Le rav Arié Levin, surnommé le « Juste de Jérusalem », est décédé en Nissan 5729 (1969). Connu pour
sa sagesse et son humilité, célèbre pour avoir été avant la création d’Israël le rav des prisonniers juifs
résistants de l’Irgoun, le rav Arié fut une personnalité hors normes qui laissa une empreinte indélébile
sur des milliers d’Israéliens, toutes convictions confondues.
A l’occasion du 40e anniversaire
de sa disparition, Hamodia
a tenu à lui rendre hommage
en rappelant quelques étapes
de sa vie.
Né en 1885 dans un petit village,
prés de Bialystok en Lituanie, le
jeune Arié Levin quitte rapidement
le foyer familial pour aller étudier
la Torah dans plusieurs yéchivot.
Très vite considéré comme un Illouï
(génie), il est admis dans la
prestigieuse yéchiva de Volozhin,
et devient l’intime du roch yéchiva,
rav ‘Haïm Berlin, fils du Natsiv de
Volozhin (rav Tsvi Yéhouda Berlin)
et l’une des grandes figures
du monde de la Torah de la fin du
XIXe siècle.
Avec le déclenchement de la guerre
russo-japonaise en 1904, Arié
Levin décide de rejoindre son rav,
‘Haïm Berlin, en Eretz Israël. Il y
poursuivra ses études rabbiniques.
Sa semi’ha (diplôme) de rav lui
sera attribuée en 1909, par les trois
sommités rabbiniques du moment
en Eretz-Israël, rav ‘Haïm Berlin,
rav Shmouel Salant et rav Avraham
Its’hak Hacohen Kook, zatsal.
Il racontera plus tard son arrivée
en Eretz Israël : « En apercevant de
loin la terre que Dieu avait promise
à nos pères, je suis devenu un autre
homme… J’ai été envahi d’un sentiment
et d’une joie si forte que les
larmes coulaient de mes yeux…J’ai
vu la bonté divine qui m’a permis
de pénétrer en terre sainte, alors
que tant de gens disparus et tant
de personnes vivantes en ont rêvé…
Je suis descendu sur la plage, j’ai
foulé le sol sacré et ressenti à chaque
pas, que je marchais sur la
Terre sainte ».
Quelques mois après son arrivée, il
se marie avec la fille du rav David
Shapira, et devient ainsi le beau frère
du rav Tsvi Pessa’h Franck,
alors grand rabbin de Jérusalem.
À partir de 1917, il est nommé
macghia’h (responsable spirituel)
de la célèbre yéchiva Ets ‘Haïm, située
près du marché populaire de
Ma’hané Yehouda de Jérusalem,
une fonction qu’il conservera toute
sa vie durant.
En 1931, il est nommé par le rav
Avraham Its’hak Hacohen Kook,
aumônier des Prisons, mais il accepte
ce titre à condition de ne pas
être payé.
Le rav Kook disait de lui que s’il
y avait trois hommes de la stature
du rav Levin dans sa génération, le
Machia’h arriverait…
Surnommé le « Père des prisonniers
», il va consacrer une partie
importante de son temps à assister
les résistants juifs emprisonnés
par l’occupant britannique en
Palestine mandataire. Il se liera en
particulier avec les combattants
des mouvements clandestins qui
luttent contre le Mandat britannique,
membres de la Haganah,
de l’Irgoun et du Le’hi (Groupe
Stern).
Il ne se contente pas de les visiter
mais se rend également chez leurs
familles pour les rassurer et leur
donner des nouvelles de leurs proches.
Malgré la difficulté de sa mission,
il gardait toujours le sourire et
était connu pour son sens de l’humour.
Lors d’une visite en prison, une
des personnes enfermée lui demande
comment faire pour dormir
dans une cellule sans mezouza, ce
à quoi le rav lui répond : « Tu ne
dois pas t’inquiéter, on ne met pas
de mezouza dans une maison provisoire,
tu seras vite libéré… »
Le rav Arié Levin fut aussi le rav et
le confident des malades et des nécessiteux
de Jérusalem. Malgré les
dangers de contagion, il va pendant
de nombreuses années, apporter
du réconfort aux lépreux hospitalisés
dans le quartier de Talbieh à
Jérusalem. Il sera le seul à entretenir
des contacts avec ces malades
que personne ne vient voir et ce,
qu’ils soient Juifs ou Arabes. Il se
déplacera même jusqu’à Bethléem
pour y visiter l’unique lépreux juif
vivant sur place et pour distribuer
de la nourriture à tous les autres
malades arabes.
