de ses camarades envieux, les yeux brillants de joie.
L’enfant prit peur. Si ce camarade allait le dénoncer à son père, il se mettrait certainement en colère contre lui. Que fit-il ? Il fila chez lui comme une flèche pour devancer son camarade et s’écria, en larmes : “Papa ! Regarde ce qui m’est arrivé ! Regarde dans quel état est mon nouveau costume !”
Et le père, pris de pitié, le consola en disant : “Ne pleure pas ! On peut laver ton habit, on peut le nettoyer et, au pire, je t’en achèterai un autre…”
Quelle est la différence entre la dénonciation du camarade et la confession de l’enfant ? Le ton, la manière de le dire…
Tel est le sens des paroles de David hamélekh : “Eloignez-vous de moi, vous tous, anges du mal car Hachem a écouté le son de mes pleurs”. Si notre confession est accompagnée de larmes et de supplications, les anges accusateurs seront réduits au silence.
La Tora exprime cette même idée dans le verset : “Car la chose est très proche de toi, elle est présente dans ta bouche et dans ton cœur pour que tu puisses l’accomplir”. Quand le repentir est-il efficace ? Lorsque le cœur s’associe à la bouche lors de la récitation du vidouï !
(Ohel Ya‘aqov, Emor)