Lorsque les intentions funestes de Kora’h se
révélèrent à Moché, il le convoqua ainsi que toute
sa communauté de rebelles pour les soumettre à
une épreuve de vérité… Le dénouement – nous le
savons – fut que la terre les engloutit entièrement,
corps et biens. Or, il s’avère que ce terrible
châtiment, bien plus qu’un enterrement collectif,
concrétisa la plus juste et terrible punition
dûment méritée par ces hommes…

Lorsque Kora’h, Datan et Aviram,
accompagnés de leur
famille, s’avancèrent arrogamment
à l’entrée de leur tente,
Moché leur déclara : « Par ceci vous
reconnaîtrez que c’est l’Éternel Qui
m’a donné mission : (…) si ces gens
meurent comme meurent tous les
hommes, si la destinée commune à
tous les hommes sera aussi la leur,
alors ce n’est pas D.ieu Qui m’a
envoyé ! Mais si l’Éternel produit
un phénomène, si la terre ouvre sa
bouche pour les engloutir avec tout
ce qui est à eux et qu’ils descendent
vivants dans la tombe, vous saurez
alors que ces hommes ont offensé
D.ieu », (Bamidbar, 16, 28-30).

Dans son célèbre commentaire,
rabbi Moché Alcheikh – le « Alcheikh
haKaddoch » – attire notre
attention sur plusieurs points
concernant ce prodigieux châtiment
: tout d’abord, remarquet-
il, il convient de comprendre
comment cette punition vient répondre
mesure pour mesure à la
rébellion déclenchée par Kora’h.
En second lieu, une expression
particulière employée ici par Moché
mérite réflexion : « Si l’Éternel
produit un phénomène », ce qui signifie
textuellement : « S’il est une
création que D.ieu créera » – sousentendant
que cette ouverture pratiquée
dans la terre sera considérée
comme une « nouvelle création ».
Or il y a lieu de s’interroger : cette
ouverture dans la terre avait-elle
alors oui ou non déjà été créée ? En
effet, si elle existait déjà, pourquoi
demander à D.ieu de la « créer », et
dans le cas inverse, que signifie :
« s’il est une création » ? Enfin, le
plus surprenant réside certainement
dans le fait qu’une michna
explicite des Pirké Avot énonce
que l’une des choses créées la
veille du Chabbat des Six jours de
la Création fut précisément cette
« bouche de la terre » qui engloutit
Kora’h et sa faction…
Or, n’est-ce pas Moché qui fut luimême
le transmetteur de cet enseignement
?!

Trois reniements !

Il se dégage toutefois des différents
commentaires de nos Maîtres (notamment
du Talmud de Jérusalem,
Sanhédrin – chapitre 10, 1) que
Kora’h et son assemblée remirent
en cause leur foi en Moché sur
trois points essentiels :
A/ Ils ne croyaient pas que Moché
fut un authentique prophète.

B/ La nomination d’Aaron en qualité
de Cohen Gadol leur sembla
abusive.
C/ Ils prétendirent même que la Torah
révélée au mont Sinaï n’était que
le fruit de « l’imagination » de Moché
et qu’elle n’avait aucunement
été transmise par D.ieu…
Par conséquent, c’est au regard de
la première accusation que Moché
leur déclara : « Si ces gens meurent
comme meurent tous les hommes »
– à savoir que si leur mort est provoquée
naturellement par un envoyé
de D.ieu, autrement dit par l’ange
de la mort, ce sera alors le signe
que Moché n’était effectivement pas
« l’envoyé de D.ieu » puisqu’il n’a pas
plus de lien avec le Créateur que tout
autre homme… En revanche, si c’est
D.ieu Lui-même qui punit ces hommes
par un prodige exceptionnel,
il sera alors évident que Moché est
Son plus proche serviteur… davantage
encore que l’ange de la mort.
En second lieu, Moché déclara « (…)
si la destinée commune à tous les
hommes sera aussi la leur (…) » en
référence à la seconde diffamation
de Kora’h, formulée contre la
nomination d’Aaron. Or, le rôle du
Cohen est précisément d’apporter
aux hommes les « soins spirituels »
qu’ils requièrent, et ce, grâce à son
service sacerdotal ou, par exemple,
lorsqu’il déclare chez quelqu’un une
plaie de tsaraat pure ou impure. Par
conséquent, l’authenticité de cette
nomination sera déterminée si ces
hommes connaissent « la destinée
commune », c’est-à-dire si aucune
plaie spirituelle ne s’abat sur eux.
Mais surtout c’est dans le troisième
aspect de la controverse soulevée
par Kora’h que l’on découvre l’entière
portée de sa démarche et une
correspondance avec son châtiment
elle-même lourde de conséquence.

Terre et Ciel…

Le dernier et le plus significatif
des arguments de Kora’h consistait
à dire que même la Torah
transmise par l’intermédiaire de
Moché n’était pas authentique.
Autrement dit, cette Torah reçue
au Sinaï ne provenait, selon lui,
aucunement des hautes Sphères
célestes, mais elle n’était que le
fruit d’une « imagination terrestre
»…Par cette démarche, Kora’h
tenta en réalité de briser les ponts
liant le Ciel – source de spiritualité
– et la Terre, sans réaliser que
par là-même, il remettait en cause
sa propre existence faite d’une âme
venue d’En-Haut mais séjournant
ici-bas dans une enveloppe matérielle.

« Mesure pour mesure », Moché
exigea donc que leur propre âme
ne mérita pas de remonter au Cieux
pour s’y lier à nouveau à leur Source
spirituelle. En effet, le prodige
par lequel la terre « ouvrit sa bouche
» consista en réalité à engloutir
l’existence entière de ces hommes,
tant matérielle que spirituelle : ce
miracle ne se résuma pas seulement
à provoquer une mort prématurée
mais il consista bel et bien à sceller
la vie de ces hommes dans les tréfonds
de la terre, afin d’empêcher à
jamais leurs âmes de retrouver leur
origine céleste ! C’est pourquoi Moché
proclama : « si la terre ouvre sa
bouche (…) et qu’ils descendent vivants
dans la tombe » – c’est-à-dire
que toutes les facettes de leur Vie y
soient englouties.

Or, Moché savait pertinemment que
cet orifice de la terre avait déjà été
formé lors de la Création du monde.
Cependant, ce qui n’existait pas
jusque-là, ce fut cette capacité de
la terre de contenir – outre le corps
de ces hommes – également leur
âme… C’est pourquoi il pria alors
D.ieu d’utiliser cette création déjà
existante pour lui permettre de se
refermer également sur l’âme de ces
rebelles. Et ce, afin de prouver aux
yeux de tous que la Torah provient
bel et bien des plus hautes dimensions
célestes et que Moché n’avait
rien « conçu de son coeur » !

YONATHAN BENDENNOUNE


Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française

Il est interdit de reproduire les textes publiés dans Chiourim.com sans l’accord préalable par écrit.
Si vous souhaitez vous abonner au journal Hamodia Edition Francaise ou publier vos annonces publicitaires, écrivez nous au :
fr@hamodia.co.il