Les enseignements de la Haggadah recèlent d’immenses trésors !Voici donc quelques « joyaux » extraits de plusieurs grands commentaires pour enrichir votre « soirée du Séder »…
« Même si nous étions tous des sages » La Haggadah nous enseigne ici que même si nous étions tous des hommes « sages »,« intelligents » et que « nous connaissions la Torah », nous serions malgré tout tenus de raconter en cette soirée l’histoire de la Sortie d’Égypte. Mais que désignent ces trois expressions de sagesse ?
Nous savons que D.ieu commande et dirige l’Univers entier dans ses moindres détails.Or, on peut distinguer la main du Créateur dans le monde qui nous entoure de trois manières différentes :
A. A travers l’existence même du monde où nous évoluons.
C. A travers les miracles et tous les phénomènes surnaturels.
Certaines personnes, dont la émouna est peu développée, ne remarquent l’existencedu Créateur qu’à travers les miracles : pour elles, c’est seulement en voyant des « prodiges » véritables que la présence de D.ieu se confirme.

Enfin, certains hommes sont dotés d’une émouna très intense et ils remarquent donc l’existence du Créateur dans tous les détails
de leur quotidien : le lever et le coucher du soleil, l’immensité des océans et des montagnes, et même le souffle ininterrompu de leur respiration sont autant de preuves de l’existence d’un D.ieu unique.
Par ces trois différentes définitions, la Haggadah nous enseigne que, quel que soit le niveau de notre émouna, nous avons toujours l’obligation de raconter en cette soirée comment le Créateur nous fit sortir d’Égypte. Que l’on soit capable de déceler la main de D.ieu à travers les miracles, les sciences ou la nature, nous sommes néanmoins tenus de nous remémorer la délivrance de nos ancêtres (d’après le « A’harit Chalom »).
Pourquoi ce Sage prolongea-t-il le récit de la Sortie d’Égypte pendant toute la nuit, alors que la mitsva de raconter s’était selon lui déjà interrompue à l’heure de ‘hatsot ?
En fait, suggéra-t-il, c’est peut-être pour cette raison que l’on nous précise ici que les cinq Sages s’étaient réunis à Bné Brak : en effet, le maître de cette ville n’était autre que rabbi Akiva, comme nous l’enseigne le Talmud (Sanhédrin, page 32), et il convenait donc de s’y conformer à son avis.
Or, nous apprenons par ailleurs (Talmud Bérakhot, page 9) que selon rabbi Akiva, le sacrifice du Pessa’h peut être consommé pendant toute la nuit…

" Béni soit l’Omniprésent, Béni Soit-Il ! (…) La Torah fait référence à quatre enfants : l’un sage, l’un méchant, l’un simple et un autre ne sachant pas poser de questions »
la Haggadah énonce les quatre catégories d’enfants dont il est fait allusion dans la Torah et nous invite à donner à chacun d’eux une réponse appropriée à son tempérament. Mais dans la Haggadah, ce passage des quatre enfants est précédé par une bénédiction : « Béni est l’Omniprésent, Béni soit-Il. Béni est Celui qui donna la Torah à Son peuple d’Israël,
Béni soit-Il ». Que signifie donc cette introduction
?
Le rav Chmouël David Wolkin zatsal, de la ville de Lokatish, expliqua que ces mots de la Haggadah contiennent une très importante leçon pédagogique : généralement, l’attitude adoptée vis-à-vis de l’enfant méchant et de toute personne s’éloignant du droit chemin consiste à les repousser des deux mains. Plus
que cela : certaines personnes, au lieu de
chercher à se parfaire elles-mêmes, ne trouvent
de satisfaction qu’en dénonçant et en
fustigeant tous ceux qui s’écartent du droit
chemin ! Mais telle n’est pas l’opinion de
notre sainte Torah : elle seule sait véritablement
scruter le coeur des hommes et elle sait
qu’un Juif, même lorsqu’il faute, reste un enfant
d’Israël. C’est pourquoi la Torah n’a pas
apporté une réponse seulement au sage, au
simple et à celui qui ne sait pas questionner.
Au contraire, la Torah s’adresse aux quatre
catégories d’enfants et leur apporte à tous
une réponse ! C’est pourquoi nous introduisons
ce passage par la bénédiction ‘Béni soit
l’Omniprésent (…)’, pour rendre grâce à D.ieu
de nous avoir offert la Torah qui éclaire nos
pas et qui nous enseigne l’attitude à adopter
avec l’enfant qui s’écarte du droit chemin.
