20 % des Israéliens issus de l'immigration de l'ex-URSS conservent en grande partie leur culture russe. Israël est donc un pays qui, du point de vue économique, social et géopolitique, intéresse de plus en plus la Russie. Cette relation privilégiée qu'entretiennent les juifs russophones avec leur pays d'origine pousse son président, Vladimir Poutine, à jouer la carte de la séduction et à maintenir une bonne relation avec Israël malgré des dossiers brûlants qui les opposent comme celui de la Syrie.
Fait intéressant : des décideurs politiques aussi froids et réalistes que Vladimir Poutine sont parfois influencés eux aussi par des facteurs humains assez inattendus ! À preuve : le fait que Moscou voit d’un très bon œil – et même comme un facteur de rapprochement bilatéral – l’influence des Israéliens d’origine russe dans la vie économique et politique d’Israël… D’autant que les quelque 1,5 million de citoyens israéliens d’origine russophone – devenus des acteurs incontournables de la vie politique de l’État hébreu grâce aux « partis russes » successifs (assez à droite) qu’ils ont fondés – se distinguent par un mode de vie qui les différencie des autres Israéliens en les rapprochant de leurs origines russes.
Surtout issus de Russie et d’Ukraine, ces citoyens ont conservé des liens étroits avec leur pays d’origine et ont, de ce fait, créé un espace transnational israélo-russe à travers des réseaux familiaux et économiques. Plus que la question de leur origine géographique, c’est la dimension culturelle qui prime pour eux, avec le terreau commun dont la langue russe est le principal pilier : un ciment qui soude cette communauté d’immigrés, dont l’identité judaïque est surtout ethnique avant d’être religieuse.
Ainsi, tout en étant intégrés dans le paysage politique d’Israël, les Israélo-Russes forment une communauté à part dans la mesure où ils ont conservé leur culture, leurs mœurs et surtout la langue russe. Ce net refus d’acculturation à la société israélienne s’est traduit par une forte communautarisation des nouveaux arrivants qui s’explique d’abord par le fait qu’ils sont restés attachés à leur culture d’origine jugée « supérieure » à celle d’Israël.
Pour l’expert Igor Delanoë, « les nombreux liens qui se sont progressivement tissés entre Israël et la Russie – et plus largement l’espace postsoviétique – grâce aux activités de ces ressortissants israélo-russes ont contribué à bâtir, à travers un ‘pont humain’, un espace d’échanges transnational social, économique et religieux tout en constituant également un champ d’expression du ‘soft power’ israélien en Russie et russe en Israël. Les leviers utilisés sont économiques et financiers pour les Israéliens et démographiques ou culturels pour les Russes.
Or, au plan diplomatique, cette communauté a servi de levier à Israël dans son rapprochement avec la Russie. Un processus favorisé par la nomination d’Avigdor Lieberman, chef du parti Israël Béteinou, comme ministre des Affaires étrangères.
Lors de sa précédente rencontre avec Poutine à Moscou en février 2010, Binyamin Nétanyaou n’avait-il pas pour sa part déclaré : « L’une des raisons de notre succès diplomatique tient à la présence d’un pont vivant reliant nos deux pays. Un pont formé par le million de citoyens israéliens russophones rattachant Israël à la Russie et qui nous ont communiqué l’amour de ce pays ! » Par Richard Darmon,