La fureur déclenchée par l’affaire du projet de Centre islamique au cœur de new York – appelé « Mosquée de Ground Zero », « Maison de Cordoue », ou bien encore « Park 51 » – a des implications fort importantes pour l’avenir de l’islam aux Etats-Unis, et peut-être même bien au-delà. Un débat tout autant inattendu qu’extraordinaire…
 


On aurait pu logiquement s’attendre à ce que l'événement qui a déclenché cette énorme polémique – en faisant de l’islam une question désormais nationale aux Etats-Unis – soit un attentat terroriste, ou bien la découverte que des islamistes avaient infiltré les services de sécurité américains, ou encore les résultats inquiétants d’un sondage, voire même un discours présidentiel apologétique… Mais c’est quelque chose de beaucoup plus symbolique encore qui est en train d'ébranler la société américaine : la perspective de l’édification d’une mosquée à proximité de l’ancien emplacement du World Trade Center ! Et ce qui a commencé comme une simple question de « planification locale » s’est ainsi transformé au fil des mois en une controverse à l'échelle nationale, ayant aussi des répercussions de politique étrangère. 

La dimension symbolique de l’événement est conforme à celle observée dans d’autres pays occidentaux. Ainsi, le voile islamique avait en son temps suscité des débats d’ampleur nationale en France en 1989. Les Suisses ont quant à eux voté l’interdiction des minarets. Et l’assassinat de Theo Van Gogh a profondément affecté les Pays-Bas, tout comme, au Danemark, la publication de caricatures représentant le fondateur de l’islam. 

Curieusement, c’est seulement après que l’emplacement de ce Centre islamique new-yorkais eut généré des semaines de controverse que la question des personnes et des organisations impliquées dans ce projet et son financement a été soulevée, alors que cet aspect des choses a évidemment une importance bien plus grande encore que la seule question de son emplacement. 
Personnellement, je n’ai rien contre l’édification d’une institution musulmane véritablement modérée à proximité de Ground Zero ; mais je suis fermement opposé à la présence d’un organisme islamiste militant dans n’importe quel endroit aux Etats-Unis ! Or de manière ironique et paradoxale, vu l’émotion qu’elle suscite, la construction de ce Centre si près de Ground Zero va sans doute porter atteinte aux intérêts à long terme des Musulmans aux États-Unis. 

Car cette nouvelle flambée émotionnelle de l'Amérique profonde marque le début d’une passe difficile pour les islamistes sur le sol américain. Même si leurs origines – en tant que force organisée – remonte à la création en 1963 de l’Association des Etudiants musulmans (Muslim Student Association), ils sont parvenus à leur maturité politique au milieu des années 1990 lorsqu’ils ont pu émerger comme force politique réelle dans la vie publique américaine. 

Depuis cette époque, j’ai combattu l’islamisme militant et les choses n’ont pas été faciles… Nous étions pratiquement seuls, Steven Emerson et moi, contre des centaines de milliers d’islamistes ! Nous n’avions aucun soutien intellectuel ou financier et ne jouissions d’aucune audience médiatique, ni d’appui politique. Notre cause semblait désespérée… Le point le plus bas a été atteint en 1999 lorsqu’un ancien diplomate américain de carrière, Richard Curtis, s’est exprimé devant le Congrès en parlant du « potentiel de la communauté musulmane américaine » en comparant ses « avancées » aux batailles menées par Mahomet, le fondateur de l’islam, dans l’Arabie du 7e siècle. Ce Curtis a été jusqu’à prédire que, de même que l’islam avait alors triomphé, les Musulmans américains l’emporteraient eux aussi un jour… Même s'il n'évoquait alors qu’un changement de politique américaine envers Israël, le discours de Curtis impliquait aussi une « conquête islamiste » plus générale des Etats-Unis ! Ses prédictions paraissaient inéluctables… 

Or, c’est le 11 septembre 2001 et sa symbolique qui ont sonné l’alarme et mis fin à ce sentiment d’impuissance. Les Américains ont en effet continué de réagir avec colère, non seulement face à la violence horrible de ces attentats, mais aussi à l’insistance choquante des islamistes pour en faire porter la responsabilité à la politique étrangère américaine et, même après l’élection de Barack Obama, à leur refus persistant de reconnaître le fait que les auteurs de ces sanglantes attaques étaient bel et bien des Musulmans largement soutenus par l’opinion publique musulmane ! 
Ainsi, des intellectuels, des journalistes, des "blogueurs" et des activistes américains se sont-ils amplement documentés sur l’islam, constituant progressivement une « communauté » qui ressemble aujourd’hui à un véritable mouvement politique. 
La controverse autour du Centre islamique représente en fait l’émergence de ce mouvement en tant que force politique rendant possible une réaction enfin vivace et puissante qui aurait été inconcevable voilà tout juste dix ans. 

Cette puissante impulsion des derniers mois m’a rendu très optimiste : ceux qui rejettent l’islamisme militant et toutes ses conséquences constituent à présent une majorité dans ce pays et ont le vent en poupe ! Si bien que pour la première fois depuis 15 ans, j’ai le sentiment d’être dans l’équipe gagnante… Même si je reste préoccupé par le ton de plus en plus anti-islamique de certains membres de cette équipe. En effet, induits en erreur par l’insistance des islamistes affirmant qu’un « islam modéré » n’existe pas, mes alliés ne parviennent pas à distinguer entre l’islam (en tant que religion) et l’islamisme (en tant qu'idéologie utopiste et radicale visant à appliquer partout les lois islamiques dans leur totalité). Ce qui constitue non seulement une erreur intellectuelle, mais aussi une impasse politique. Car cibler ainsi tous les Musulmans est contraire à nombre de notions occidentales les plus fondamentales et néglige la réalité inéluctable voulant que seuls les Musulmans eux-mêmes pourront constituer une antidote à l’islamisme. 

Comme je l’ai souvent observé, l’islam radical est le problème et l’islam modéré la solution ! Lorsque cette leçon sera comprise, les nouvelles forces qui émergent aux Etats-Unis seront capables de placer la défaite finale de l’islamisme à portée de vue.

(*) Daniel Pipes dirige le Middle East Forum et enseigne à la Hoower Institution de l’université de Stanford.

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