Car si nous devions suivre nos propres intuitions,
qui sait combien de nos frères se seraient déjà totalement égarés !
Suivant cette explication, nous pouvons comprendre que la réponse donnée à l’enfant
méchant : « haké ète Chinav » [Grince-lui les
dents] » peut signifier également : « Atténue
ses dents ». En effet, expliqua rabbi Ména’hem
Zamba zatsal, les Sages enseignent
que « le Saint Béni soit-Il n’associe pas les
mauvaises pensées aux actes concrets » et
ce, parce que tout Juif – au fond de lui – est
foncièrement bon et que ses actes mauvais
ne sont pas réellement motivés par une volonté
profonde. C’est pourquoi il convient de
répondre au méchant en altérant le poison
de ses propos afin de le rapprocher du bon
chemin. C’est en ce sens que nous devons
« atténuer ses dents » et lui répondre avec
bonté et amour jusqu’à ce qu’il découvre par
lui-même combien ses propos sont infondés
(rapporté dans le « Kémotsé Chalal Rav »).
« Ta descendance vivra comme un étranger dans une terre qui n’est pas la sienne, où elle sera asservie et opprimée pendant
400 ans »
Ce verset annonce à Abraham que la descendance qui naîtra de lui est destinée à
connaître un exil dans lequel elle connaîtra
l’oppression et la servitude. Or, il est intéressant de constater que la durée de ce décret
– « 400 ans » – n’est pas mentionnée au
début du verset avec l’annonce de l’exil du
peuple hébreu, mais seulement à la fin du
verset, là où l’on parle de l’oppression qu’il
y subira. Pourquoi ?
En réalité, nous savons que l’exil égyptien ne dura concrètement que 210 ans puisque ce compte de 400 ans mentionné ici débuta
dès la naissance d’Its’hak (voir Rachi sur
Chémot, 12, 40). Ce qui « raccourcit » ainsi
la durée de l’exil, c’est le fait que nos ancêtres
subirent en terre égyptienne une servitude
extrêmement rigoureuse, bien plus oppressante
que s’ils avaient simplement vécu en exil. Par le poids de cette oppression, les « 210 ans » de servitude furent équivalents à « 400 années » d’exil. C’est pourquoi il est annoncé ici dans la prophétie que ces 400 ans seront proportionnels à « la servitude et à l’oppression » (d’après le « A’harit Chalom »).
« C’est cette promesse qui se maintient pour nos ancêtres et pour nous-mêmes (…)
parce que de génération en génération, ils
cherchent à nous anéantir et le Saint Béni
soit-il nous sauve de leurs mains »
Dans ce passage, la Haggadah nous révèle que non seulement dans l’Égypte des Pharaons,
mais dans toutes les générations, le Saint Béni soit-Il empêche nos ennemis de nous faire du tort. Or, quel lien y a-t-il entre toutes ces délivrances apparues au fil de l’Histoire, et le récit de la Sortie d’Égypte ?
Cette remarque nous révèle en fait que lorsque
D.ieu sauva le peuple hébreu des mains
des Égyptiens, ce ne fut pas simplement une
délivrance ponctuelle, survenue de manière
sporadique. Au contraire, cet événement
s’inscrit dans le mouvement d’une conduite
constante et perpétuelle qui s’évertue continuellement à sauver le peuple juif de ses ennemis. La Délivrance ne constitue donc pas
un événement particulier mais elle apparaît
comme l’un des Attributs divins par lequel
d’une génération à l’autre D.ieu empêche
les ennemis d’Israël de l’anéantir.
Dans le Midrach aussi (Cho’her Tov 118),
nous trouvons un commentaire sur le fameux
verset des Psaumes : « Hodou la-Hachem
Ki Tov » qui abonde en ce sens : « ‘Rendez
grâce à D.ieu, car Sa bonté est éternelle’
– le Saint Béni soit-Il ne manifeste pas Sa
bonté à Israël pendant une année ou pendant
deux ans, mais à tout jamais ! » (Chaï laTorah,
au nom de rav Yé’hiel Mikhal Feinstein
zatsal).
« Laban voulut tous les détruire »
Contrairement à Pharaon, Laban ne chercha par seulement à anéantir les enfants mâles
mais aussi les filles de Yaacov ! Or, lorsque
la Torah raconte le séjour de Yaacov chez Laban,
son beau-père, rien ne laisse entendre
que son intention fut effectivement de « tous
les détruire ». Qu’est-ce qui permet donc à
la Haggadah d’affirmer cela si catégoriquement
?
