Interview exclusive à Hamodia du rav Israël Méïr Lau, grand rabbin de Tel-Aviv, récemment nommé au poste de président du Mémorial Yad Vashem.

L’Assemblée générale des Nations unies a organisé de nombreux événements au cours des ans, mais le discours qui a été prononcé mardi 27 janvier avait un caractère unique. L’orateur
n’était en effet ni un politicien ni un ambassadeur, mais un rabbin orthodoxe invité par le président de l’ONU à prendre la parole à l’occasion de la Journée internationale du souvenir de l’Holocauste.

Le rabbin en question, qui connaît bien le monde de la politique internationale, a retrouvé pour l’occasion les sensations du jeune homme de 17 ans qu’il était autrefois – un jeune homme effrayé
sortant de Buchenwald il y a 65 ans avec, pour tout avoir, une besace contenant ses quelques effets personnels. Ce jeune garçon, qui est aujourd’hui le rav Israël Méïr Lau, grand rabbin de Tel-Aviv, pose la question à laquelle le monde n’a pas encore trouvé de réponse : « Où étiez-vous il y a 60 ans ? » 60 ans ? En réalité, il n’est pas besoin de remonter aussi loin dans le passé, car il y a tout juste un an, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a été accueilli à cette même tribune prestigieuse, et son discours n’a pas soulevé la moindre protestation… Le monde est apparemment aussi silencieux qu’il y a 60 ans.

– Hamodia : N’est-il pas terrible de penser que vous vous trouvez à l’endroit
même où se tenait Ahmadinejad,
dont les calomnies n’ont pas soulevé la moindre protestation ?
– Rav Israël Méïr Lau : Tout d’abord, il y a bien eu une protestation : celle de Karnit Goldwasser, la femme
du soldat kidnappé Oudi Goldwasser,
Hy’d, qui s’est levée et a interrompu
le discours du président iranien. Mais je ne suis pas surpris par le silence des Nations unies. Je n’attends pas grand chose de cette institution. Les Nations unies n’ont jamais fait preuve d’une grande affinité avec Israël au cours des soixante années d’existence de notre État. Le nombre de condamnations
dont Israël a fait l’objet dépasse celui des condamnations de tous les autres pays réunis… La Russie n’a pas été condamnée pour ses actions en Tchétchénie, ni pour avoir écrasé la rébellion à Varsovie,
à Prague ou à Budapest… Mais l’ONU n’a aucun problème à attaquer Israël et à le condamner
alors qu’Israël est, sans aucun doute, David face à Goliath. Nous sommes peut-être plus forts que le Hamas, mais notre ennemi est en réalité le monde arabe tout entier. L’Égypte seule compte 50 millions d’habitants. Et que dire de l’Iran, de l’Irak ou de la Syrie ?…

Comment interpréter cette attitude ? N’est-ce pas le fait que les Musulmans sont plus d’un milliard, et nous, quelques millions seulement ?
– Naturellement, les politiciens ont tendance à tenir compte de la majorité, et la majorité, ce sont les Musulmans. La situation est identique dans des pays européens comme la Belgique, les pays scandinaves, la France ou la Hollande, dont certains étaient autrefois les amis d’Israël. L’alliance entre la France et Israël était une chose très inhabituelle. Aujourd’hui, si vous comparez la population juive et la population arabe dans ces pays, vous comprenez de quel côté penche la balance…

Cette attitude ne résulte donc pas tant d’une politique prédéfinie, que du facteur démographique ?
– Oui, en effet, dès lors qu’une partie de la population se fait entendre et constitue une menace pour l’autorité, alors que la population juive, de son côté, diminue sous l’effet conjoint de l’émigration, des mariages mixtes et de l’assimilation.
Les gouvernants sont informés des statistiques ; ils voient les chiffres, entendent les cris, les manifestations de rue et les déclarations dans les médias écrits et électroniques ; et l’Islam radical prend le dessus en raison des ressources illimitées dont il dispose. Quant à l’ONU, elle est le miroir de l’attitude de ses États membres. C’est pourquoi les moments d’antagonisme sont de loin plus nombreux que les rares moments d’empathie…

– Lorsque vous mentionnez des « moments d’empathie », vous voulez parler de la déclaration des Nations unies concernant la Journée du Souvenir de l’Holocauste.
– Certainement. Un de ces rares moments d’empathie fut la décision d’instaurer une Journée du Souvenir de l’Holocauste, le 27 janvier, date de la libération d’Auschwitz. À mon avis, cette décision
est intervenue un peu tard… Entre-temps, près de 150 livres ont été publiés pour nier la Shoah. Des individus comme David Irving ont réussi à répandre la calomnie selon laquelle les Juifs auraient inventé
l’Holocauste pour s’attirer la sympathie des Nations unies, qui leur a accordé un État au détriment des Palestiniens…

– Pendant la Shoah, il est apparu clairement que nous ne pouvions pas compter sur le monde qui n’a rien fait pour arrêter l’extermination
des Juifs. Aujourd’hui, lorsque Ahmadinejad cherche à obtenir l’arme nucléaire et parle d’annihiler Israël, n’est-il pas préoccupant de voir le monde rester silencieux ?

