Le fait que, depuis la Tunisie en passant par la Lybie, l’Egypte, la Syrie, le Liban et la Turquie, plusieurs Etats du Maghreb et de la façade ouest du Proche-Orient sont en train de s’islamiser et de se radicaliser à grande vitesse, pose de nombreux problèmes stratégiques pour Israël et le camp occidental.


Les conséquences par « effet domino » des bouleversements provoqués par l’immense vague de révoltes survenues dans les pays arabes de la région sont de plus en plus claires : au lieu de constituer un « printemps » générateur de démocratie et de liberté – comme on l’a trop vite proclamé en Occident -, ces troubles sont en train d’amener ou de renforcer les mouvements les plus radicaux, sunnites comme chiites, prônant la charia et l’islamisme combattant.
C’est d’abord le cas en Tunisie avec le récent triomphe électoral du parti islamiste Ennadah (qui avait déjà recouru dans les années 1980-90 à la violence terroriste), et presque simultanément en Lybie, où la chute du régime Kadhafi dans un pays fait de plus de 130 ethnies a déjà ouvert la voie à l’anarchie et à la « loi des armes » aux mains des diverses milices islamistes, dont certaines sont contrôlées par les réseaux Al-Qaïda…
La situation n’est pas non plus très brillante en Egypte où l’on a vu ces derniers jours que le régime militaire, qui a pourtant avec lui la « force du feu » pour barrer la route aux islamistes qui tiennent la rue en s’alliant aux libéraux, compose et recule devant les Frères musulmans : en fait, le meilleur moyen de leur ouvrir une « voie royale » pour une large victoire électorale aux prochaines législatives, voire même aux présidentielles de l’an prochain…

Le canal de Suez, axe hyper-sensible d’une extension de l’influence islamiste et iranienne…

Fait aggravant au plan géopolitique en cette période d’instabilité des nouveaux régimes en place et de ceux qui vacillent : c’est bien l’Egypte qui contrôle le canal de Suez, cette voie d’eau stratégique reliant le Golfe persique et les pays d’Orient à la Méditerranée orientale et, par conséquent, à l’Europe du Sud, aux Balkans (dont les pays islamistes Bosnie, Kosovo et Albanie), et aussi – par le détroit turc du Bosphore – aux République islamistes caucasiennes du sud-ouest de l’ex-URSS…
De manière très inquiétante, n’a-t-on justement pas vu, voilà neuf mois, le gouvernement militaire égyptien laisser, pour la première fois depuis des décennies, des navires de guerre iraniens traverser le canal de Suez pour aller livrer des missiles au Hezbollah libanais (le bras armé de Téhéran au Pays du Cèdre, c’est-à-dire sur la frontière-nord d’Israël), grâce aux installations bien protégées (par de nouveaux missiles russes) du port militaire syrien de Lattaquié ?!
Autre facteur régional de déséquilibre lié à la montée de l’islam en Egypte : les risques accrus de « somalisation » de la péninsule du Sinaï – déjà mal stabilisée vers la fin du régime Moubarak – de plus en plus aux mains des terroristes de Gaza, du Soudan et d’ailleurs… Ce qui pourrait à moyen terme lever une dangereuse hypothèque sur la liberté de navigation en mer Rouge, sur le canal de Suez, voire dans toute la Méditerranée orientale !

L’effet catalyseur des ambitions régionales de la Turquie d’Erdogan

Comme le note Ephraïm Inbar, professeur en Sciences politiques à l’université Bar-Ilan et directeur du Centre Begin-Sadate d’Etudes stratégiques, « le nouveau facteur en Méditerranée orientale, c’est le règne du parti islamiste PKA en Turquie. S’éloignant à grands pas ces dernières années de ses orientations pro-occidentales, la Turquie a souvent adopté depuis des positions radicales. S’appuyant sur l’orientation pro-islamiste du PKA, le gouvernement Erdogan soutient ainsi le Hamas et le Hezbollah, tout en s’opposant aux sanctions contre l’Iran, et en se montrant toujours plus hostile à Israël ».
« Or, poursuit le Pr. Inbar, ce pays nourrit de fortes ambitions pour s’emparer du leadership chancelant de l’Egypte et de la Syrie, non seulement au Proche-Orient, en Méditerranée orientale – concernant notamment les ressources de gaz naturel au large de Chypre et d’Israël -, mais aussi en Asie centrale, dans le Caucase et jusque dans les Balkans… C’est un mélange de nationalisme turc exacerbé, de nostalgie néo-ottomane et d’inspiration islamo-djihadiste qui a ainsi radicalisé les positions d’Ankara sur nombre de questions régionales ».
Résultats de toutes ses synergies autant explosives que pro-islamistes à l’œuvre à l’est du bassin méditerranéen : seuls Israël et la Grèce – un pays affaibli par son terrible endettement et une crise économique sans précédent – résistent comme ils le peuvent à l’expansion régionale de l’islam…
Dans ce contexte, le net affaiblissement de l’influence et de la puissance stratégique américaines dans cette partie du monde et l’inconscience de plus en plus patente des pays européens, qui continuent d’idéaliser le « printemps arabe » et à qualifier la Turquie de « pays islamiste modéré », n’augurent de rien de bon et risquent de laisser « carte blanche » à l’expansion de l’islam radical.Par Richard Darmon,en partenariat avec Hamodia.fr