On pourrait répondre à cette question par la parabole suivante : deux hommes, l’un
voyant et le second non-voyant, avaient acheté ensemble un gros sac d’amandes.
Pour s’assurer que le partage serait équitable, le non-voyant avait présenté à son associé
la demande suivante : « Je te propose que l’on effectue le partage des amandes ensemble, de sorte que chacun à son tour prenne une amande du sac et ainsi, je saurai que tu n’en auras pas pris plus que moi ». Le second accepta la proposition, et c’est ainsi que les deux hommes s’assirent près du sac et commencèrent le partage.
Cependant, au bout d’un moment, le non-voyant fut saisi de doutes : « Qu’est-ce qui me garantit que pendant que je prends une seule amande, mon associé n’en prend pas trois ou quatre ? ». C’est alors que germa dans son esprit une idée qui fit taire ses soupçons…
Sans prévenir, il saisit lui-même plusieurs amandes au lieu d’une seule, et il attendit la réaction de son compagnon : si celui-ci crierait aussitôt au voleur, il serait assuré que lui-même était honnête et qu’il ne cherchait pas à le duper.
En revanche, s’il se tairait et qu’il poursuivrait le partage sans mot dire, son silence serait alors la preuve éloquente de sa fourberie. Yaacov notre ancêtre agit précisément de la même manière. Ne sachant quelles étaient exactement les intentions de Laban, il décida d’agir lui-même de manière ambiguë : il proposa à Laban de prendre le salaire de son travail au moyen d’un partage étrange,au cours duquel il ne préleva que les bêtes nées avec des taches et des rayures. Or, ce qui fut le plus surprenant dans cette proposition,c’est que Laban l’accepta sans réagir le moins du monde ! Au lieu de dénoncer les manoeuvres douteuses de Yaacov, il le laissa faire sans protester… Aux yeux de Yaacov, ce silence fut la preuve la plus sûre des véritables intentions de Laban, et c’est pourquoi il décida de prendre la fuite dès qu’il le put.
Cette absence de réaction de la part de Laban constitua donc la preuve probante qu’il nourrissait le projet de « tous les détruire »
(d’après le « A’harit Chalom »).
« ‘Et nombreuse’ comme il est dit : ‘Je t’ai multipliée comme les plantes des champs ; tu as augmenté, tu as grandi et tu as atteint l’âge de revêtir les plus belles parures… »
Ce verset, extrait de la prophétie de Ezéchiel, évoque le premier stade de la « maturité » du peuple hébreu. En effet, le verset qui le précède – qui figure d’ailleursdans certaines versions de la Haggadah – l’introduit ainsi :
« Je passai auprès de toi, Je te vis t’agiter dans ton sang et Je te dis :‘C’est par ton sang que tu vivras’, Je te dis : ‘C’est par ton sang que tu vivras’ ! ».
Les deux sangs mentionnés ici sont une allusion au sang du sacrifice de Pessa’h et à celui de la brit mila. En effet, les Sages nous enseignent que c’est par leur mérite que les Enfants d’Israël furent délivrés d’Égypte et qu’ils purent devenir une nation digne de ce nom. Or quelle est la particularité de ces deux mitsvot pour qu’elles deviennent ainsi le motif de la délivrance ? Rav Guédalia Sharer expliqua qu’en Égypte, les Enfants d’Israël baignaient dans les 49 portes de l’impureté. Or, nous savons que « l’impureté » apparaît sous deux formes : celle liée à la tentation de la faute, et celle qui amène au reniement de la croyance en
D.ieu. Nous disons en effet dans le Chéma : « Ne vous égarez pas à la suite de votre
coeur » – ce qui est une allusion à l’apostasie -, « ni de vos yeux » – lesquels symbolisent la tentation de la faute.
Or, l’Égypte était connue pour être le lieu par excellence à la fois de l’idolâtrie et des « abominations » (comme l’indique notamment le verset dans Vayikra, 18, 3).
Pour réparer ces deux tendances à l’impureté, les Enfants d’Israël reçurent donc l’ordre de ces deux mitsvot : la brit mila et le sacrifice du Pessa’h. En effet, comme l’explique le Rambam (Guide des Egarés, Partie III, Chapitre 49), l’une des raisons de la circoncision est
d’amoindrir chez l’homme la tentation à la faute. Et par ailleurs, le sacrifice de Pessa’h était destiné à éloigner les Hébreux de l’idolâtrie et du reniement en D.ieu, comme le disent nos Sages : « ‘Tirez vers vous un agneau’ – retirez-vous par cet acte de l’idolâtrie et amenez
cet agneau en sacrifice ». Ainsi, c’est bien par le mérite de ces deux sangs que le peuple hébreu mérita de grandir et d’être choisi par Hachem en tant que nation (extrait du Arzé haLévanon).