– Nous n’avons pas beaucoup à attendre de l’ONU… Je le répète : les actes sont plus importants que les paroles. Le gouvernement américain sortant, dirigé par George W. Bush était le plus sympathisant
envers Israël de toute l’histoire de notre État. Nous attendions de l’Administration Bush pas seulement des mots, mais aussi des actes, et nous n’avons pas été déçus. Espérons que la nouvelle Administration dirigée par Obama poursuivra cette politique amicale envers nous. J’espère que le président des États-Unis, qui est le dirigeant du monde libre, va remettre le président iranien à sa place. Mais ce qu’on dira ou ne dira pas au représentant iranien à l’ONU a moins d’importance à mes yeux.

– Pourtant, ils gardent tous le silence, et ce silence est assourdissant…
– C’est vrai, mais je continue d’affirmer qu’il ne faut pas trop prêter attention à ce que les non-Juifs disent, mais plutôt à ce qu’ils font… Néanmoins, je continue de penser que le fait qu’Ahmadinejad ait été invité à parler devant l’Assemblée générale des Nations unies constitue une gifle, non pas tant pour Israël que pour l’ONU elle-même. Car si le nom de « Nations unies » a un sens, alors où est la prétendue
unité, lorsque le président d’un pays qui a accepté de se soumettre au modus operandi de l’ONU exprime une opposition virulente à un autre État membre de l’ONU ? Et nous ne parlons pas d’un groupe terroriste comme Al-Qaïda, le Hamas ou le Hezbollah, mais d’un pays membre des Nations unies ! C’est pourquoi leurs réactions ou leur absence de réaction importe peu. Il est plus important à mes yeux que la France, l’Allemagne et la Russie qui, dans une certaine mesure, ont permis le développement d’armes nucléaires par l’Iran et continuent à fournir à ce pays d’autres technologies l’aidant à développer des armes nucléaires, exercent leur influence pour stopper l’armement iranien.

– Mais si nous étudions l’Histoire, nous constatons que c’est précisément le silence du monde qui a permis à Hitler de réaliser son programme. Le silence actuel ne va-t-il pas inciter Ahmadinejad à mettre à exécution ses funestes projets ?
– Il y a des différences entre les deux époques. Hitler n’a pas été arrêté, et a même bénéficié d’un soutien. Lorsqu’il a constaté, à Evian en 1938, qu’aucun pays ne voulait accueillir les Juifs après la promulgation des Lois de Nuremberg, Hitler a compris que le monde ne réagirait pas à la poursuite de ses projets… Des documents publiés par des soldats de la Royal Air Force britannique ont montré que Winston Churchill avait reçu des lettres lui demandant l’autorisation de bombarder les lignes de chemin de fer conduisant à Auschwitz. Cela se passait à l’été 1944, alors que les Juifs hongrois étaient déportés au rythme de 50 000 par jour ! Et quelle a été la réponse de Churchill ? « La nation britannique n’est pas entrée en guerre pour sauver les Juifs. Notre ennemi est l’Allemagne.
Une fois que nous aurons éliminé l’Allemagne, l’extermination des Juifs prendra fin automatiquement »… Aujourd’hui, même si le silence de l’ONU est étonnant, nous assistons à quelques tentatives
de sa part pour prendre position contre ceux qui nous veulent du mal… C’est pourquoi la comparaison entre les deux époques n’est pas tout à fait pertinente.

– Pendant que nous parlons, des missiles sont tirés sur Ashdod, Ashkélon, Nétivot et Ofakim. Mais l’ONU ne semble s’émouvoir que de nos efforts pour protéger nos citoyens…
– Ben Gourion disait : « Ce qui importe n’est pas ce que disent les nations, mais ce que font les Juifs ». Et j’ajoute – ce qui importe est ce que le Ribbono chel Olam fera. Or, si j’ai appris une chose, c’est qu’Il veut que nous habitions ici. Environ 3,5 millions de Juifs vivaient en Pologne, ils ont vécu là-bas pendant plusieurs siècles et ils n’avaient pas le millième de la puissance qu’Hachem nous a donnée aujourd’hui. Ce que nous avons accompli ici en soixante ans est incroyable… Les Romains ont dominé le pays pendant 600 ans, les Turcs 400 ans, les Arabes sous Saladin 460 ans, les Anglais 30 ans, les croisés 45 ans… Et qu’ont-ils fait ? Le peuple Juif est en train d’accomplir ici une révolution. Il y a cinquante ans, il n’y avait pas de ville d’Ashdod, qui est aujourd’hui la cinquième ville du pays. Les Juifs ont édifié des centres de Torah, des institutions médicales, scientifiques… Nous avons traversé sept guerres, deux Intifadas et n’avons pas connu un seul jour de calme. La conclusion évidente est que Hakadoch Barou’h Hou veut que nous soyons ici, et nulle part ailleurs. Cela est écrit clairement dans la Torah. Nous n’avons pas d’autre maison. Avraham Avinou aurait pu poser la même question. Qu’y avait-il de mal pour lui dans la maison de Tera’h ? Pourtant il s’est levé et est parti en Eretz-Israël. Its’hak Avinou a vu ses puits rebouchés, mais il a continué à creuser. Maassé Avot Siman Labanim. Yaacov n’a pas été chassé de la maison de Lavan. Pourtant, il est parti, parce que Hachem lui a dit « Cette terre, Je te la donne, à toi et à tes enfants ». Le rav Meir Lau et le chef d’état-major Gaby Ashkenazi


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