Le journal Hamodia vient de révéler qu'un grave manquement au respect des défunts juifs a été résolu cette semaine grâce à la vigilance d’un responsable de la communauté orthodoxe parisienne. Enquête
En effet, depuis de nombreuses années, les corps destinés à être enterrés en Israël étaient soumis au départ de la France à des « soins de conservation » ! Effectuée par un thanatopracteur, cette pratique consiste à remplacer le sang qui se trouve à l’intérieur de la dépouille par un liquide chimique de conservation.
Cette procédure, qui nécessite en outre une incision des vaisseaux et le drainage des organes, est pourtant absolument contraire à la hala’ha. Cette dernière exige en effet que l’intégralité du corps, sang compris, soit déposée en terre. « Il est de toute façon interdit de mutiler le corps de quelque façon que ce soit. Il doit pouvoir se décomposer de façon naturelle », précise le rav Yaakov Rouja, spécialiste mondial en matière de « ‘Hévra kadisha ».
Cependant, confrontées à des délais d’action très courts, les familles endeuillées n’avaient, jusqu’à ce jour, d’autre choix que d’accepter les « soins de conservation » pratiqués de cette façon, si elles voulaient que leurs proches reposent dans un cimetière israélien. Et lorsqu’elles s’indignaient, elles se voyaient opposer un “ c’est la loi !” d’autant plus définitif qu’il était sensé venir directement de l’État hébreu. Les sociétés funéraires leur présentaient en effet un document émis par le Consulat d’Israël en France, précisant que la procédure était obligatoire pour tout transport funéraire aérien lorsque l'inhumation intervenait plus de 48 heures après le décès.
Dans la réalité, il semble qu'elle soit pratiquée beaucoup plus fréquemment. En effet, certaines sociétés funéraires préfèrent « prendre les devants », afin de se prémunir contre d'éventuels contretemps dans le transfert. Or, et c'est le cœur de cette affaire, aucune législation n’impose une telle procédure. Pas plus en Israël qu’en France. La loi française exige seulement que le cercueil soit hermétique et homologué (Code général des Collectivités territoriales Art. 2213-26 et 2213-27).
En réalité, les « soins de conservation » ne sont obligatoires que dans un nombre de cas très restreint, notamment lorsqu’il y a risque d’épidémie. En pratique, placer une bouteille de formol ouverte dans le cercueil suffit pour se conformer à la plupart des législations. « Et si l’on veut vraiment être très pointilleux, il est possible de faire une injection de Formalin, un produit conservant, sans retirer de sang. On respecte ainsi la halakha », précise le rav Rouja.
Alertée sur ce scandale français, Zaka, l’organisation israélienne spécialisée dans les derniers devoirs aux victimes d’accidents ou d’attentats, s’est alors emparée de l’affaire. Son directeur, Yéhouda Meshi Zahav, a lui même contacté la direction du ministère israélien des Affaires étrangères afin de se faire préciser le règlement en vigueur. Il lui a alors été répondu qu’aucune consigne n’avait été donnée aux consulats israéliens pour exiger le moindre « soin de conservation »sur les défunts. Aux États-Unis, par exemple, d’où partent de nombreux transferts funéraires vers Israël, personne n’a ainsi jamais entendu parler d’une telle procédure. Et c’est probablement par inadvertance, et par la force de l’habitude, que les documents consulaires de Paris continuaient à en faire état.
« C’est très grave. Nous mettons en œuvre des moyens considérables pour assurer le dernier respect aux morts et ramasser jusqu’à la dernière goutte de sang et voilà que ce principe est bafoué par un document administratif », s’indigne le directeur de Zaka. « Et en plus, ce sont les représentants de l’État d’Israël qui sont responsables de cette horreur … » Le ministère israélien des Affaires étrangères s’est engagé à faire mettre immédiatement fin à cette pratique.Reste que pour l’instant, rien n’a été prévu pour prévenir les autorités rabbiniques françaises de cette clarification de la législation. Au Consistoire de Paris, le rav Aimé Atlan, le responsable de la ‘hévra kadisha avoue ainsi sa surprise : « Nous pensions que nous n’avions pas d’autre choix que de nous plier à l’obligation de soins conservateurs, en application de la règle de dina mal’houta ( la loi de l’État ) ». Il y a maintenant urgence à mettre en place une nouvelle réglementation en matière de transport funéraire vers Israël. Et surtout à en alerter les familles endeuillées et les entreprises funéraires …Par Serge Golan,en partenariat avec Hamodia.fr