« Rabbi Yossi le Galiléen dit : d’où savons-nous qu’outre les dix plaies qui frappèrent les Égyptiens en Égypte, cinquante autres plaies s’abattirent sur eux sur la mer ? (…) ‘Le peuple craignit D.ieu, ils crurent en D.ieu et en Moché Son serviteur’ »
Il est très étonnant de remarquer que dans la Haggadah tout entière, l’unique mention du nom de Moché notre maître figure dans le verset précité. En effet, même lorsque l’on rapporte au début du récit le verset extrait du Livre de Josué : « Yéhochoua dit au peuple entier (…) », la citation s’arrête au moment précis où il est dit : « Yaacov et ses enfants descendirent en Égypte »et ce, bien que le verset poursuit en ces termes : « J’envoyais alors Moché et Aharon et Je frappai ’Égypte ».
Ces omissions donnent le sentiment que l’auteur de la Haggadah aurait volontairement cherché à ne pas mentionner le nom de Moché ! De plus, même dans notre passage, le nom de Moché n’y est mentionné que « techniquement » sans chercher le moins du monde à mettre en valeur sa participation à la délivrance. Et si cela ne suffisait pas, il apparaît dans certaines versions de la Haggadah que la citation de ce verset s’interrompt brusquement à : « Le peuple craignit D.ieu », en coupant court à l’évocation du nom du maître des prophètes !Que signifie cette singularité ? Le rav Réouven Margalyot expliqua que ces omissions soulignent en fait ce que nous disons auparavant dans la Haggadah : « D.ieu nous fit sortir d’Égypte – non par l’intermédiaire d’un ange, non par l’intermédiaire d’un Saraf ni par celui d’un messager, mais c’est le Saint Béni soit-Il en Personne [Qui nous délivra] ». En effet, lorsque nous exprimons notre gratitude envers D.ieu, il nous est interdit de Lui associer l’une de ses créatures, aussi notable soit-elle. Cela constitue le fondement même du judaïsme : c’est à D.ieu Lui seul que nous nous adressons, et lorsque nous prions et que nous Lui rendons grâce, jamais nous ne devons mentionner le nom de tout autre être que Lui. Une autre explication fut rapporté par le rav Chmouël Greinman au nom du ‘Hafets ‘Haïm zatsal : « Un soir du Séder, pendant le récit de la Haggadah, le maître avait attiré l’attention des convives sur le fait qu’il n’est fait aucune mention du nom de Moché dans la Haggadah, bien que tous les miracles d’Égypte se soient déroulés par son entremise.
Ceci nous enseigne, avait répondu le ‘Hafets ‘Haïm, que le Saint Béni soit-Il accomplit la volonté de ceux qui Le craignent. Or, du fait que Moché était l’homme le plus humble qui fût, son nom n’est pas associé aux miracles de la délivrance ! » (cité dans le « Kémotsé Chalal Rav »).
« La mer le vit et se mit à fuir(…) devant le Maître, tremble ô terre, devant le D.ieu de Yaacov »
Dans le Midrach Rabba (Béchala’h, chapitre 21), il est rapporté la discussion suivante : « Rabbi Bénaya dit : c’est pour Abraham que Je leur fends la mer, par le mérite qu’il ‘fendit le bois du sacrifice’ [de son fils]. Rabbi Akiva dit : c’est pour Yaacov que Je leur fends la mer, comme il est dit : ‘Tu déborderas à l’Est [ou encore : par la mer]’ ».
Or, il s’avère que ces deux avis apparaissent dans les termes mêmes de ce verset. En effet, les Sages nous enseignent dans le Talmud (Traité Bérakhot) au nom de rabbi Chimon bar Yo’haï que le tout premier homme ayant appelé Hachem « Maître » fut Avraham : « Et il dit : Mon Maître, Éternel, que me donneras-Tu ? ». C’est pour cela que dans ce chapitre des Psaumes, il est dit que la mer prit la fuite « devant le Maître » – faisant ainsi allusion à Avraham -, mais aussi : « devant le D.ieu de Yaacov », parce que c’est par le mérite des deux patriarches
Avraham et Yaacov que le miracle de l’ouverture de la mer rouge eut lieu (Nitfé Maïm). Par Y. Bendennoun . Avec l'accord exceptionnel d'Hamodia-Edition Française