Une génération après l’effondrement du communisme, les Juifs d’Europe centrale se disent satisfaits de leur sort, mais s’inquiètent d’une montée de l’antisémitisme. Et s’ils aiment visiter Israël, ils n’imaginent pas s’y installer définitivement.

Mais dans ces pays où la religion était considérée durant des décennies comme « l’opium du peuple », ils estiment ne pas avoir besoin de respecter les mitsvot pour être de « bons Juifs ». Ce portait contrasté des communautés juives de la Mitteleuropa est le résultat d’une enquête « Identité à la carte » menée pour le compte de l’American Joint Distribution Comitee et rendue publique la semaine dernière. Menée en 2008-2009 par une équipe de démographes chevronnés, cette étude est la plus importante jamais réalisée sur ce sujet dans les anciens pays communistes. Les chercheurs qui l'ont initiée et conduite se sont concentrés sur les cinq pays où une vie juive s’est développée de manière significative au cours des vingt dernières années : de la Bulgarie où vivent 5 000 Juifs à la Hongrie où ils sont 100 000, et en passant par la Roumanie, la Pologne et la Lituanie.

« L’élément essentiel pour la génération du post communisme, c’est que le judaïsme n’est plus vécu comme un handicap qu’il faut cacher », explique Marcelo Dimentstein, le directeur général du Joint. « Au contraire, ils sont fiers d’être juifs ».
Malgré des différences nationales, « Identité à la carte » permet de dégager des éléments communs à ces Juifs d’Europe centrale. Ils sont ainsi plus aisés et plus éduqués que leurs compatriotes non-juifs. Surtout, ils se disent aujourd’hui plus concernés par leur identité juive qu’ils ne l’étaient durant leur enfance : c’est le cas pour 81 % des Juifs de Pologne, 73 % de ceux de Hongrie, 66 % en Bulgarie, 63 % en Roumanie et 62 % en Lituanie. Une donnée à analyser au regard des 20 % d’entre eux qui affirment que leur judaïté leur avait été cachée par leurs parents durant leur enfance afin de les préserver des stigmates qui s’y attachaient dans les sociétés communistes.
Cette conscience identitaire est d’ailleurs en progression. Un tiers des sondés – plus de la moitié en Roumanie et en Pologne – se disent ainsi plus impliqués dans la vie juive aujourd’hui qu’il y a cinq ans. Ils sont à peu près autant à affirmer vouloir l’être encore plus à l’avenir.
Des résultats minorés par une réalité plus préoccupante : dans les cinq pays observés, les Juifs n’accordent qu’une importance mineure au respect des mitsvot, au profit d’une approche culturelle et sociale de leur identité juive. « La majorité des sondés s’accorde à dire qu’il est possible d’être un bon Juif sans participer à la vie religieuse », souligne ainsi l’étude.
Parmi ces éléments identitaires, l’attachement à Israël joue un rôle « significatif » pour plus de la moitié des personnes interrogées, à l’exception des Hongrois. Mais si 85 % des Juifs sondés ont déjà visité l’État hébreu, dont 66 % plusieurs fois, ils sont seulement 15 % à 22 % à imaginer faire leur alya. Si l’antisémitisme inquiète les Juifs d’Europe de l’Est, ceux-ci font preuve d’un certain optimisme quant à l’avenir du judaïsme dans cette région. En Hongrie, ils sont ainsi 87 % à croire que la communauté juive va continuer à prospérer en Hongrie, contre 46 % en Roumanie.
Outre qu’elle offre une photographie unique du nouveau visage de ces communautés qui avant la Shoah formaient le cœur de la yidishkeit, l’étude « Identité à la carte » est avant tout destinée à servir d’outil de travail aux organisations qui agissent pour renforcer l’identité juive dans ces pays.Par Serge Golan,en partenariat avec Hamodia.fr