100 % d'Ashkénazes siègent à la Cour suprême israélienne. Le juge Edmond Lévy servait jusqu'à récemment de feuille de vigne à l'hégémonie ashkénaze de la plus haute instance de justice, mais que faire, il a atteint l'âge de la retraite et la feuille de vigne s'est donc asséchée, mettant à nu une Cour suprême politiquement incorrecte. Mais l'uniformité des juges de la Cour suprême ne se limite pas à leurs origines. Voici déjà longtemps que les pouvoirs législatifs et exécutifs reprochent au Bagatz une uniformité des idées et des opinions politiques. Plusieurs projets de loi promettent de mettre fin à ce déséquilibre.


Avec tout le respect dû au dossier nucléaire iranien ou au flop de la déclaration unilatérale d'indépendance palestinienne, un des évènements politiques les plus majeurs de ces dernières semaines concerne le système judiciaire israélien et la volonté – non avouée – du Premier ministre Binyamin Nétanyaou de procéder à des changements au sein de l'appareil judiciaire afin de mettre un terme à l'hégémonie gauchisante des juges de la plus haute instance de justice du pays : la Cour suprême.
Le Premier ministre se garde bien d'avouer tout haut ses projets et c'est par le biais de son fidèle chef de file de la coalition, le député Zeev Elkine et de son ministre de la Justice, Yaakov Neeman, qu'il tente de changer la donne au sein de l'appareil judiciaire par le biais de projets de lois et de réformes.
La première loi déposée dans ce sens concerne le comité chargé de l'élection des juges de la Cour suprême. Il est de notoriété publique que depuis des années, c'est la méthode du parrainage qui régit l'élection des juges de la Cour suprême. Voici comment fonctionne cette méthode a priori équilibrée, mais en fait clairement biaisée : neuf membres forment le comité, parmi lesquels quatre politiciens et cinq juristes. Parmi les politiciens, on trouve deux ministres – parfois de gauche, parfois de droite, selon le résultat des élections -– et deux députés, un de droite et un de gauche. Parmi les juristes, on trouve deux délégués du barreau, s'alignant automatiquement à l'opinion des juges et enfin trois juges de la Cour suprême. En résumé, dans le cas d'une coalition de droite, on obtient trois juges, deux juristes soucieux de plaire aux juges et un député de gauche soit six membres sur neuf dont les opinions politiques varient entre Méretz et le Parti travailliste. Dans le cas d'une coalition de gauche, cette majorité passe à huit contre un.
C'est ainsi que comme l'a expliqué l'éditorialiste Ouri Élitsour, les juges de la Cour suprême « se clonent les uns les autres » : un juge laisse la place à son clone et l'uniformité continue…
Un amendement à la loi déposé par le ministre de l'Éducation Guidéon Saar et adopté par le comité ministériel pourrait peut-être mettre à mal ce vote automatique : selon cet amendement, une majorité de sept membres sera désormais nécessaire pour élire un juge à la Cour suprême. L'équilibre n'est pas encore au rendez-vous, mais, en cas de coalition de droite, cette dernière sera en mesure de bloquer un candidat promu par la gauche.
Mais le Premier ministre – officieusement toujours – ne s'est pas contenté de ce petit exercice stratégique. Il est parvenu à faire nommer deux députés de droite au comité : le premier, Doudou Rotem (Israël Béteinou) appartient à la coalition ; le second, Ouri Ariel (I'houd Léoumi), à l'opposition !
Enfin, un dernier texte de loi, qui exige qu'au moins un des délégués du barreau soit issu de l'opposition (en Israël, le barreau aussi est politisé NDLR) assure là aussi une plus grande hétérogénéité du comité.
Toutefois, le projet de loi présenté par les députés Likoud, Yariv Lévine et Zeev Elkine, a été largement critiqué tant par l'opposition que par une partie de la coalition. Selon ce texte, tout juge candidat à la Cour suprême devra passer une audience publique devant la Commission parlementaire des lois qui sera habilitée à poser son véto et donc à disqualifier un candidat.
Depuis l'annonce de la déposition de ce projet, c'est le tollé général en Israël. Côté gauche, on parle de politisation illégale de l'appareil judiciaire. Au sein du Likoud, des ministres comme Guidéon Saar ou Moché Ca'hlon condamnent ce qu'ils appellent une violation de la séparation des pouvoirs et parmi les juristes, on pousse de hauts cris et on parle d'une démarche antidémocratique extrêmement dangereuse.
Ces derniers développements sont la suite logique d'un bras de fer qui oppose depuis de longues années déjà la Cour suprême et l'appareil politique. Dans quelques mois, la présidente de la Cour suprême, Dorit Beinisch, ennemie jurée de la droite, devrait partir à la retraite. Pour ceux qui considèrent que le Bagatz a pris une couleur politique trop prononcée depuis l'accession du président de la Cour suprême Aaron Barak, le prédécesseur et mentor de Beinisch, l'occasion est toute trouvée de redonner un semblant d'équilibre dans le système…Par Laly Derai,en partenariat avec Hamodia.fr