Bien que leurs actions ne figurent pas à la « une » de la presse internationale, les Frères musulmans jordaniens font tout pour saper à la base le pouvoir du roi Abdallah…
La démission en début de semaine de onze ministres du gouvernement jordanien à la suite des pressions de l'opinion publique est certainement le développement majeur intervenu en Jordanie depuis le début du printemps arabe. De facto, l’opposition au régime du roi Abdallah n’a cessé ces derniers mois, d'agir, de se développer et se structurer, notamment en multipliant les manifestations exigeant des réformes constitutionnelles et en s’alliant habilement aux syndicats d’ouvriers et des coopératives agricoles afin de protester « contre la vie chère ».
Or, la force motrice de cette pression exercée de plus en plus fortement contre le pouvoir hachémite n’est autre que le mouvement des Frères musulmans et le Front d’Action islamique. Il faut dire que fondée dès 1922 à Aman, la branche jordanienne des Frères musulmans a toujours été la principale force d’opposition, tant sous Hussein que sous son fils et actuel souverain.
Ainsi, dès les élections législatives de 1989, les Frères musulmans décrochaient 20 des 84 sièges du parlement « consultatif » jordanien, un beau score renouvelé aux législatives de 2003.
Prônant la diffusion la plus large de l’islam et de la charia, la confrérie jordanienne lutte en particulier pour des réformes constitutionnelles, pour l’abolition du système électoral majoritaire, pour des réformes économiques garantissant une meilleure distribution du revenu national, et aussi pour la « liberté d’expression »…
Les retombées locales des « secousses sismiques » provoquées par les révoltes arabes de ce "printemps", ont été fortement ressenties en Jordanie et elles ont poussé les Frères musulmans à se porter à la tête de tous les cortèges de protestation organisés par l’opposition. Mais actuellement, un élément encore plus pernicieux est en train de déstabiliser dangereusement le régime hachémite : alors que le roi a jusque-là réussi à maintenir un équilibre entre les diverses ethnies qui forment le royaume composite de Jordanie, de sérieuses failles se font sentir depuis deux ans venant de deux directions complémentaires : la volonté de l’Arabie saoudite – principal pourvoyeur de fonds des Frères musulmans jordaniens – de déstabiliser Abdallah II et de le placer sous son influence et l’action de la reine Rania, une Palestinienne d’origine, en faveur des intérêts très spécifiques des 70 % de citoyens d’origine palestinienne que compte la Jordanie actuelle…
En Syrie les Frères musulmans, force motrice de l’opposition sunnite au clan Assad
Depuis le déclenchement de la crise qui ébranle le régime Assad, il faut garder présent à l’esprit que la Syrie a toujours été divisée en quatre grands groupes ethniques : la minorité alaouite, regroupée sur le littoral méditerranéen, la minorité druze dans les montagnes centrales, une autre minorité kurde au nord du pays, et enfin la majorité sunnite des grandes régions de Damas et d’Alep, soit 60 % de la population syrienne totale.
Or, ce sont justement les sunnites qui sont devenus au cours des trois derniers mois, le fer de lance des émeutes contre le régime Assad.
Principale force politique chez les sunnites : les Frères musulmans, dont la branche locale a été fondée dans les années 1930 par des étudiants syriens revenus d’Egypte et qui s’opposèrent dès 1953 à la prise du pouvoir à Damas du parti Baas (mené par la minorité alaouite). Une opposition tellement constante et farouche que les Frères musulmans commencèrent dans les années 1970 à commettre des attentats contre le régime de Hafez El Assad, père de l’actuel président Bachar, avant de se faire massacrer en 1982 lors de la grande insurrection qu’ils organisèrent dans la ville de Hama – où les canons et les mortiers de Hafez firent quelque 25 000 morts dans leurs rangs !
On comprend donc que depuis, les Frères musulmans ont une énorme revanche à prendre contre le clan Assad, honni de toujours…
« Mais attention, prévient le Dr. Mordéhaï Kédar, un expert des affaires syriennes au Centre Begin Sadate d’Etudes stratégiques, vue l’ampleur des derniers événements régionaux, tout ce que nous savions de la Syrie est caduque ! Certes, les Frères musulmans agissent en filigrane dans ces émeutes comme des inspirateurs locaux, mais pas encore comme centre organisé au plan national ». Par Richard Darmon,en partenariat avec Hamodia.fr