Le rav Arié Levin avait également
un amour profond pour les enfants,
à qui il adressait toujours un
mot gentil lorsqu’il en croisait au
coeur de Jérusalem. Il avait coutume
de dire que s’il fallait aimer la
terre d’Israël, il fallait à plus forte
raison aimer les enfants juifs qui y
vivaient…
À la création de l’État d’Israël,
le rav Arié Levin marquera les
consciences dans un cas particulièrement
douloureux : les corps
des 35 soldats du Palma’h tombés
au combat sur la route du Goush
Etsion sont restitués à Israël, un an
et demi après leur mort. Les médecins
affirment qu’il est impossible
de les identifier. À la demande du
grand rabbinat israélien, le rav Lévin
va utiliser le goral hagra, un
tirage au sort reposant sur des versets
de la Torah, selon une tradition
remontant au Gaon de Vilna,
afin de permettre aux familles de
se recueillir sur les tombes de leurs
proches.
Ce tirage au sort fut stupéfiant car
il s’avéra que chaque verset contenait
précisément le nom d’un des
soldats…!
Le rav Levin allait toujours consoler
les endeuillés, considérant que
c’était là une mitsva de première
importance, même quand il ne
connaissait pas la personne décédée.
Dans son petit appartement, il
reçut toute sa vie des personnalités
de premier plan, notamment
Menahem Begin, qui se sentait très
proche de lui.
Son petit-fils, le rabbin Benji
(Binyamine) Levin témoigne que
son grand-père avait un réel amour
pour chaque Juif, « sans jamais se
préoccuper des idées de la personne
qui se trouvait face à lui ».
Il avait laissé des instructions précises
dans son testament notamment
celles destinées à ses fils :
« N’oubliez jamais de respecter
chacun, surtout les pauvres et ceux
qui souffrent car leurs prières sont
proches de Dieu ».
En 1965, lors d’une cérémonie
organisée en son honneur au Migrach
Haroussim, ancien site de la
prison britannique avant 1948, il
avait demandé aux anciens prisonniers
de dire à leurs enfants, en
parlant de lui « qu’un vieil homme
à Jérusalem les a aimés tellement
fort ».
Deux ans plus tard, avec la libération
de la vieille ville de Jérusalem,
il aura la chance de pouvoir
prier face au Kotel et il récitera
à cette occasion, avec ferveur, la
bénédiction « Shee’heyanou », une
image que son petit fils garde encore
en mémoire.
« Il priait avec une telle force et
émotion, je n’oublierai jamais
cette image », raconte-t-il. Après
la guerre des Six Jours, il ira prier
tous les vendredis soir au Kotel.
L’on raconte que lorsque sa femme
avait mal au pied, il disait : « Nous
avons mal au pied ».
L’actuel chef spirituel du judaïsme
lituanien, le rav Yossef Chalom
Eliachiv, avait épousé la fille du
rav Arié.
Les dernières années de sa vie, il
est affaibli par la maladie mais
son esprit reste vif et de son lit
d’hôpital, il continue de réconforter,
conseiller et renforcer ceux
qui viennent le voir.
À l’un de ses proches qui en le
voyant dans cet état a les larmes
aux yeux, il demande pardon pour
la peine qu’il lui cause.
Le matin de sa mort, un vendredi,
il reçoit à son chevet, à l’hôpital
Hadassa Ein Karem, le Rabbi de
Gour, le Bet Israël, zatsal. Le rav
Levin lui confie qu’il voudrait rentrer
chez lui pour chabbat. Mais
les médecins ne l’autorisent pas
à quitter son lit. Quelques heures
avant l’entrée du chabbat, il rend
son âme au Créateur.
À ses obsèques, le Rabbi de Gour
se penche à l’oreille du fils de rav
Arié et lui murmure : « Ton père
voulait passer chabbat chez lui, il
est maintenant vraiment chez lui,
au Gan Eden… »
Sur sa tombe, le rav avait demandé
que l’on inscrive : « J’ai la foi en la
résurrection des morts qui viendra
quand D.ieu le désirera afin que
Son Nom soit béni pour l’éternité ».
Zeev Perah
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